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vendredi, avril 19, 2024
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Scandale foncier dans la forĂȘt de Diass

par pierre Dieme

Suspicions d’un deal entre le maire, un promoteur et des autoritĂ©s administratives

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D’un projet futuriste pour le village de Boukhou Ă  une distribution abusive d’un titre foncier appartenant Ă  l’Etat du SĂ©nĂ©gal, difficile de trouver une partie du pays qui Ă©chappe aux litiges fonciers.

Diass, nouvelle ville. L’histoire ne germait pas que dans la tĂȘte de l’ex-prĂ©sident de la RĂ©publique du SĂ©nĂ©gal, Me Abdoulaye Wade, qui a dĂ©cidĂ© d’y installer le nouvel aĂ©roport international de Dakar (AIBD). Les habitants du village de Boukhou, dans la commune de Diass, en ont eu la preuve. C’est en juin 2016 qu’un promoteur immobilier, du nom de Mamadou ClĂ©dor Fall, est venu leur prĂ©senter le projet de lotissement d’un terrain de 55 ha dans le village, espace compris dans la forĂȘt classĂ©e de Diass. Avec la bĂ©nĂ©diction de la mairie de Diass, l’homme d’affaires affirme alors dĂ©tenir tous les documents Ă©manant des autoritĂ©s administratives sur un terrain lui appartenant et pour lequel il avait dĂ©pensĂ© beaucoup d’argent.

Des personnes ayant suivi ces dĂ©clarations soutiennent qu’il avait mĂȘme fait mention de ‘’12 avis favorables obtenus auprĂšs des services compĂ©tents (la commission rĂ©gionale d’urbanisme, le cadastre, l’Ageroute, la Senelec, les eaux et forĂȘts
)’’.

En prĂ©sentant le projet aux autochtones, le promoteur immobilier promettait la construction de centres de formation, de mosquĂ©es, de ‘’daara’’ modernes, d’un stade et bien d’autres infrastructures.

Mais quatre annĂ©es plus tard, ce sont les parcelles qui sont vendues en baux, alors qu’aprĂšs vĂ©rification, le lieu est supposĂ© appartenir Ă  l’Etat du SĂ©nĂ©gal.

Comment comprendre ce qui se passe dans cette partie de la forĂȘt classĂ©e de Diass ? Pour le Collectif pour la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts de Boukhou, il s’agit d’un ‘’systĂšme organisĂ© de pillage et de spĂ©culation fonciĂšre qui implique tous les niveaux de dĂ©cision de l’Administration : M. Baye Moussa Ndoye, Chef du Bureau des domaines de Mbour, et M. Aliou Samb Ciss, Maire de la commune de Diass, se sont liguĂ©s avec un repris de justice nommĂ© Mamadou ClĂ©dor Fall, promoteur immobilier et administrateur de la sociĂ©tĂ© Diarra Sarl, pour lĂ©gitimer un projet de lotissement irrĂ©gulier initiĂ© frauduleusement par la mairie de Diass depuis 2016’’. Ce collectif s’est formĂ© lorsque la population s’est rendu compte que des parcelles sont dĂ©jĂ  mises en vente, au moment oĂč rien n’a Ă©tĂ© Ă©rigĂ© sur le site. En atteste l’attribution ‘’de la parcelle n°485 du plan de lotissement de Boukhou, d’une superficie de 200 m2 environ, Ă  distraire du titre foncier n°3175/MB’’ qui invite son bĂ©nĂ©ficiaire Ă  se ‘’rapprocher du Bureau des domaines de Mbour, en vue de l’établissement du contrat de bail y affĂ©rent’’. Ce document a Ă©tĂ© signĂ© par le chef du bureau Baye Moussa Ndoye.

Des lettres de notification vendues, alors que la liste d’attribution des parcelles n’est pas publiĂ©e

Ces attributions ont dĂ©butĂ© depuis le mois de fĂ©vrier 2020, sur la base des ‘’dĂ©cisions issues de la Commission d’attribution des parcelles de la commune de Diass’’, comme mentionnĂ© dans les lettres de notification d’attribution de parcelles. Soupçonnant un deal, le Collectif pour la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts de Boukhou demande au Bureau des domaines de Mbour, dans une lettre datĂ©e au 19 mars 2020, une copie du procĂšs-verbal de la commission d’attribution des parcelles. Six jours plus tard, une autre lettre du collectif est dĂ©posĂ©e au bureau de Baye Moussa Ndoye, dĂ©nonçant l’attribution de parcelles sur le site litigieux. Mais les requĂȘtes sont restĂ©es sans rĂ©ponse. De plus, la liste d’attribution des parcelles n’a pas Ă©tĂ© publiĂ©e, au moment oĂč des lettres de notification sont en train d’ĂȘtre vendues, dĂ©nonce la population.

C’est une dĂ©libĂ©ration du Conseil municipal de Diass n°04/CD en date du 12 aoĂ»t 2015 portant lotissement et restructuration des villages de Boukhou et Packy, pour une superficie de 55 ha, TF n°3175/MB, qui dĂ©finit le projet de lotissement en question. Seulement, beaucoup de conseillers municipaux, interrogĂ©s par des membres du collectif, soutiennent que le conseil municipal en question ne s’est jamais tenu. Encore plus bizarre, il existe deux versions du procĂšs-verbal de cette supposĂ©e rencontre autorisant le maire Ă  procĂ©der au lotissement et Ă  la restructuration des villages de Boukhou et Packy pour une superficie de 55 ha. Dans l’article 1 de la seconde dĂ©libĂ©ration, le mot ‘’restructuration’’ a Ă©tĂ© ajoutĂ© au lotissement, par rapport Ă  l’article 1 du premier document. Mais les deux dĂ©libĂ©rations portent l’approbation du sous-prĂ©fet de Sindia, Mountaga Daha Diallo, et du maire Aliou Ciss.

