vendredi, mars 29, 2024
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Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Amine : «Il nous faut rompre avec le rôle de sapeurs-pompiers»

par pierre Dieme
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Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Amine, Président du Cadre unitaire de l’Islam au Sénégal (Cudis), explique la démarche de son association qui veut rompre avec le rôle de sapeurs-pompiers dans lequel on aime les confiner.

Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Amine, Président du Cadre unitaire de l’Islam au Sénégal (Cudis), explique la démarche de son association qui veut rompre avec le rôle de sapeurs-pompiers dans lequel on aime les confiner. 

Monsieur le président, pouvez-vous nous faire l’historique du Cadre unitaire de l’Islam au Sénégal (Cudis) ?

Le Cadre unitaire de l’Islam au Sénégal (Cudis) est né en 2016 pour fédérer des acteurs des différentes confréries et associations islamiques autour desquelles les musulmans sénégalais d’ici et de la diaspora se reconnaissent. Les comités scientifiques et cadres de haut niveau qui ont été organisés autour d’un agenda de préservation de la paix et de l’exceptionnalité du vivre ensemble sénégalais sont des instruments de recentrage sur les mémoires ainsi que sur les postures et enseignements des fondateurs, tout en reliant leur réflexion à des enjeux nationaux et internationaux. Son émergence correspond à une ère nouvelle dans laquelle on verra une nouvelle génération et de nouveaux profils d’acteurs religieux qui s’insèrent dans l’espace public pour perpétuer le rôle de régulateur et de transformation sociale des chefs religieux. Depuis 2016, le Cadre unitaire de l’Islam au Sénégal (Cudis), qui est composé d’intellectuels arabophones et francophones d’obédience soufie ou réformiste, initie des projets pour renforcer l’éducation religieuse dans le système éducatif national, préserver les jeunes des réseaux sociaux, faciliter l’observation commune du croissant lunaire, numériser le patrimoine écrit de nos figures religieuses, etc. Notre intervention durant les évènements violents de mars a été une étape importante de notre projection sur l’espace politique, et c’est à la demande des acteurs politiques que nous continuons à intervenir.

Le Cudis s’est proposé de faire signer aux acteurs politiques une charte de non-violence. Êtes-vous optimiste pour l’aboutissement du processus enclenché ?

Oui, nous avons décidé d’intervenir dans le contexte inflammable actuel et la perte de confiance entre acteurs politiques pour rompre avec le rôle de sapeurs-pompiers dans lequel on aime nous confiner et nous inscrire dans une démarche de prévention. Nous sommes déjà très satisfaits que le débat se soit recentré depuis un mois sur la non-violence et qu’il n’y ait pas eu d’évènements violents majeurs depuis lors. C’est déjà un premier aboutissement. Ensuite, depuis lors, toutes les coalitions, y compris Yewwi askan wi (Yaw), ont accepté de nous rencontrer, de discuter, de nous transmettre leurs préoccupations et frustrations. Nous avons rencontré le Président de la République qui est une des clefs de la paix et de la non-violence. Notre échange avec lui a été franc et direct, comme nous l’avaient demandé les autorités religieuses. La Charte de non-violence n’a été qu’une idée que nous avons proposée et les acteurs politiques et sociaux (principales coalitions, syndicats, patronat, etc.), dans leur grande majorité, se sont appropriés de l’initiative. La charte sera leur charte qu’ils signeront et pour laquelle nous jouerons un rôle de facilitateur et de suivi pour qu’elle impacte la situation nationale. Nous allons proposer des mesures d’accompagnement qui, si elles sont suivies, peuvent permettre de faire respecter les engagements souscrits par les différentes parties et contribuer à pacifier l’espace politique.

Le refus d’Ousmane Sonko et certaines réserves de la coalition de Yaw ne risquent-ils pas de plomber votre démarche ?

Non, pas du tout ! Nous continuons à discuter avec certains membres de Yaw pour mieux expliquer notre démarche qui porte déjà ses fruits. Nous comprenons leur position qui a une rationalité politique et qui reflète leur posture. Nous la respectons et les remercions de nous avoir reçus, écoutés et d’avoir répondu avec des arguments. Nous gardons le contact avec eux et continuons à les informer à chaque étape du processus. Nous sommes certains qu’ils contribueront, au-delà de la charte, à la dynamique de préservation de notre pays des affres de la violence incontrôlée.

Ce pacte en gestation aura-t-elle une valeur juridique ?

La signature de la Charte sera un engagement moral de chaque acteur selon lequel il ne sera pas source de violence et qu’il contribuera, à travers la parole et les actes, à l’instauration d’un climat de non-violence. Mais nous ne sommes pas naïfs, nous savons qu’il ne suffira pas de signatures des acteurs politiques pour lutter contre la violence. Le plus dur commencera après la cérémonie de signature. Un travail de monitoring rapproché et de communication porté par les acteurs eux-mêmes, un travail d’éducation des citoyens engagés avec les acteurs politiques, un changement de doctrine dans la gestion de la sécurité par le Ministère de l’intérieur, etc., seront des conditions de préservation de la paix.

Peut-on s’attendre à une coordination des actions de toutes les organisations et cadres pour la pacification de l’espace politique d’ici le 23 janvier 2022 ?

Nous nous réjouissons de voir que d’autres initiatives viennent renforcer la dynamique que nous avons enclenchée, tous les efforts sont louables et utiles. Nous pensons que l’implication des associations d’imams et de prédicateurs, les associations de femmes et les autres relais communautaires peuvent être mis à contribution pour mieux sensibiliser les populations dans la promotion de la culture de non-violence auprès des jeunes. Espérons surtout qu’elles vont impacter, chacune avec sa spécificité, sur le phénomène de la violence qui s’est accentué ces dernières années et dans tous les secteurs.

Ce travail se poursuivra-t-il après les élections territoriales ?

Oui, nous ne comptons pas intervenir à la carte et de manière circonstancielle. Notre démarche veut s’inscrire dans la durée et aider le pays à garder ses ressorts intacts sans remettre en question la vivacité de la compétition électorale. Le contrat social sénégalais et notre démocratie sont un legs qui doit être préservées et les valeurs qui les fondent doivent être renforcées et transmises aux nouvelles générations.

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