Home ChroniquesLes posts d'Adama Gaye Trump : L’humiliation finale de l’Amérique «La démocratie est la pire forme des gouvernements, à l’exception des autres» -Winston of Churchill. Par Adama Gaye*

Trump : L’humiliation finale de l’Amérique «La démocratie est la pire forme des gouvernements, à l’exception des autres» -Winston of Churchill. Par Adama Gaye*

par pierre Dieme
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La totale. Jusqu’au bout, il a tenu le monde en haleine. A la fin, alors qu’on craint toujours, dans un geste fatal, qu’il n’appuie in-extrémis, sur le bouton rouge pour déclencher l’arme nucléaire sur la planète, il a commis l’énième, inattendue, d’une interminable série de bourdes. La démence, à son sommet, expose dangereusement l’Amérique.
En jetant une horde d’extrémistes survoltés sur le symbole de sa démocratie, le Congrès, où siègent les représentants de la nation, dans son insensé projet d’inverser les résultats de l’élection présidentielle qu’il a perdue et que ces derniers s’apprêtaient, avant-hier, à officialiser, le Président américain sortant, Donald Trump, a réussi l’impensable : faire de son pays la risée du monde. Dans les chancelleries de toute la planète, on ne se pose plus que deux questions : comment les USA pourront-ils, désormais, exiger la tenue d’élections libres et transparentes dans quelque pays que ce soit ; et comment pourront-ils se vanter d’être une terre où les passations de pouvoir sont pacifiques et normées par un processus démocratique verrouillé, fiable, après les scènes de violence et de disruption vues par tous, qui ont déjà coûté la vie à quatre personnes et provoqué un tremblement de terre politique au sein d’une Administration Trump dont la fin tourne à l’humiliation complète.
Celui qui a pris, voici quatre ans, les rênes de la première puissance mondiale, à la surprise de tous les observateurs, ne s’est pas contenté de réduire en amas de ruines l’image lisse qui la portait auparavant mais il s’est aussi tiré l’ultime balle. Celle qui restait dans le chargeur de son revolver, orienté vers sa tempe.
Le tableau fait pitié à voir. D’une démocratie forte et debout, enviée du monde entier, Trump en a fait la risée jusque dans les cercles des pires autocraties. Les ennemis du pluralisme politique ne pouvaient imaginer recevoir un tel somptueux cadeau de début d’année pour légitimer leur profonde hostilité aux valeurs fondamentales qui en faisaient naguère leur cauchemar. En quittant son poste, presque forcé et contraint, attaché sur une civière, Donald Trump symbolise un pays ayant perdu l’attraction incomparable qu’il exerçait sur les peuples de toute la terre, épris de libertés, soudain devenus les orphelins des bêtises du Trumpisme…
Donald Trump a donc été jusqu’au bout la force de disruption plantée tel un cheval de Troie dans l’antre du pouvoir américain et déterminé à le liquéfier.
Même si tous ceux qui la suivent savent combien la démocratie américaine est par nature agitée, polarisée entre forces politiques habituées à se regarder en chiens de faïence, personne ne s’attendait à voir son incarnation suprême, son Chief Executive, se poser en ‘cheerleader’, houspilleur de foules enragées, pour en démonter les piliers. «Vous devez aller au Congrès», leur a-t-il dit, en insistant qu’il fallait déployer une force, sans faiblesse, pour «reprendre le pays » des mains des élus, à qui il reproche de lui refuser une élection que ni les urnes ni les tribunaux ne lui ont donnée.
Dans cette Amérique polarisée à l’extrême, on s’est alors aussitôt rendu compte, comme l’a dit le Président-élu, Joe Biden Jr, que la parole d’un Président pèse lourd, fut-elle celle d’un ‘lame-duck’, un canard boiteux, tel Trump.
Les écervelés, ramassis de racistes, suprêmacistes, xénophobes, qui se reconnaissent en lui n’avaient plus besoin d’autre chose que de son invitation à descendre sur le Congrès, piétinant allègrement les règles immuables de la Constitution américaine, seulement guidés par la prêche de leur prophète. On eut dit l’un de ces délurés chefs d’église iconoclaste qui surgissent de temps à autre sur la scène politique américaine et dont le souvenir laisse des traces de vies détruites, d’aventures sans issue, de projets psychédéliques inaboutis…
Le Président américain n’est pas qu’un de leurs avatars. La comparaison s’arrête à la porte du bureau Oval de la Maison Blanche, cœur du pouvoir américain. N’est-pas numéro Un de l’Amérique qui veut. On parle ici d’une puissance stratosphérique tant la dimension de la charge qu’il porte est unique au monde.
