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mardi, avril 16, 2024
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Libye : « les preuves des violences sur des migrants et le rôle honteux de l’Europe »

par pierre Dieme

« Nous avons beaucoup souffert dans cette prison […] Trois policiers [gardiens] m’ont proposé de coucher avec eux en échange de ma libération. J’ai refusé […] [Le gardien] m’a repoussée violemment avec son arme à feu. Il utilisé une chaussure de soldat en cuir pour [me frapper] au niveau de la taille […] Aujourd’hui j’ai encore mal à cet endroit, une jeune femme comme moi […] Je n’ai aucune liberté et je n’ai pas l’esprit tranquille […] J’aimerais que ce pays soit sûr pour nous – j’en serais si reconnaissante. Mais il ne l’est pas. » « Grace », 24 ans, interceptée en mer en 2021 et transférée en détention arbitraire au centre de Shara al Zawiyah.

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« En 2020, Amnesty International, entre autres, a tiré la sonnette d’alarme à propos de la disparition forcée de milliers de réfugié·e·s et de migrant·e·s après leur interception en mer par les garde-côtes libyens soutenus par l’Union européenne (UE), leur débarquement en Libye et leur transfert vers des sites de détention informels contrôlés par des milices. Ses recherches révèlent que des milliers de personnes réfugiées et migrantes débarquées en Libye ont été arbitrairement détenues dans ces nouveaux centres en 2021 et soumises en toute impunité à la torture, à des violences sexuelles et à d’autres atteintes aux droits humains.

Pour enquêter sur la situation des hommes, des femmes et des enfants débarqués en Libye en 2020 et 2021, Amnesty International a interrogé 53 personnes réfugiées ou migrantes, dont 49 avaient tenté de traverser la Méditerranée centrale au moins une fois avant d’être renvoyées en Libye, et qui avaient toutes été détenues dans des centres de la DCIM. L’organisation s’est aussi entretenue avec 14 travailleurs et travailleuses humanitaires, défenseur·e·s des droits humains, militant·e·s et journalistes, ayant une connaissance directe de la situation des personnes réfugiées et migrantes en Libye ; a étudié des documents officiels, des déclarations et les comptes d’institutions libyennes sur les réseaux sociaux, ainsi que des rapports et données publiés par des organes des Nations unies et des organisations libyennes et internationales ; et a examiné du matériel audiovisuel, tel que des photos, des vidéos et des images satellite. Ses conclusions et recommandations ont été transmises aux autorités libyennes le 7 juillet 2021, mais aucune réponse n’avait été reçue à l’heure de la publication du présent rapport.

PLUS DE 700 MORTS EN 6 MOIS

Des dizaines de milliers de réfugié·e·s et de migrant·e·s ont quitté la Libye dans l’espoir d’atteindre l’Europe en 2020 et 2021 et continuent de risquer leur vie en mer du fait que les autorités libyennes et européennes n’assument pas leurs responsabilités en matière de recherches et de sauvetage, notamment leur obligation de débarquer les personnes secourues dans un lieu sûr, qui ne peut pas être la Libye. Entassées dans de frêles embarcations ou des canots pneumatiques, ces personnes ont souvent raconté avoir vu des avions passer au-dessus de leurs têtes ou des bateaux à proximité qui ne leur portaient pas secours ni ne les emmenaient en port sûr avant que la Garde côtière libyenne (LCG) ou l’Administration générale de la sécurité côtière (GACS) [désignées ensemble sous le nom de garde-côtes libyens] n’arrivent pour les reconduire en Libye. Contredisant les affirmations selon lesquelles ces interceptions sont des sauvetages en mer, les personnes secourues décrivent de façon concordante des comportements négligents, irresponsables et illégaux de la part des garde-côtes libyens, qui vont jusqu’à utiliser des armes à feu, endommager volontairement les embarcations ou provoquer des chavirements.

À deux reprises, en décembre 2019 et en février 2021, des réfugié·e·s et des migrant·e·s se sont noyés à cause de tels comportements, selon les témoignages de survivants et survivantes. Durant les six premiers mois de 2021, plus de 700 personnes ont péri en mer en tentant cette traversée. Sur la même période, on estime que les garde-côtes libyens ont intercepté et ramené en Libye quelque 15 000 personnes, soit plus que pendant toute l’année 2020. Les personnes débarquées dans des ports libyens n’ont eu accès que brièvement aux organisations humanitaires, dans des conditions tendues et chaotiques ne permettant pas d’évaluer leurs besoins et leurs vulnérabilités, et encore moins d’identifier celles qui avaient déposé une demande de protection internationale. Si des milliers d’entre elles ont fini dans des centres de détention de la DCIM, les acteurs humanitaires ont constaté un écart important entre le nombre de réfugié·e·s et de migrant·e·s débarqués en 2021 et le nombre de personnes détenues dans ces centres – quelque 6 100 personnes manquant à l’appel fin juin 2021.


