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Mars 2021, le Sénégal frôle l’indépendance

par pierre Dieme
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Comme le voudrait la tradition, ce 3 avril, depuis le palais construit par Henri Deglane pour servir de résidence officielle au gouverneur général de l’AOF, Macky SALL s’est adressé, en français d’abord, à ses concitoyens, leur souhaitant une « bonne fête de l’indépendance ». « Le 4 avril fait l’éloge de notre liberté retrouvée », a-t-il dit. Seulement, pour les Sénégalais, qui ont dernièrement manifesté et qui sont totalement indifférents face à cette fumisterie républicaine, voir le leader de l’APR à l’écran discourir au nom de la Nation est le signe que la véritable souveraineté est encore à recouvrer.

« Je suis heureux de m’adresser à vous, à l’occasion de la célébration, demain, 4 avril 2021, du 61e anniversaire de l’indépendance de notre pays. A chacune et à chacun de vous, j’adresse mes chaleureuses félicitations ». Ceux qui suivent encore les discours du président SALL doivent bien se demander ce qu’ils ont gagné qui mérite les félicitations du chef de l’Etat. Ce n’est certainement pas pour la liberté sous ses différentes formes que Macky SALL s’avise à confisquer après avoir torpillé la démocratie et assujetti les Institutions de la République. Ces legs qui le distinguaient de la plupart des pays africains, le Sénégal les avait très chèrement payés, en acceptant la paix contre sa véritable autonomie. Attendu comme le sauveur « né après les indépendances », Macky SALL n’a non seulement pas coupé le cordon ombilicale qui aurait dû être morcelé depuis bien des décennies, mais s’évertue, pour continuer à trôner, à conforter la France, à enfoncer sous son joug le Sénégal devenu sa succursale.

L’indépendance est d’abord culturelle ensuite économique avant d’être diplomatique ou militaire. » (…) en réalité, l’indépendance n’a jamais été une indépendance. Il faut être honnête et dire les choses telles qu’elles sont. On nous a donné l’indépendance, mais il faut reconnaître que toutes nos orientations allaient dans le sens des intérêts français et des intérêts français qui existaient ici au moment de la colonisation même à l’heure actuelle, nous en sommes encore là », a rappelé dernièrement le professeur Ahmadou Makhtar MBOW, qui a fêté ses cent ans le 20 mars dernier.

Dans une précédente chronique, nous écrivions : « l’émergence que Macky SALL entonne depuis qu’il est élu à la tête de l’Etat, les générations qui vont en profiter n’ont pas encore vu le jour. La création de richesse qui est à la base de tout développement économique est mise entre les mains d’étrangers qui n’ont absolument pas intérêt à voir le Sénégal sortir de la pauvreté au risque de ne plus pouvoir l’exploiter. Tout ce qui est indispensable et susceptible de générer de véritables revenus pour les populations comme communiquer (Orange, Free), boire (SUEZ), s’éclairer (Solairedirect, Senergy Suarl, Eiffage…), se déplacer (Eiffage, Total) est confié aux Français. Et à ceux qui, bien avant, avaient déjà le monopole du sucre (CSS), l’Etat veut maintenant confier le petit commerce. Les commerçants auront beau vociférer, Auchan ne bougera pas ». La suite, on la connaît. Auchan qui s’annonçait a fini par s’installer aux forceps.

Accusé d’être à la solde de la France, Macky SALL ne s’en cache même plus. Peu après l’épisode des tirailleurs et du dessert, interrogé par des journalistes français, il défendait : « La monnaie CFA a des avantages. Elle a peut-être aussi des inconvénients, mais peut-on tout de suite la jeter et engager une aventure ? Je ne sais pas. Je n’ai pas les arguments qu’il faut pour aller dans cette direction. Par contre, nous devons améliorer le fonctionnement de la zone monétaire. Par exemple, la manière dont la Banque centrale doit accompagner les États dans leur politique de développement. C’est là une question de fond. Nous avons une institution forte et crédible. Et il ne faut pas la déstabiliser, car, quoique l’on dise, le franc CFA est une monnaie stable. Cela dit, si on arrive à nous prouver, sans considération politicienne, de lutte anticoloniale par exemple, qu’il faut choisir une autre voie, nous sommes assez autonomes et responsables pour l’emprunter. Pour le moment, j’aimerais qu’on nous éclaire davantage. En attendant, je dis que le franc CFA est une bonne monnaie à garder ». Nourrissant, manifestement, les mêmes préoccupations qu’Alassane Ouattara, l’autre président-avocat du F CFA, Macky SALL ne s’est pas contenté de défendre ladite monnaie. Quand au mois d’octobre 2019, ses homologues de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont réunis à Niamey, pour discuter de la création d’une monnaie unique de la sous-région, il s’était débrouillé pour se retrouver en Afrique du Sud.

La transition colorée, après ce que l’on appelle indépendance, a donné des gouvernants qui conçoivent le Pouvoir comme une récompense à sécuriser quel qu’en soit le prix. Naître après 1960, n’empêche pas à Macky SALL de réfléchir et d’agir comme ses prédécesseurs. “Ami” de la France qui n’a que des intérêts, aiderait à mieux plastronner. Et celle-ci joue le jeu et lui permet d’engager un projet, comme le TER, par exemple, avec d’énormes ressources du contribuable français, pour en faire un instrument de campagne électorale.

“(…) quand nous étions en France. Nous nous disions: «nous n’aurons juste que des relations amicales et cordiales avec la France. Je l’ai fait d’ailleurs à l’UNESCO. Mais nous disons que la colonisation c’est fini ! Il faut en finir avec toutes les structures nées de la colonisation. Il faut que nous prenions nos responsabilités, il faut que nous essayions de bâtir notre nation, nous-mêmes, par nous-mêmes, avec nos moyens». En s’en prenant à Orange, Total, Auchan, beaucoup des jeunes manifestants, qui n’ont probablement jamais entendu ces propos d’ Ahmadou Makhtar MBOW, avaient à l’esprit de conquérir une indépendance volée..

Mame Birame WATHIE

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