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Trois hypothèques à lever pour sauver notre démocratie

par pierre Dieme
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À un an de l’échéance de la présidentielle de 2024 , notre pays est confronté à une situation ubuesque au plan politique: une hypothèque juridique pèse sur les principaux prétendants à la charge suprême si bien que cette incertitude accroît les tensions et les surenchères politiques . La violence d’Etat et les violences partisanes s’accumulent dans le firmament politique avec déjà leur lot de morts , de disparus , de blessés , d’embastilles’ . Tout ceci dans un décor caractérisé par la broncha populaire suscitée par la publication du rapport de la Cour des comptes , sur fond de situation économique et sociale fortement marquée par l’inflation née du choc exogène de la guerre russo-ukrainienne et les conséquences de la crise sanitaire du covid .
À ce rythme , si les vraies solutions ne sont pas trouvées aux vrais problèmes , l’on peut craindre à juste titre la montée des périls.
Or donc quels sont les vrais problèmes du pays ? Quelles sont leurs solutions ?

1/ Mal gouvernance et impunité ou justice sélective
Le Sénégal dispose du cadre et des instruments politiques et juridiques nécessaires à la bonne gouvernance .
L’on ne s’attardera pas à énumérer ces instruments tirés de notre ordonnancement juridique et politique interne( Constitution , IGE , ARMP , Contrôle financier , Cour des comptes, OFNAC , ARTP … ) et externe comme certaines instances dédiées au niveau de nos organisations multilatérales d’intégration . Mais en dépit de l’existence de cet arsenal , la redevabilite’ et la transparence ont du mal à avoir de cité et même dans les cas où on les met en œuvre, les résultats obtenus ne sont pas toujours satisfaisants. L’explication vient de la fusion entre la fonction politique et la fonction de gestion . La première cherche à élargir sa base électorale pour accéder ou se maintenir au pouvoir en puisant au besoin sur les ressources de gestion alors que la seconde a vocation à la bonne gestion . Cette dialectique contradictoire explique dans une large mesure tous les abus de gestion et la complicité coupable dans la relation entre les deux fonctions .

Les conséquences en sont l’impunité qui permet de protéger des gestionnaires indélicats en mettant sous le « coude « les rapports d’audit les incriminant ou en tentant par d’autres stratagèmes de les soustraire à la justice .
Ces pratiques que nous avons constatées depuis longtemps et qui ont une valeur paradigmatique dans l’Etat sénégalais post colonial de type néopatrimonial se sont particulièrement accentuées sous le régime du Président Macky Sall durant lequel la politisation des gestionnaires avec la demande expresse de leur implication politique par le Président a atteint un niveau jamais égalé. L’histoire nous édifiera sur l’étendue de la ruine , du désastre et des dommages de cette orientation sur l’administration de notre pays . Notre conviction est que ce pouvoir est inapte à relever les défis de la bonne gouvernance parce que reposant sur le modèle clientéliste qui est inséparable de la corruption .
2/l’imposition immédiate d’une démocratie électorale inclusive et participative et respect scrupuleux de la constitution La situation claire obscure des candidatures à la présidentielle , à quelques mois de l’échéance, est inadmissible pour un pays qui se vante d’être une vitrine démocratique et connu jusqu’ici pour son prosélytisme en la matière . L’attitude du Président Sall du ni oui ni non , malgré ses déclarations urbi et orbi sur le fait que le mandat en cours était son dernier, est une gifle à notre démocratie et un manque de respect notoire au peuple sénégalais , sans même entrer dans des considérations d’ordre juridique , sécuritaire ou de stabilité . Le président et à sa suite , ses seconds couteaux et obligés parlent du mandat et donc de la candidature comme si cette question relevait de la simple volonté du Président ou de ses affidés . Que non . La démocratie est en danger quand un Président soutenu par des thuriféraires se prend pour un messie et cherche par des tours de passe à faire autre chose que ce que la loi autorise . Il quitte dès lors son domaine qui est celui de la légalité pour entrer dans le domaine de la transgression. Aujourd’hui , avec tout ce qui a l’air d’un reniement , le Sénégal est la risée de ses voisins qui ont toujours