EXTORSION DE RANÇON PAR DES AGENTS DE LA DCIM

Aucune information n’est disponible sur le lieu où se trouvent ces personnes ni sur le sort qui leur a été réservé, tandis que des témoignages concordants font état de l’extorsion de rançons par des agents de la DCIM en échange de la liberté, de transferts entre centres de la DCIM, de décès en détention dus à un usage illégal de la force, à la privation de soins médicaux, à la torture ou à d’autres circonstances suspectes, de traite à des fins de travail forcé, et d’évasions. L’absence de système d’enregistrement fiable conforme aux normes relatives aux droits humains entrave les efforts pour enquêter efficacement sur le sort de ces personnes et empêche les organes de l’ONU et les autres acteurs humanitaires et de défense des droits humains de retrouver la destination finale des personnes débarquées une fois qu’elles sont prises dans les rouages opaques de la détention arbitraire. Contrairement aux innombrables lieux de captivité en Libye où des réfugié·e·s et des migrant·e·s sont privés de liberté par des trafiquants, des passeurs, des milices ou des groupes armés, les centres de la DCIM sont officiellement placés sous l’autorité du ministère de l’Intérieur et sont accessibles, au moins par intermittence, au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et aux autres acteurs humanitaires et de défense des droits humains. Cependant, les recherches d’Amnesty International montrent que les violations contre les personnes réfugiées et migrantes se poursuivent sans relâche dans les centres officiels de la DCIM. Malgré les efforts et les promesses de l’actuel directeur de la DCIM et de son prédécesseur en vue de centraliser le contrôle et de fermer certains centres notoirement connus pour leurs mauvais traitements, les graves violations des droits humains restent monnaie courante dans les sites en fonctionnement gérés par la DCIM, y compris ceux qui ont ouvert ou rouvert depuis la fin de l’année 2020. Il apparaît clairement que les fermetures de centres et la centralisation de la détention liée à l’immigration ne sont guère efficaces pour combattre les violences systématiques contre les personnes réfugiées et migrantes, ce qui souligne la nécessité de supprimer totalement ce système de détention abusive En 2021, les autorités libyennes ont transféré plus de 7 000 personnes fraîchement débarquées vers le nouveau Centre de rassemblement et de retour de Tripoli, surnommé Al Mabani (« les bâtiments » en arabe).


TRAITEMENT INHUMAIN, TRAVAIL FORCÉ, TORTURES

En 2020, plusieurs centaines au moins de réfugié·e·s et de migrant·e·s soumis à une disparition forcée après leur débarquement ont été détenus dans des bâtiments situés sur ce même site, souvent appelé la Manufacture de tabac, où se trouve aussi le quartier général de l’Agence de sécurité publique, une milice placée sous le commandement d’Emad al Tarabulsi. Le directeur et le personnel de la DCIM en charge d’Al Mabani à l’heure où nous rédigeons ce rapport s’occupaient auparavant du centre de détention de la DCIM de Tajoura, aujourd’hui fermé, qui était tristement célèbre pour son recours à la torture et à d’autres mauvais traitements, au travail forcé et à l’exploitation, et pour ses décès en détention dans des circonstances suspectes. Des faits similaires ont été constatés à Al Mabani, où des détenu·e·s et d’autres personnes ayant une connaissance directe de la situation ont décrit de façon concordante des actes de torture et d’autres mauvais traitements, des conditions de détention cruelles et inhumaines, l’extorsion de rançons et le travail forcé. Un incident mortel a notamment été signalé le 8 avril 2021 : des hommes en uniforme militaire bleu et d’autres habillés en civil ont eu recours à la force meurtrière, tirant à plusieurs reprises dans une cellule où étaient entassés des réfugiés et des migrants. Une personne a été tuée et deux autres blessées.

Les autorités libyennes ont aussi transféré plus de 250 réfugié·e·s et migrant·e·s interceptés en mer en 2021 dans le centre de détention de Shara al Zawiyah (« rue de Zawiyah » en arabe). Ce centre de la DCIM situé à Tripoli est destiné aux groupes vulnérables. Les années précédentes, il fonctionnait en dehors du contrôle de la DCIM comme « centre de collecte de données et d’enquête » géré par la Brigade des révolutionnaires de Tripoli, une milice aux longs antécédents d’atteintes aux droits humains, qui maintenait les réfugié·e·s et les migrant·e·s en captivité sans aucun accès au monde extérieur pendant de longues périodes. Des femmes débarquées et transférées à Shara al Zawiyah en 2021 ont raconté à Amnesty International que des gardiens soumettaient les détenues à des viols et à d’autres formes de violences sexuelles et de torture, les contraignant à des rapports sexuels en échange de nourriture ou de leur libération, et frappant violemment celles qui résistaient. Elles ont aussi témoigné de façon concordante de conditions de détention cruelles et inhumaines, décrivant notamment des cellules crasseuses et surpeuplées, sans accès aux toilettes dans certains cas. Trois ont dit que deux bébés débarqués et détenus avec leurs mères étaient morts en détention fin janvier ou début février 2021, après que les gardiens eurent refusé de les emmener à l’hôpital alors qu’ils avaient besoin de soins essentiels. Ces effroyables violations des droits humains ne se limitent pas à ces deux centres.