Si le Président américain se transforme donc en pyromane, allumettes et bombes nucléaires à fragmentation en mains, on peut alors craindre plus que le pire. Le climat tendu dans le pays, signe de la mort de la culture du bipartisanisme, professée mais non pratiquée par les parlementaires, ne pouvait qu’accélérer sa survenue.
En quatre ans, dans ce qu’on appelle en langage Washingtonien le Beltway, le cœur-battant de la politique intérieure américaine, où s’activent politiciens, poncifs, lobbyistes, espions et hommes de médias, ce climat de tension s’est tellement accentué que les plus perspicaces n’ont pas été étonnés de voir le déferlement de ces scènes sauvages de foules prenant d’assaut les barricades, travées et dais de l’honorable institution qui abrite la Chambre des représentants et le Sénat, les deux composantes du Congrès.
Dans un pays excessivement militarisé depuis les attaques terroristes du 11 Septembre 2001, qui avaient entraîné la mort de plus de 3000 personnes sous les yeux d’un monde tétanisé par les images retransmises par une télévision mondialisée et instantanée, on pouvait penser que le sanctuaire de la démocratie locale était mieux sécurisée.
Les scènes reprises en boucle, semblables aux combats de rues qu’on voit dans certains parlements de pays récemment initiés à la démocratie plurielle, ont donc porté un coup terrible à la marque de fabrique d’une Amérique qui a toujours revendiqué le label de pays de Dieu sur terre et celui de championne de la démocratie.
Soudain, en plus d’avoir exposé son incapacité à contenir la pandémie du Coronavirus, se retrouvant en tête des pays les plus touchés, avec des centaines de milliers de victimes, ses infrastructures physiques (ports, aéroports, autoroutes etc), en décadence, tandis que ses infrastructures sociales se dégradent (une démocratie corrompue, un système de santé onéreux, un corps social divisé), il ne manquait plus que l’acte de folie provoqué par Trump pour signifier que la pax-americana, leader de la mondialisation actuelle, est en passe de n’être plus qu’un souvenir. Elle suit le destin de la pax-britannica, celle qui avait gouverné le monde en le plaçant sur l’orbite d’une première révolution industrielle naissante quand elle régnait sur les océans et dominait de sa puissance industrielle toute la planète.
D’une certaine manière, par son comportement, proche de la folie, son irresponsabilité à reconnaître que le peuple américain était souverain, Donald Trump, le 45ème Président des USA aura jusqu’au bout réduit en farce le «standing», la stature, d’une nation, hier célébrée, aujourd’hui moquée.
Pour nous Africains, c’est bon débarras. Quelles que soient les tares des dirigeants africains qu’il a méprisés au point de refuser de porter des écouteurs quand ils étaient avec eux dans une réunion, notamment lors des Sommets du G7 où ils sont invités, en session parallèle, qui, en Afrique, ne se réjouit pas du congédiement de cet individu dont la présence à la tête des USA s’est traduit par un refus raciste, continu, jamais démenti, d’accorder le moindre intérêt aux préoccupations africaines. Les revendications pour le respect de la démocratie, la lutte contre le détournement des ressources naturelles des pays africains, le blanchiment de l’argent public dans des comptes étrangers, dont certains sont situés aux USA, les viols sur les libertés individuelles ou publiques, et même les populations noires américaines (représentant 13 pour cent de celles de l’Amérique) ignorées, sauf pendant les périodes électorales, et transformées en chair à canon pour les forces de sécurité racistes, rien, en bref n’a été épargné par un Trump à l’Afrique. «Des pays de merde», a-t-il dit, en résumé, concernant notre continent.
L’aube qui se lève avec l’installation de Joe Biden Jr. Comme 46ème Président de l’Amérique, le 20 janvier, sera-t-elle différente dans la relation transatlantique liant les deux bords australe de l’Océan éponyme ? C’est un pari audacieux. Le temps d’une Amérique ouverte et empathique s’est évanoui sous Trump, ce n’est pas demain la veille qu’il reviendra aisément tant la polarisation profonde du pays, écartelé entre repli et internationalisme, transi de peur, saisi par le doute sur sa suprématie, sentant la fin de son imperium, n’augure rien de sûr.

L’Amérique vivra longtemps avec le syndrome inhibiteur du Trumpisme. La lucidité exige d’observer ce qu’elle fera de ce lourd legs plutôt que de rêver d’un jour nouveau, ensoleillé, de son retour en grâce…

Adama Gaye*, Diplômé en Politique Etrangère Américaine, Université du Maryland-College Park, USA.

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