Dans un Ć©lan communautaire ā sans faiblesse ni fissure ā la CEDEAO a frappĆ© fort le Mali. Des sanctions aussi dĆ©mesurĆ©es que le chronogramme provocateur du Colonel Assimi GoĆÆta. Mais, il reste Ć savoir si la thĆ©rapie anti-putsch des Ā«Ā DocteursĀ Ā» dāAccra engloutira Ć court terme la Junte de Bamako ou pulvĆ©risera Ć moyen terme le Mali lui-mĆŖme ? Autrement dit, la dose de la punition administrĆ©e par la CEDEAO nāest-elle pas plus chargĆ©e de chaos accĆ©lĆ©rĆ© que les coups dāĆtat Ć rĆ©pĆ©tition des officiers de KatiĀ ? Le futur proche y rĆ©pondra.
Ā
Dans lāimmĆ©diat, passons au crible deux dĆ©cisions dans la gamme de sanctions prises dans capitale du GhanaĀ ! Les sanctions les plus en relief Ć©tant le gel des avoirs du Mali, la fermeture des frontiĆØres terrestres et aĆ©riennes, le retrait des ambassadeurs et lāactivation de la Force (militaire) en attente de la CEDEAO, avec la possibilitĆ© Ć©ventuelle de pĆ©nĆ©trer en territoire malien sur une distance de 50 kilomĆØtres etc. Un vrai remĆØde de cheval contre le mulet malienĀ !
Ā
La fermeture des frontiĆØres est une mesure aux effets lents, alĆ©atoires et variables. Le Mali est bordĆ© ou bornĆ© par sept pays. Des frontiĆØres dāimportance Ć©conomiquement inĆ©gale. Avec le Niger, la frontiĆØre malienne est longue et vide sur de grandes distances. Elle nāa pas la valeur dāun vaisseau sanguin pour lāĆ©conomie malienne. En outre, elle est fermĆ©e de facto par les terroristes qui y grouillent et grenouillent de faƧon infernale. MĆŖme chose voire pire dans la fameuse Ā«Ā zone des trois frontiĆØresĀ Ā» (Mali, Niger et Burkina) Ć©vacuĆ©e par les populationsĀ ; oĆ¹ la seule activitĆ© rime avec les opĆ©rations militaires.Ā
Ā
Quant Ć lāAlgĆ©rie, une fidĆØle et historique alliĆ©e du Mali, elle ne se sent point concernĆ©e par une dĆ©cision de la CEDEAO. Mieux, lāAlgĆ©rie grand pays pĆ©trolier et gazier, brisera allĆØgrement lāembargo en fournissant du carburant Ć lāarmĆ©e malienne. Comme elle le fit pour les opĆ©rations SERVAL et BARKHANE. En effet, pour lāopĆ©rationnalitĆ© correcte de ses bases de Tessalit et de KidalĀ (situĆ©es Ć plus de 1000 kilomĆØtres de Bamako), la France de FranƧois Hollande avait cajolĆ© et caressĆ© le PrĆ©sident Abdelaziz Bouteflika, pour obtenir le ravitaillement de ses blindĆ©s et de ses avions voraces en carburant et en kĆ©rosĆØne.Ā
Ā
Idem pour la Mauritanie, ex-membre de la CEDEAO, qui ne fermera pas sa frontiĆØre avec le Mali. Pour la petite histoire, le PrĆ©sident Ghazouani et son Ministre de la DĆ©fense, le GĆ©nĆ©ral Hanana Ould Sidi, sont originaires de Kiffa et de Bassiknou, deux villes des confins de lāEst mauritanien trĆØs collĆ©es au Mali.Ā Ā Ā
Ā
Restent alors le SĆ©nĆ©gal et la CĆ“te dāIvoire pour esquinter le Mali et/ou hĆ¢ter lāaffaissement de la Junte. SinguliĆØrement le SĆ©nĆ©gal qui a un corridor Ć©quivalent Ć une aorte thoracique pour lāĆ©conomie malienne. Un corridor qui approvisionne le Mali et, en retour, met beaucoup dāargent dans les caisses de certaines rĆ©gies financiĆØres au SĆ©nĆ©gal. Sans oublier les camionneurs des deux pays qui vivent de ce trajet fluide et transnational. Donc des effets durs pour Bamako mais aussi des retours de flammes, des contrecoups pour Dakar. Il sāy ajoute que le gel de ses avoirs empĆŖchera le Mali dāacheter les denrĆ©es alimentaires non frappĆ©es dāembargo et introuvables sur le marchĆ© malien. Par consĆ©quent, la fermeture non hermĆ©tique des frontiĆØres pour certains produits, sera de facto hermĆ©tique.Ā
Ā
Enfin, le cas le plus particulier est rĆ©ellement celui de la GuinĆ©e-Conakry. Le Mali et la GuinĆ©e-Conakry nāĆ©tant pas seulement frontaliers mais physiquement imbriquĆ©s sur lāaxe Bamako-Kankan. Du reste, la dĆ©cision prise par la CEDEAO est au carrefour du dramatique et du drĆ“le. Nāest-ce pas illogique et comique dāĆ©pargner le putschiste Doumbouya, tout en lui assignant implicitement la mission de punir un autre putschisteĀ de mĆŖme acabit ?
