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vendredi, avril 19, 2024
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On ne peut pas ĂȘtre aussi impopulaire que Macky Sall et vouloir conserver le pouvoir par tous les moyens.

par pierre Dieme

Le SĂ©nĂ©gal traverse l’un des plus sombres moments de son histoire politique. Jamais dans son histoire politique, le pays n’a connu autant de rĂ©pressions, d’arrestations et de morts du fait des pratiques dictatoriales du rĂ©gime. S’il existe un domaine dans lequel le prĂ©sident Macky Sall a triomphĂ© ces derniĂšres annĂ©es, ce serait bien l’injustice. Rester silencieux encore longtemps face Ă  cette injustice serait d’une culpabilitĂ© pire que la violence des armes.

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Paraphrasons le point de vue de Martin Niemöller sur la lùcheté des intellectuels allemands qui observaient, sans rien dire, le pouvoir nazi éliminer les opposants, un à un.

Quand ils sont venus chercher les journalistes, je n’ai rien dit, parce que je ne suis pas journaliste.

Quand ils sont venus chercher les activistes, je n’ai rien dit, car je ne suis pas activiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je ne suis pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les membres du parti Pastef, je n’ai rien dit, je ne suis pas de Pastef.

Puis, ils sont venus me chercher, et il n’y a plus personne pour protester.

Le rĂ©gime de Macky Sall n’est pas sanguinaire comme le pouvoir nazi, mais il fait tout ce que font les dictatures : rĂ©duire les voix discordantes en silence par tous les moyens.

RĂ©sister Ă  loi de la force

Le gouvernement est censĂ© assurer la stabilitĂ©, l’ordre et la sĂ©curitĂ© des personnes et des biens. Cependant, Ă  chaque fois qu’il vous dit que « force doit rester Ă  la loi Â» c’est pour appliquer la loi de la force. On substitue la force Ă  la loi en manipulant les autoritĂ©s administratives, judiciaires et policiĂšres qui sont censĂ©s faire respecter la loi.

Dans beaucoup d’autres situations, on manipule les lois pour cibler et rĂ©duire au silence les critiques. Les lois les plus instrumentalisĂ©es incluent la loi sur la diffamation, le dĂ©lit d’offense au chef d’État, les lois sur le terrorisme qui assimilent les discours politiques et les manifestations Ă  des troubles Ă  l’ordre public, et mĂȘme des actes terroristes. Telles qu’elles existent actuellement, la loi sur la diffamation et la loi portant offense au chef de l’État sont des violations flagrantes de la libertĂ© d’expression. Elles le sont d’autant plus qu’elles prĂ©voient des peines de prison, et mĂȘmes des conditions d’inĂ©ligibilitĂ© pour les condamnĂ©s. Ces lois sont archaĂŻques et doivent ĂȘtre abolies, purement et simplement.

La plupart des SĂ©nĂ©galais auraient souhaitĂ© pouvoir dĂ©fendre leurs droits constitutionnels, y compris celui de protester pacifiquement, sans jeter une seule pierre. On peut s’indigner face aux destructions matĂ©rielles au cours des manifestations, mais il ne faut surtout pas oublier que la dĂ©mocratie sĂ©nĂ©galaise est un bien public. Elle vaut beaucoup plus que les objets et infrastructures matĂ©riels. La dĂ©mocratie a permis de prĂ©server des vies humaines ainsi que les libertĂ©s politiques sans lesquelles Macky Sall n’aurait jamais accĂ©dĂ© au pouvoir. Devrions-nous nous abstenir de toute rĂ©action lorsque Macky Sall et son gouvernement passent leur temps Ă  saccager ce bien collectif pour lequel des hommes et des femmes se sont combattus au pĂ©ril de leurs vies ?

Légitimité perdue

Le rĂ©gime de Macky Sall est lĂ©gal, mais il n’est plus lĂ©gitime compte tenu des rĂ©pressions et des carnages financiers successifs perpĂ©trĂ©s en toute impunitĂ©.

Jamais dans l’histoire, le SĂ©nĂ©gal n’a connu un chef d’État aussi impopulaire. On ne peut pas ĂȘtre aussi impopulaire et vouloir conserver le pouvoir par tous les moyens. C’est politiquement immoral et dangereux pour la paix et la sĂ©curitĂ© dans le pays.

L’affaire de diffamation par laquelle on cherche Ă  faire condamner l’opposant Ousmane Sonko Ă  tout prix pour qu’il ne participe pas Ă  l’élection prĂ©sidentielle de 2024 risque d’ĂȘtre la tentative d’élimination de plus. Cet Ă©pisode pourrait sonner le glas du rĂ©gime. Ousmane Sonko libre et actif dans l’opposition serait moins dangereux pour le gouvernement que sa condamnation et son exclusion de la prochaine compĂ©tition politique.

Moda Dieng est professeur agrĂ©gĂ© en Ă©tudes de conflits, UniversitĂ© Saint-Paul, Ottawa, Canada.

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