souffert en silence de ce qu’ils ont considéré sans le dire comme de l’avant-gardisme sénégalais. Il est temps que le président respecte sa parole qui a une valeur sacrée , en nous épargnant l’épreuve déjà avilissante du Conseil constitutionnel dont l’avis ne ferait que retarder la sanction du peuple souverain. Il doit donc sans tarder déclarer de façon claire et sans équivoque sa non participation car , lui qui est le premier garant de l’ordre constitutionnel , ne devrait en aucune façon en être le pourfendeur . Il doit se hisser à la hauteur de sa charge , prendre l’engagement d’organiser , dans un rôle d’arbitre et une position d’équidistance entre les candidates , des élections libres , démocratiques et transparentes .
Enfin le Président Sall ne peut oublier que le peuple l’a élu en 2012 , non pas parce que le Président Wade n’avait pas de bilan , mais parce que le peuple ne voulait pas d’un troisième mandat , en dépit du retrait de la loi sur le quart élisant .
La deuxième action prioritaire me semble la levée de tout obstacle sur un scrutin inclusif et participatif par l’abrogation de la mesure de parrainage , la baisse du montant excessif de la caution et l’adoption du bulletin unique . Dans ce sens Khalifa Sall et karim wade doivent sans tarder recouvrer intégralement leurs droits civiques.
3/ le cas Ousmane Sonko
L’affaissement de notre démocratie au ras des pâquerettes a commencé avec la traque immonde de vies privées d’hommes politiques , leur utilisation comme menace , chantage , allant parfois jusqu’à la judiciarisation ou l’exposition sur la vie publique . Cette pratique sordide , qui n’a pas commencé avec Ousmane Sonko (rappelez vous l’affaire des politiciens de Dagana ) , tend à devenir un attribut banal de nos mœurs politiques et à être caractéristique d’une démocratie malade et décadente.
Le cas Ousmane sonko dans l’affaire dite sweet beauté n’honore pas notre démocratie et fait peser sur notre pays une hypothéque dont l’issue ne peut être que dramatique tant au plan politique que social . Une démocratie ne peut pas fonctionner sur la base d’exclusion d’adversaires de la compétition électorale. Ma conviction dans cette affaire est que le viol est une affabulation, une trouvaille politique concoctée , à posteriori d’un agenda de fréquentation connu , pour la liquidation politique d’un opposant gênant que , du reste, je ne cherche point à blanchir au plan moral , -de quel droit d’ailleurs pourrais- je m’en prévaloir , car je ne me sens pas moralement meilleur que lui , pour le juger ? Mais il faut qu ‘ on accorde nos violons et qu’on chante la même chanson . Autrement dit , il faut qu’on dise la même chose . La vie privée d’Ousmane Sonko ne regarde que lui . Pour les sénégalais , ce qui compte c’est le projet politique qu ‘il présente . Chacun peut penser ce qu’il veut , mais les faits avérés , suite à la reconnaissance par Sonko lui même qu’il fréquentait les lieux, corroborent la thèse d’un complot , avec l’intervention d’acteurs politiques sur une longue échelle d’actions avec Adji Sarr .
Que vient faire subitement tout ce beau monde dans une affaire qui ne les regarde pas ? L’argument de la commisération servie est elle recevable ? Quels liens antérieurs peuvent expliquer un tel comportement ? Il est difficile d’apporter des réponses convaincantes à ces interrogations.
Mais voyons de quoi sonko est-il accusé? Il n’est pas accusé d’avoir fréquenté sweet beauté, encore moins d’avoir entretenu des rapports intimes avec Adji Sarr , mais de l’avoir fait par la contrainte et la menace de mort . Vu le nombre de fréquentations avant le dépôt de la plainte , l’interférence d’hommes politiques , l’affirmation de non virginité de la prétendue victime dans le certificat médical , l’idée même de viol relève du burlesque et même avec un procès à la suite d’une ordonnance de renvoi à la juridiction de jugement , je ne vois pas quel tribunal aura le toupet de rendre un verdict de culpabilité car même si il y avait la présomption de rapports sexuels (avec le refus persistant de test ADN) ou même la preuve de l’existence de ces rapports, la thèse du viol ne pourrait reposer que sur le caractère non consenti des rapports , ce qui sera quasi impossible de prouver . Et on sait qu’en matière pénale le doute bénéficie à l’accusé. Le droit pénal est essentiellement un droit des certitudes. Que peut-on donc chercher avec un procès public si ce n’est un grand déballage pubic d’obscénités pour humilier Ousmane Sonko et espérer saper les fondements de sa crédibilité morale . Cet exercice est indigne d’une démocratie qui se respecte et contraire aux valeurs cardinales de notre société . Il s’avère dangereux et à tous les coups improductif sur le plan politique parce qu’ il est hors de question que le pouvoir mette hors jeu Ousmane Sonko dans les joutes de la prochaine présidentielle.

En conclusion nous invitons le Président de la république à la raison et à poser les actes qui vont dans le sens de la consolidation de la démocratie. En ce qui concerne l’opposition et les forces démocratiques et citoyennes nous attirons l’attention sur la nécessité d’un combat démocratique et non violent et de s’abstenir de tout ce qui peut servir de prétexte pour porter atteinte au processus de la démocratie civile dans notre pays qui ne doit en aucun cas basculer vers des situations d’exception , mêmes transitoires. Suivez mon regard sur la géopolitique environnante . Ce serait le plus grand tort qu’on puisse faire à notre pays et aux générations futures.
Cheikh Gueye ,
inspecteur des impôts à la retraite
Expert fiscal membre de l’ordre
Consultant et Expert en politiques publiques de développement
Dakar le 2 janvier 2023

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