Comment le conseil municipal peut-il dĂ©libĂ©rer sur une assiette fonciĂšre de l’Etat ?

De plus, sollicitĂ© par un Ă©tudiant, le chef du Bureau des domaines de Mbour, Baye Moussa Ndoye, par ailleurs conservateur de la propriĂ©tĂ© et des droits fonciers de Mbour, a certifiĂ©, dans une lettre datĂ©e au 17 mars 2020, ‘’que l’immeuble objet du titre foncier n°3175/MB, consistant en un terrain urbain servant d’assiette au lot de Boukhou, portant le numĂ©ro d’identification cadastral (Nicad) 071 203 02 014 00001, d’une contenance reconnue au bornage trente-deux hectares quatre-vingt-dix ares quatre-vingt-quinze centiares (32ha 90a 95ca) appartient, Ă  ce jour, exclusivement Ă  l’Etat du SĂ©nĂ©gal’’. Dans ce contexte, comment le conseil municipal peut-il dĂ©libĂ©rer sur une assiette fonciĂšre de l’Etat ?, s’indigne le Collectif pour la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts de Boukhou.

Aussi, à ce jour, personne ne connait les termes qui lient la mairie de Diass au promoteur immobilier, dénonce-t-il.

Devant toutes ces irrĂ©gularitĂ©s, la population a entrepris d’introduire un recours judiciaire qui est toujours en cours d’instruction. Ces actions avaient mĂȘme conduit, par moments, Ă  l’arrĂȘt des travaux de terrassement par la gendarmerie. Mais, ‘’en juillet 2017, la mairie de Diass a fait recours aux services du ministre du Renouveau urbain, de l’Habitat et du Cadre de vie pour reprendre les travaux, en brandissant l’arrĂȘtĂ© n°13 318 du 26 juillet 2017 qui autoriserait un lotissement sur le site des 55 ha sis Ă  Boukhou. Cet arrĂȘtĂ©, s’il existe, conforte notre position selon laquelle le projet immobilier ou plutĂŽt le projet de lotissement est entachĂ© de plusieurs irrĂ©gularitĂ©s. Pourquoi la mairie avait-elle dĂ©marrĂ© le terrassement en juillet 2016, sans l’autorisation du ministre, alors que l’article 43 de la loi n°2008-43 du 20 aoĂ»t 2008 portant Code de l’urbanisme stipule que l’autorisation de lotir est dĂ©livrĂ©e par le ministre chargĂ© de l’Urbanisme, aprĂšs avis de la collectivitĂ© concernĂ©e
 ?’’, se demande le collectif.

D’ailleurs, il a annoncĂ© une plainte dĂ©posĂ©e Ă  l’Ofnac contre M. Baye Moussa Ndoye, le chef du Bureau des domaines de Mbour, et M. Aliou Samb Ciss, l’édile de la commune de Diass, pour fraude et dĂ©nonciation de la distribution irrĂ©guliĂšre de lettres de notification d’attribution de parcelles du TF n°3175/MB.

Historique de la forĂȘt classĂ©e de Diass


La forĂȘt classĂ©e de Diass comptait une superficie de 1 860 ha classĂ©s sous le n°224 du 21 janvier 1939. En 2001, 907,35 ha ont Ă©tĂ© dĂ©classĂ©s pour les besoins de la construction de l’aĂ©roport international Blaise Diagne (AIBD) de Diass par dĂ©cret 2001-667 du 30 aoĂ»t 2001. Ensuite, pour la crĂ©ation de la zone Ă©conomique spĂ©ciale intĂ©grĂ©e, une partie de la forĂȘt classĂ©e de Diass, d’une superficie de 650 ha a Ă©tĂ© dĂ©classĂ©e par dĂ©cret n°2007-1336 du 6 novembre 2007.

Enfin, il y a eu le dĂ©cret n°2010-1093 en date du 13 aoĂ»t 2010 portant dĂ©classement de 110 ha de la forĂȘt classĂ©e de Diass, dĂ©partement de Mbour, rĂ©gion de ThiĂšs, au profit de la SCI ‘’la Nouvelle ville’’. Ce dĂ©cret a Ă©tĂ© remplacĂ© entre les deux tours de l’élection prĂ©sidentielle de 2012 par le dĂ©cret n° 2012-336 MEF/DGID/DEDT en date du 7 mars 2012, dĂ©clarant d’utilitĂ© publique la rĂ©alisation d’un programme immobilier Ă  Diass, prescrivant l’immatriculation au nom de l’Etat d’un terrain du domaine national d’une superficie de 110 ha 00 are 00 ca sis Ă  Diass, dans le dĂ©partement de Mbour, en vue de son attribution par voie de bail.

Jusque-lĂ , le scandale foncier concerne 55 ha sur 110 ha mentionnĂ©s dans le dĂ©cret prescrivant l’immatriculation, d’oĂč l’interrogation lĂ©gitime de la population sur les 55 ha restants

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