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L’esprit de la proposition de loi d’Aminata TOURE est parfaitement conforme à la Constitution

par pierre Dieme
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La proposition de loi d’Aminata Touré (Députée non inscrite) visant à prévenir des situations de conflits d’intérêts et à lutter contre le népotisme a suscité une véritable levée de boucliers de partisans du régime qui soutiennent la thèse selon laquelle ladite proposition est inconstitutionnelle. Cette thèse absurde défendue par le Président du Groupe parlementaire BENNO Bok Yakaar, Oumar Youm, ne repose sur aucun fondement juridique.

En France, en 2017, l’affaire des emplois fictifs présumés de Penelope Fillon, avait totalement parasité la campagne de son époux, François Fillon, candidat de l’UMP à l’époque. Cette affaire, qui a été une déflagration et un traumatisme pour le monde politique français a eu pour principale conséquence l’adoption de lois de « moralisation de la vie publique », dès septembre 2017. Le paragraphe I de l’article 11 de la « Loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique » interdit à un membre du Gouvernement de compter parmi les membres de son cabinet « son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin ; ses parents ou les parents de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin ; ses enfants ou les enfants de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin ». La méconnaissance de cette obligation est réprimée de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

A l’époque, des députés français avaient saisi le Conseil Constitutionnel français, au motif « qu’en interdisant le recrutement de membres de sa famille comme collaborateurs, les articles 11 et 14 à 17 introduiraient une différence de traitement entre les employeurs, mais aussi entre les salariés, contraire au principe d’égalité devant la loi, et que partant de ce fait, ils contreviendraient également à la liberté d’accéder à l’emploi, à l’égal accès aux emplois publics et à la liberté contractuelle ». Dans sa Décision n° 2017-752 DC en date du 8 septembre 2017, le Conseil Constitutionnel a d’une part, précisé que l’interdiction d’emploi prévue par les dispositions du paragraphe I de l’article 11 ne portait que sur un nombre limité de personnes, et d’autre part, rappelé que le principe d’égal accès aux emplois publics « ne s’oppose pas à ce que soient appliqués des traitements différents à des personnes se trouvant dans des situations différentes dès lors que cette différence de situation présente un caractère objectif et qu’elle est motivée par la nécessité d’éviter des conflits d’intérêts ».

Le Conseil Constitutionnel français a souligné en premier lieu, « qu’en interdisant à un ministre de recruter comme collaborateur au sein de son cabinet les membres de sa famille proche, le législateur a souhaité accroître la confiance des citoyens dans l’action publique en renforçant les garanties de probité des responsables publics et en limitant les situations de conflit d’intérêts pouvant naître de l’emploi, rémunéré sur des fonds publics, d’une personne présentant des liens très proches avec celle décidant de son recrutement et les risques de népotisme ». Le Conseil Constitutionnel a conclu que la distinction ainsi opérée reposait sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l’objet de la loi qui poursuit un intérêt général. Par ailleurs, contrairement aux affirmations d’Oumar YOUM, la proposition de loi n’est pas contraire à l’article 44 de la Constitution qui donne au président, les pouvoirs de nommer aux emplois civils….Dans sa décision n° 2017-752 DC , le Conseil Constitutionnel a précisé que les dispositions de la loi dite loi de confiance pour la vie politique ne privent nullement l’autorité de nomination de son autonomie dans le choix de ses collaborateurs, puisque l’interdiction ne porte que sur un nombre limité de personnes.

Conclusion :

L’esprit de la proposition de loi d’Aminata TOURE est parfaitement conforme à la Constitution. Les interdictions visées en matière d’emplois familiaux poursuivent un intérêt général et sont mises en oeuvre dans de nombreux pays démocratiques. Néanmoins, la rédaction de l’article 2 portant sur les « incompatibilités et interdictions » doit être revue, corrigée et circonscrite à un nombre limité et déterminé de personnes. En effet, les termes « ascendants » et « descendants » sont trop généralistes (éventail large) et doivent être supprimés (risque réel d’inconstitutionnalité).

Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr

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