DES BÉBÉS MORTS EN DÉTENTION

Amnesty International a recueilli des informations confirmant l’existence de pratiques similaires dans les sept centres de la DCIM dans lesquels les personnes réfugiées et migrantes interceptées en mer qu’elle a interrogées avaient été détenues en 2021. Les ancien·ne·s détenu·e·s ont souvent fait état de tentatives d’extorsion, de travail forcé, de conditions de détention cruelles et inhumaines s’apparentant parfois en soi à de la torture, de coups violents donnés avec différents objets, et de violences sexuelles. Dans au moins trois centres, Amnesty International a eu connaissance de recours illégaux à la force meurtrière ayant blessé ou tué des personnes détenues. Lors de tentatives d’évasion du centre de la DCIM d’Abou Salim, à Tripoli, des gardiens et des hommes armés non identifiés ont fait au moins deux morts et plusieurs blessés en tirant sur des détenu·e·s fin février 2021 et le 13 juin 2021.

Trois témoins de la première fusillade ont signalé la présence de miliciens liés à Abdel Ghani al Kikli, commandant d’une milice contrôlant le quartier d’Abou Salim, que l’ancien Conseil présidentiel du gouvernement d’entente nationale (GEN) avait nommé en janvier 2021 chef de l’Autorité de soutien à la sécurité, une entité aux vastes pouvoirs en termes de maintien de l’ordre et de sécurité nationale. Des témoins ont raconté à Amnesty International que les gardiens avaient ensuite transporté plusieurs détenus blessés dans une salle d’« isolement », semble-t-il dans le but de dissimuler ce crime et d’empêcher tout accès aux soins médicaux ou à l’aide humanitaire. « Jamal », réfugié de 21 ans qui était présent lors de la fusillade mortelle survenue en février 2021 dans le centre de la DCIM d’Abou Salim, a décrit la suite des événements à Amnesty International : « Il y avait du sang des victimes [mortes ou blessées] par terre et sur les murs [… mais] c’était comme s’il ne s’était rien passé. Ils vous frappent et repartent, et personne ne pose de questions. La mort, en Libye, c’est normal : personne ne te cherchera, et personne ne te trouvera. »

« LA MORT EN LIBYE, C’EST NORMAL »

Dans le centre de la DCIM de Burashada, à une centaine de kilomètres de Tripoli, les autorités ont aussi tiré sur des personnes qui tentaient de s’enfuir entre mars et avril 2021, et ont foncé sur l’une d’elle avec un véhicule. En 2021, l’accès du HCR, des autres organes de l’ONU et des organisations humanitaires aux centres de détention a été réduit, ce qui a facilité les violences et favorisé l’impunité. À la fin juin 2021, le HCR et ses partenaires sur place avaient mené 63 visites dans des centres de détention, soit beaucoup moins proportionnellement que les 264 réalisées en 2020 malgré l’épidémie de COVID-19, et que les 1 351 effectuées en 2019. L’accès restreint et irrégulier des organisations humanitaires et des autres acteurs aux centres de la DCIM limite la capacité des détenu·e·s non seulement à demander une protection internationale et à signaler les violations des droits humains à des organismes indépendants en vue d’obtenir protection et réparation, mais aussi à jouir de leurs droits fondamentaux.

En effet, les autorités libyennes ne respectent pas leur obligation d’offrir aux personnes qu’elles détiennent des soins médicaux appropriés, un hébergement satisfaisant, de la nourriture en quantité suffisante et de bonne qualité nutritionnelle, et des moyens de communiquer avec leurs familles et le monde extérieur. Les acteurs humanitaires se retrouvent donc les seuls à tenter de combler ces lacunes. Plutôt que de demander des comptes aux responsables de ces violations, les gouvernements successifs ont récompensé des personnes pouvant raisonnablement être soupçonnées d’avoir commis des crimes de droit international et de graves violations des droits humains contre des réfugié·e·s et des migrant·e·s en leur offrant des postes de pouvoir au sein des institutions de l’État.


