Lettre à un peuple

par pierre Dieme

Ce pouvait être un moment jubilatoire pour un pouvoir privé de succès ; ce fut une claque administrée sous les yeux du monde par la justice américaine qui lui a dénié la matérialisation de son complot de voir lui être livré l’un de ses critiques, qu’il avait dénoncé comme un terroriste.
Le peuple Sénégalais doit savoir que la décision du juge New Yorkais qui a eu à connaître, hier, de l’affaire opposant, via un de ses relais officiels, l’Etat du Sénégal à notre compatriote Ousmane Tounkara, et tranchée en faveur de ce dernier, est promise à entrer dans la jurisprudence sur les droits des militants hostiles aux gouvernements autocratiques africains. C’est le moment où un homme imbu des règles de droit, des droits de l’homme, et conscient des manœuvres des dictatures sur notre continent pour étendre leurs serres sur quiconque, en quelque lieu, s’oppose à leurs pratiques, jusqu’en Amérique, a donc décidé que, désormais, la parole de ces pouvoirs délinquants ne vaut pas celle d’un simple individu.
Remarquable leçon. Qui vient préciser qu’il n’est pas feint le nouveau discours qui résonne depuis les bords du Potomac, depuis le bureau oval, siège de la présidence américaine, en passant par les pores d’une société soudain réconciliée avec l’impératif de faire respecter les valeurs démocratiques.
Quiconque en doutait n’a qu’à écouter le silence assourdissant qui monte des cercles du régime de Macky Sall, celui qu’on surnomme le Boucher de Dakar, consécutivement à la baffe que lui a infligée le juge New Yorkais. Certains diront qu’il ne faut pas se réjouir trop tôt de voir son ennemi se noyer quand on n’a pas atteint l’autre rive, mais, chiche, qui peut bouder un tel plaisir. Imaginons un seul instant si le projet d’extrader l’activiste pour l’offrir en cadeau à un Etat délinquant pressé de le torturer, de l’humilier voire de l’exécuter sommairement dans ses geôles, comme il en a pris l’habitude….
En disant le droit, en se mettant du côté du peuple Sénégalais, le juge américain a consolidé une tendance qui n’est plus banale mais la preuve que le Sénégal n’est plus qu’un Etat de non-droit et qu’il faut punir sans recul ni hésitation. Son verdict s’ajoute à celui pris voici quelques-jours par la Cour de Justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) l’ayant déclaré coupable d’avoir fraudé, par l’institution d’une loi illégale de parrainage des candidatures à l’élection présidentielle de l’an 2019, à seule fin de livrer le résultat du scrutin en faveur de celui qui n’est plus qu’un illégitime Président, Macky Sall. On peut aussi s’attendre à ce qu’après avoir donné, dans un abandon irresponsable, la plus grande mine d’or à une firme Canadienne, Barrick, rien que pour céder aux charmes de son Premier ministre, Julien Trudeau, le locataire du Palais de la République du Sénégal a encore une fois aliéné une précieuse ressource nationale mais exposé notre pays à une sanction pécuniaire onéreuse de la part de la chambre de commerce internationale de Paris, une cour arbitrale, où, hélas, le tardif effort d’imposer une lourde peine fiscale à Barrick pourrait revenir hanter les nuits de nos finances publiques.
L’évidence saute à l’œil : sur tous les fronts, le Sénégal, sous le genou de Macky Sall, n’est plus qu’un sujet de dérision et plus personne ne le respecte. Même le multirécidiviste escroc, Adama Bictogo, le fait chanter en exigeant toujours plus de milliards qu’il récupère sur des contrats qu’il n’exécute pas. Ne parlons pas de Frank Timis, l’apatride, veinard des veinards, qui s’est vu attribuer, de conserve avec les deux frères dealers, Macky et Aliou Sall, l’une de nos principales réserves d’hydrocarbures qui, à travers sa société, Petrotim, lui rapporte des milliards de dollars, en partage avec eux. Sans compter les autres blocs petro-gaziers qui lui ont été concédés et sur lesquels il fait chanter l’Etat imprudent et irresponsable que Macky Sall a fait du Sénégal, et, là-aussi, se fait payer des milliards à travers des médiations concoctées pour dépouiller, avec ses acolytes au cœur du pouvoir népotique, le peuple Sénégalais de ses avoirs.
Nous sommes au fond d’un gouffre mais c’était prévisible. Quand, en mars 2012, j’ai pris sur moi d’alerter solennellement, par écrit, le peuple Sénégalais du grave danger qu’il courait en s’apprêtant à élire à la magistrature suprême Macky Sall, dont les faits de pillage et vols étaient notoirement connus, il me semblait qu’il était encore temps qu’il se ressaisisse. Or, tel ne fut pas le cas.
La suite est connue. Depuis lors, le pays a été braconné de toutes ses ressources et son capital social s’est complètement érodé. Terres, actifs financiers, et progrès politiques ne sont plus qu’un souvenir, le tout emporté par la razzia dont le Sénégal fait l’objet de la part de la bande emmenée par Sall.
Désormais, c’est le loisir de respirer librement dans un pays longtemps considéré comme un symbole de la démocratie en Afrique qui n’est plus possible. C’est en cela que l’extradition de Tounkara aurait été une tragédie. Qui eût cru qu’aller au Sénégal pouvait devenir à ce point dangereux ?
C’est justement parce que les libertés s’éteignent à petit feu au-dessus du ciel national que je l’ai quitté, pour partir en exil, non sans raison puisqu’un matin, comme c’est connu, des agents de non-droit sont venus me prendre en otage d’un Etat pour me jeter au fond d’une prison, sans autre forme de procès. De là, j’ai pu voir la déliquescence de la société et de l’Etat, grandeur-nature, y compris à travers les pièges tendus par ces faux amis, parents, visiteurs, en mission de mercenaires, qui me suppliaient d’abdiquer mon combat contre le régime. En clair, ceux-là, qui se savent, en jouant les démocrates et alliés, ne sont qu’une des facettes d’une dictature minable dont la prégnance dépasse le cadre des cercles officiels, de l’Etat.
Le peuple Sénégalais doit cependant avoir une raison de pousser un ouf de soulagement puisque la nature du régime criminel qui tente d’hypothéquer son glorieux passé n’est plus ignorée du reste du monde.
La décision qui, pour le moment, bloque son rêve de faire extrader Tounkara est, en cela, un acte fondateur. Il faut maintenant transformer l’essai.
En ce mois de Mai, celui d’une fin de Ramadan célébré dans la dévotion à Dieu, et aussi de l’Afrique, puisque le 25 Mai, la journée du continent sera fêtée en souvenir de la création de l’Organisation de l’unité africaine (Oua), en 1963, un 25 Mai, c’est l’occasion de pousser l’avantage, de traquer jusque dans ses derniers retranchements, d’en finir, avec l’Etat criminalisé et agonisant sous le genou de Macky Sall.
Ne lui faisons aucun cadeau. Un soleil se lève au-dessus de nos têtes. C’est un appel divin à l’action.
Adama Gaye* est un opposant en exil du régime de Macky Sall.
Ps : Ce mois-ci, je participe à d’importants évènements aussi bien en Afrique, en Amérique qu’en Europe et ce sera l’occasion de militer pour que la réalité Sénégalaise soit mieux connue. Macky Sall et sa bande devront se préparer à payer leurs forfaits. Leur marge de manœuvre se rétrécit comme peau de chagrin, et le chef de gang sait qu’il est en passe d’être réduit à sa plus simple…expression.

Par Adama Gaye*

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