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Moussa Diaw : Comment expliquer la régression de l’Etat et de la République ?

par pierre Dieme
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Si l’Etat se définit par le monopole de la violence physique légitime en se référant à l’auteur, Max Weber, aujourd’hui cet Etat westphalien, importé de l’Occident et transposé dans des réalités différentes où ses fondamentaux se sont effrités par des comportements et pratiques relevant des logiques patrimoniales, se retrouve dans des contradictions qui bloquent sa fonctionnalité normale. L’exception sénégalaise s’est volatilisée depuis les événements de mars 2021 démontrant la fragilité de la société politique qui n’a pas réussi à anticiper sur les demandes sociales et désamorcer du coup la crise dont les germes sont multidimensionnels. La pire des attitudes est de sous-estimer des situations annonciatrices de révoltes et de laisser pourrir en espérant reprendre la main après la tempête. Le constat a été amer et il semble, au regard des agissements post-turbulences, qu’on n’ait pas tiré des leçons de cet avertissement dont les racines restent encore vivantes.

Comment expliquer la régression de l’Etat et de la République ?

Certes, les Etats africains sont faibles dans leur fondement en raison de multiples facteurs variés qui représentent un frein à leur développement politique, économique et social. Mais, le cas du Sénégal, qui était souvent cité comme exemple en Afrique, en termes de contrat social, de stabilité et de démocratie, est rattrapé par la géopolitique régionale car, à l’épreuve des contingences multiformes, des effets de la mondialisation, surtout de la pandémie de la covid-19, sa capacité de résilience a montré ses limites face à cette double pression.

Les institutions, souvent revues et corrigées, remplissent partiellement leurs fonctions puisqu’elles apparaissent désincarnées et mises au service de calculs et d’actions politiques partisanes. Au bout du compte, le principe de la séparation des pouvoirs demeure un vœu pieux au-delà des discours d’autosatisfaction des dirigeants, peu enclins à faire fonctionner de façon judicieuse les organes de contrôle et de régulation. Le manque de rigueur et de transparence dans la gouvernance politique et économique contribue à approfondir les dysfonctionnements qui affectent certaines institutions et leur crédibilité. La perception d’une justice à deux vitesses peut créer des frustrations faisant le lit de la violence imprévisible à l’image des manifestations du mois de mars dernier. Ajoutons à cela, les affaires de blanchiment d’argent et de trafic de passeports diplomatiques qui ont éclaboussé certains élus de la représentation nationale.

Ainsi, la république, malmenée par des discours de haine, inadmissibles de la part de certains leaders politiques, vient d’être confrontée à une rude épreuve fragilisant la construction nationale. Le silence des autorités instaure davantage un climat de suspicion et un malaise persistant. De plus, la démocratie sénégalaise éprouve des difficultés à sortir de l’étau de la concentration des pouvoirs et des stratégies machiavéliques contre toutes formes d’opposition, engendrant le raidissement de leaders supposés porteurs de projets alternatifs. Cette velléité autoritaire favorise paradoxalement l’émergence d’acteurs d’obédiences diverses paralysant l’éclosion de la vitalité démocratique et l’exercice de l’autorité étatique. L’heure est venue de se ressaisir et de décloisonner la démocratie en respectant les principes et les règles établis pour garantir la stabilité de l’Etat de droit, la cohésion sociale et le « désir de république ».

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