« FERMER TOUS LES CENTRES DE DÉTENTION EN LIBYE »

Les preuves de la persistance des violations et de l’impunité dont jouissent les agents de la DCIM et les membres de milices puissantes viennent démentir les arguments selon lesquelles l’officialisation ou la centralisation de la détention en Libye améliore les conditions pour les réfugié·e·s et les migrant·e·s qui sont bloqués dans ce pays, ainsi que les affirmations selon lesquelles les autorités libyennes ont la capacité ou la volonté de mettre un terme au cycle de l’impunité. Ce cycle se poursuit sous le gouvernement d’entente nationale formé en mars 2021, qui n’a pris aucune mesure pour s’attaquer aux violations systématiques dont sont victimes les personnes réfugiées et migrantes détenues dans le pays. Pour protéger les droits des réfugié·e·s et des migrant·e·s en Libye, les autorités doivent fermer tous les centres de détention liée à l’immigration et cesser d’incarcérer des personnes réfugiées et migrantes uniquement parce qu’elles sont en situation irrégulière, y compris juste après leur débarquement.

En attendant la libération de toutes les personnes arbitrairement détenues et la fermeture des centres de la DCIM, les autorités doivent mettre en place un système permettant : le suivi des réfugié·e·s et des migrant·e·s privés de liberté, conformément aux normes internationales, et veiller à ce que les personnes toujours incarcérées soient protégées de la torture et des autres mauvais traitements, soient détenues dans des conditions sûres et dignes, puissent bénéficier régulièrement de soins médicaux appropriés et entrer en contact avec le HCR et les autres organisations humanitaires et de défense des droits humains, et soient autorisés à contacter régulièrement leur famille.

Les autorités doivent demander des comptes aux responsables d’atteintes aux droits humains visant des réfugié·e·s et des migrant·e·s quel que soit leur rang ou leur poste, et démettre de leurs fonctions de pouvoir les agents de la DCIM, les miliciens et les autres personnes raisonnablement soupçonnées d’avoir ordonné, commis ou cautionné des violations, dans l’attente des résultats d’une enquête et d’une procédure conforme aux normes internationales relatives à l’équité des procès. Les violations constatées contre les réfugié·e·s et les migrant·e·s n’ont rien d’accidentel, elles sont les conséquences évidentes et prévisibles d’un système soutenu par l’UE d’interception, de débarquement et de renvoi vers des centres de détention tristement connus pour leurs mauvais traitements, mis en place dans le but d’empêcher à tout prix les personnes réfugiées et migrantes d’atteindre l’Europe. Or, les résultats de cette politique sont incompatibles avec le soi-disant objectif politique de garantir une immigration sûre, ainsi qu’avec l’obligation, aux termes du droit international, de veiller à ce que nul ne soit renvoyé dans un pays où il risque de subir de graves violations des droits humains.

« L’UE ET LES ETATS MEMBRES DOIVENT SUSPENDRE LA COOPÉRATION AVEC LA LIBYE »

L’UE et ses États membres doivent suspendre leur coopération avec la Libye sur le contrôle des frontières et de l’immigration tant que n’auront pas été prises les mesures suivantes : l’instauration de mécanismes de mise en œuvre de la diligence requise, de contrôle et d’obligation de rendre des comptes visant à empêcher les violations des droits humains aux frontières extérieures de l’UE qui résultent de cette collaboration, et à se pencher sur celles qui ont été commises par le passé ; l’ouverture de voies légales supplémentaires d’entrée en Europe pour les milliers de personnes qui ont de toute urgence besoin d’une protection et qui sont bloquées en Libye ; le déploiement d’un nombre suffisant de navires dotés de capacités de recherche et de sauvetage le long des voies de navigation empruntées par les réfugié·e·s et les migrant·e·s en Méditerranée centrale ; et l’engagement que toute personne secourue ou interceptée en mer soit débarquée en lieu sûr – lieu qui ne peut pas être la Libye.

La coopération avec la Libye doit aussi être suspendue jusqu’à ce que les autorités libyennes adoptent des mesures concrètes et vérifiables pour protéger les droits des réfugié·e·s et des migrant·e·s, telles que la fermeture des centres de détention, la libération de toutes les personnes détenues parce qu’elles sont en situation irrégulière, et la reconnaissance officielle du HCR.

Les organes de l’ONU en Libye doivent veiller à ce que toute aide apportée aux garde-côtes libyens, à la DCIM ou aux autres entités libyennes impliquées dans la gestion de l’immigration réduise les risques de violations des droits humains. Tous les acteurs humanitaires en Libye doivent favoriser la coopération internationale afin d’établir en toute priorité ce qu’il est advenu des réfugié·e·s et des migrant·e·s qui ont été tués ou ont disparu en Libye ou alors qu’ils tentaient de quitter ce pays, notamment en recherchant et en identifiant les dépouilles et en informant les familles ».

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