Ā
Au chapitre militaire, figure lāactivation de Force en attente de la CEDEAO. Une mise en Ć©tat dāalerte qui ne dit pas son nom. Un casus belli aux yeux de la Junte et dāune grande partie du peuple malien qui comprennent mal une dĆ©cision si mal inspirĆ©e. Pourquoi cette Force, en attente et en bordure du Mali, nāavait pas endiguĆ©, en 2013, le dĆ©ferlement des djihadistes avant le dĆ©barquement des soldats franƧais de SERVALĀ venus dāoutre-MĆ©diterranĆ©e ? Pourquoi la MICEMA (force ouest-africainedāalors) sāest effacĆ©e devant la MINUSMA qui compte des soldats venus des lointaines Ćles FidjiĀ ? Les quinze Ćtats de la CEDEAO ne pouvaient-ils pas rĆ©ussir au Mali, ce que le Rwanda a accompli au MozambiqueĀ ? On serait, aujourdāhui, sans un Colonel GoĆÆta Ć Koulouba et sans des mercenaires de WAGNER Ć Tombouctou.Ā Ā
Ā
En mettant en avant la possible Ć©ventualitĆ© de pĆ©nĆ©trer en territoire malien sur une cinquante de kilomĆØtres, les chefs dāEtat de la CEDEAO envisagent un saut dans lāinconnu. AttentionĀ : on commence une guerre quand on veut, mais on la termine comme on peutā¦Et rarement au meilleur de sa forme. MĆŖme chez le vainqueur !Ā
Au demeurant, quelles sont les armĆ©es programmĆ©es ou programmables pour le franchissement de la frontiĆØre malienneĀ ? Le Niger et le Burkina sont sporadiquement envahis par les terroristes quāils ont du mal Ć contenir. La GuinĆ©e-Conakry nāest pas Ć©ligible Ć lāintervention militaire, car ce serait tout Ć fait malsain et totalement grotesque dāenvoyer une armĆ©e de Transition (sans calendrier clair) combattre une autre armĆ©e de Transition dotĆ©e dāun chronogrammeā¦ rejetĆ©.Ā
Ā
Du coup, les regards se tournent vers lāarmĆ©e sĆ©nĆ©galaise qui peut avoir pour objectif sous-jacent et mission lĆ©gitime, la sĆ©curisation du Barrage de lāOMVS construit sur le site nĆ©vralgique de Manantali. Un patrimoine hydro-Ć©nergĆ©tique commun aux Ćtats membres. Et une infrastructure situĆ©e Ć plus de 50 kilomĆØtres de la FalĆ©mĆ©. Cāest-Ć -dire au-delĆ du pĆ©rimĆØtre Ć©tabli par les planificateurs militaires de la CEDEAO
Ā
Pour moult observateurs, cāest lāĆ©quation gĆ©opolitique et sĆ©curitaire que constitue la prĆ©sence des mercenaires russes de WAGNER au Mali qui fonde la punition Ć©conomique, la frĆ©nĆ©sie diplomatique et le branle bas militaire de la CEDEAO. Au pĆ©chĆ© originel du coup dāEtat du Colonel Assimi GoĆÆta sāajoute maintenant lāalliance avec lāarmĆ©e de lāombre du KremlinĀ : WAGNER.Ā
Ā
HorripilĆ©e par le braconnage audacieux de Poutine au Sahel, dĆ©sarƧonnĆ©e par lāexil ou lāemprisonnement de ses amis (BoubĆØye MaĆÆga, Boubou CissĆ© et autre TiĆ©man Hubert Coulibaly), Ć©branlĆ©e par le sentiment anti-franƧais et in fine coincĆ©e par une sensible pĆ©riode Ć©lectorale dans lāHexagone, la France de Macron (discrĆØte et active Ć Accra) a mobilisĆ© ses mousquetaires qui, dans ce dossier, font figure de moutons de Panurge etā¦de Paris.Ā
Ā
Comme un train sur un passage Ć niveau peut cacher un ou deux autres, le Sommet de la CEDEAO a ainsi camouflĆ© un conclave sur le dĆ©ploiement inquiĆ©tant des mercenaires russes Ć proximitĆ© des berges du Fleuve Djoliba. Il a Ć©galement pris en charge quelques enjeux politiquesā¦maliens.Ā Ā Ā
6
Article prƩcƩdent