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Quand Macky veut contourner le suffrage des électeurs !

par pierre Dieme
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La disparition des 5 villes du pays pour laisser la place aux « départements et communes comme le stipule l’article 1 du Code général des collectivités locales » annoncée par le ministre des Collectivités territoriales, du Développement et de l’Aménagement des territoires pourrait être la fin d’une longue visée du régime en place à l’endroit de certaines grandes villes à l’image de Dakar. En effet, après plusieurs tentatives soldées par des échecs, le pouvoir en place ne cache plus son intention de modifier les règles dans le choix des dirigeants de villes afin de pouvoir ainsi exercer son contrôle sur la capitale sans passer par la voie électorale.

La sortie du ministre des Collectivités territoriales, du Développement et de l’Aménagement des territoires sur la disparition des 5 villes du pays pour laisser la place aux « départements et communes comme le stipule l’article 1 du Code général des collectivités locales » remet au goût du jour le débat sur l’obstination du chef de l’Etat actuel, Macky Sall, à exercer par tous les moyens légitimes ou illégitimes son contrôle sur certaines grandes collectivités territoriales. Entamée depuis 2012, au lendemain de son accession au pouvoir, cette bataille du président Sall pour le contrôle des grandes villes qui semble dans sa dernière phase avec cette option de suppression pure et simple de la carte de la gouvernance locale des villes pourtant prévues par l’article 167 de la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales, s’est déroulée sur plusieurs étapes.

DEPOUILLEMENT DES COMPETENCES DES VILLES PAR L’ACTE 3 DE LA DECENTRATION

Arrivé au pouvoir en 2012, l’actuel chef de l’Etat nonobstant son engagement pour une rupture dans la gouvernance des affaires publiques affirmée à plusieurs reprises, n’a pas pu résister à la tentation de contrôler politiquement les grandes agglomérations du pays. Ainsi, en 2013, alors que les élections locales devant permettre le renouvellement des mandats des élus locaux (présidents de conseils régionaux, maires et présidents de communautés rurales) étaient prévues en 2014, il a initié la réforme de l’Acte 3 de la décentralisation dont la loi a été adoptée en procédure d’urgence à l’Assemblée nationale. Cependant, il faut dire qu’au-delà de la suppression de la région et l’érection du département en collectivité territoriale ainsi que la communalisation intégrale, cette réforme s’est traduite sur le terrain par le dépouillement des compétences des villes au profit des nouvelles communes de pleins exercices. Une situation qui a causé beaucoup de difficultés aux nouveaux maires des anciennes communes d’arrondissement et ex-communautés rurales qui ont vu leurs domaines de compétences élargies avec de nouvelles charges sans que cela ne soit accompagné par des moyens financiers. Du côté des villes comme Dakar d’un budget estimé environ à 70 milliards FCFA, la difficulté se situe plutôt au niveau de l’absence de domaines où injecter cette manne financière. Il a fallu donc passer par une mutualisation pour permettre à la ville d’être à nouveau en contact avec la population.

L’AFFAIRE DE LA CAISSE D’AVANCE DE LA MAIRIE DE DAKAR

La procédure judiciaire relative à la gestion de la caisse d’avance de la ville de Dakar et qui a abouti à la condamnation puis la destitution de Khalifa Ababacar Sall de ses mandats de député-maire de Dakar s’inscrit également dans le cadre de cette bataille pour le contrôle des grandes villes initiée par l’actuel de l’exécutif sénégalais. En effet, visiblement très préoccupé par le risque d’être le premier président de la République qui, durant son magistère, n’a pas gagné la capitale dont l’électorat est acquis à la cause de Khalifa Ababacar Sall, lequel a infligé une défaite mémorable au camp présidentiel lors des locales de 2014, le président Sall, après cet échec au plan politique, va tout simplement déplacer sa bataille sur le plan juridique. Accusé de détournement de deniers publics et d’association de malfaiteurs portant sur un montant de 1,8 milliard de francs CFA, Khalifa Sall avec six de ses collaborateurs ont été placés sous mandat de dépôt et envoyés à la prison de Rebeuss. Toutefois, il faut dire que derrière cette procédure initiée officiellement sur la base d’un rapport de l’Inspection général d’Etat (Ige), se cache une bataille autour d’un conflit d’agenda politique entre d’une part, Khalifa Ababacar Sall et ses partisans socialistes qui prônent la fin du compagnonnage avec le président Sall et une candidature socialiste à la présidentielle de 2019, et d’autre part, l’ancien Secrétaire général du Parti socialiste feu Ousmane Tanor Dieng proche du président Sall.

LA BATAILLE AUTOUR DU STATUT DE LA VILLE DE DAKAR ET SON MAIRE

La bataille autour du contrôle de certaines grandes agglomérations initiée par le régime en place ne s’est pas seulement arrêtée à l’adoption de la Loi sur l’Acte 3 de la décentralisation ou encore la procédure judiciaire visant la gestion de la caisse d’avance de la ville de Dakar par Khalifa Sall. Entre 2013 et 2020, le régime en place a tenté plusieurs manœuvres pour asseoir son contrôle dans les grandes villes sans passer par le suffrage universel. Il en est ainsi entre autres des propositions de doter ces villes de statut spécial ou encore de nommer le maire de la ville de Dakar par décret présidentiel. La dernière tentative remonte au mois de février 2020 dernier dans le cadre des travaux de la Commission cellulaire du dialogue politique sous l’égide du général à la retraite, Mamadou Niang. En effet, les représentants du pôle de la majorité avaient demandé l’inscription de la question de statut spécial de la ville de Dakar au menu des discussions. Une proposition que les autres acteurs du dialogue politique (pôles de l’opposition et des Non-alignés de même que la société civile) avait catégoriquement rejetée.

Auparavant, c’est Aminata Mbengue Ndiaye, présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et Secrétaire général du Parti socialiste qui était montée au créneau pour faire ce plaidoyer. Présidant la cérémonie d’ouverture de la session ordinaire de l’année 2020 du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) placée sous le thème : « L’équité territoriale » le vendredi 7 février 2020 dernier, Aminata Mbengue Ndiaye a demandé un «statut particulier» pour Dakar. Pour justifier sa proposition, l’ancienne mairesse de Louga indiquait avoir constaté que le statut de la ville de Dakar n’a pas évolué alors que «des villes-capitales politiques et économiques comme Yaoundé, Yamoussoukro, Douala, Lagos disposent d’un statut particulier à la hauteur de leur taille et à la dimension de leurs ambitions». Cette sortie qui intervenait quelques jours seulement après la proposition de nomination par décret présidentiel du maire de Dakar de l’ancien bras de droit de Karim Wade, Dr Cheikh Diallo, avait suscité un tollé à tel point que le porte-parole adjoint du parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr), fût obligé de monter au créneau pour préciser que cette proposition « n’émane pas du pouvoir » et que « Cela n’engage que Aminata Mbengue Ndiaye ».

En effet, invité à l’émission Grand jury de la Radio futur média (Rfm) du dimanche 10 novembre 2019 dernier, Dr Cheikh Diallo avait laissé entendre que « le maire de la Ville de Dakar ne doit pas être élu, mais nommé par décret présidentiel. Il faut une gestion municipale sous tutelle de l’État en osmose avec le gouvernement au profit des Dakarois. Ce, pour éviter les conflits d’intérêt ». Une proposition qui avait suscité des réactions hostiles au-delà de la sphère politique

Par Nando Cabral GOMIS

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