Le marché de gré à gré pour la reconstruction du Centre hospitalier universitaire Aristide Le Dantec, estimé à 92 milliards de FCFA, est au cœur d’une controverse majeure, révélant un forcing institutionnel et des irrégularités dans la passation du contrat. L’Autorité de Régulation de la Commande Publique (Arcop) se trouve dans l’impossibilité d’auditer ce dossier, le Fonds Souverain d’Investissements Stratégiques (Fonsis) refusant de communiquer les documents nécessaires.
Selon le rapport annuel 2023 de l’Arcop, l’organisme n’a pas pu obtenir les dossiers de marchés engagés par entente directe pour des montants conséquents. Le cas le plus emblématique est celui du contrat d’ingénierie, de reconstruction et de fourniture clé en main de l’hôpital Le Dantec, attribué au groupement Ghesa ingenieria y technologia Sa et Quantum solutions emerging markets Sl.
D’après les informations de Libération, l’Arcop avait initialement rapporté un montant de 86,5 milliards de FCFA pour ce marché, immatriculé auprès de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp). Cependant, l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), prédécesseur de l’Arcop, avait finalement validé le contrat pour un montant de 92 milliards de FCFA, suite à une intervention de la Présidence de la République.
Deux incohérences majeures soulèvent des questions sur la gestion de ce projet. Le Délai de Livraison, initialement fixé à 18 mois, avec un démarrage des travaux en septembre 2022, la livraison était prévue pour décembre 2023. Le Fonsis a depuis repoussé l’échéance à 2026, sans fournir de précisions supplémentaires, soit un retard de plus de deux ans.
Pour ce qui est du montant du Contrat, le montant varie entre les 86,5 milliards de FCFA rapportés par l’Arcop et les 90 milliards de FCFA évoqués dans la procédure initiale, pour finalement être validé à 92 milliards de FCFA par l’Armp après l’intervention présidentielle, rapporte Libération.
L’attribution de ce marché par entente directe, une procédure d’exception, a été rendue possible par un véritable forcing institutionnel. Le 26 juillet 2022, la Dcmp avait émis un avis négatif, obligeant le Fonsis à saisir le Comité de règlement des différends (Crd) de l’Armp. Le Fonsis justifiait le recours au gré à gré par un « motif impérieux d’intérêt général », soulignant le rôle de pôle d’enseignement et de hub hospitalier de l’établissement. Cependant, c’est l’intervention du ministre, secrétaire général de la Présidence de la République, qui a débloqué la situation.
Par une lettre estampillée « secret » datée du 17 août 2022, la Présidence a invoqué « l’urgence impérieuse » et la « protection des intérêts essentiels de l’État » pour certifier la conclusion du marché par entente directe. Ligotée par cette certification, l’Armp a dû s’incliner, notant que le Fonsis « n’a jamais appliqué le Code des marchés publics » dans les faits.
Libération renseigne que l’Armp avait néanmoins exigé que le titulaire se soumette à un contrôle des prix spécifiques et que le Fonsis communique un compte rendu détaillé de la procédure et de l’exécution du marché.
Le refus actuel du Fonsis de communiquer le dossier à l’Arcop, l’organisme de régulation successeur de l’Armp, met en lumière un manque de transparence persistant et entrave l’exercice du contrôle public sur un marché d’une importance capitale pour la santé publique sénégalaise. Cette affaire soulève de sérieuses questions sur la bonne gouvernance et l’utilisation des fonds publics.

