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Les prémices d’une répétition de l’histoire

par pierre Dieme

A trois mois des élections départementales et municipales de janvier 2022, la violence surgit déjà, en prélude à la campagne électorale. Une histoire de déjà-vu au Sénégal… 

C’est reparti. Ziguinchor a été, ce lundi, le théâtre de l’épisode 1 du feuilleton électoral dénommé ‘’Locales 2022’’. Si beaucoup de nouveaux personnages ont été introduits, cette nouvelle saison est restée fidèle au scénario définissant les périodes pré-électorales au Sénégal : de la politique grandement teintée de violence. Présent dans la capitale du Sud où il animait une réunion avec l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois) au siège de cette organisation, non loin du marché de Boucotte, l’opposant Ousmane Sonko et ses militants ont été attaqués par des hommes armés ‘’de gourdins, de barres de fer et toutes sortes d’arme blanche’’, selon des témoins, occasionnant un affrontement dont de nombreuses personnes sont ressorties blessées.

Si le camp du leader du Pastef et celui du responsable du parti au pouvoir cité dans cette affaire se rejettent la faute, cet incident vient rappeler que les tensions ayant exacerbé la crise de mars 2021 sont loin d’être dissipées. Il rappelle surtout, par certains aspects, le contexte de fin de mandat du précédent président Abdoulaye Wade, quand crise sociale et économique se conjuguaient avec une volonté de changement dans la gestion du pays.

Remplacez ‘’crise économique de 2008’’ par ‘’pandémie de coronavirus’’, pour observer les similarités entre deux évènements mondiaux majeurs dont les effets ont attisé les tensions sociopolitiques du Sénégal, un an après la réélection du président de la République (2007 pour Abdoulaye Wade et 2019 pour Macky Sall).

Bien que ces ‘’chocs’’ ne découlent pas de leurs volontés, la gestion qui en a été faite a, à chaque fois, contribué à l’éclatement d’une vague de violence déclenchée par une action aux retombées politiques : le projet de loi sur la vice-présidence a abouti aux violences 23 juin en 2011 et les accusations de viol contre le député Ousmane Sonko ont allumé la mèche attisant les émeutes de mars 2021.

Si l’issue ne fut pas heureuse pour le président Wade en 2012, quand sera-t-il pour Macky Sall en 2024 ?

Sénégal, une histoire politique violente

Si le sort du président de la République peut attendre encore trois ans, l’inquiétude autour de la violence électorale est légitime. Pays réputé stable, l’histoire politique du Sénégal regorge de passages violents avec mort d’hommes. ‘’Un premier type de troubles récurrent relève des contextes électoraux, soit dans la contestation des résultats (1963, 1988, 1993), soit en amont de la période électorale (23 juin 2011 et janvier 2012). Ces manifestations liées au cycle électoral ont fait de nombreux blessés, parfois des morts, notamment en 1963 (plusieurs dizaines) et en janvier 2012 (entre six et quinze). D’autres troubles, comme ceux de mai-juin 1968, relèvent d’une contestation du régime par les milieux étudiants et syndicaux, et s’inscrivent dans une histoire globale des mouvements sociaux.  Il ne faut pas oublier la violence politique plus ciblée, comme la mort en prison de l’opposant Omar Blondin Diop en mai 1973 ou l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel Babacar Sèye en mai 1993, au lendemain de la proclamation des résultats des élections législatives’’, relève Étienne Smith, Maître de conférences en science politique, Sciences Po Bordeaux, dans le cadre d’un entretien proposé par l’Institut des Afriques (Idaf).

Le professeur d’université d’ajouter que ce qui est certain, c’est que les questions électorales et constitutionnelles mobilisent au Sénégal. Et que ‘’si les doléances économiques et sociales sont la toile de fond du mécontentement (exprimé lors des événements de mars dernier), celui-ci est attisé cette fois-ci, comme dans les années 1990 et en 2011-2012, par une attente de changements politiques profonds de la part d’une bonne partie de la population’’. La tenue d’élections de représentativité dans ce contexte devient potentiellement un attiseur de tensions. Surtout si l’organisateur ne jouit pas de la confiance de tous.

Comme en donne l’exemple le Pr. Smith, ‘’même au plan électoral, la qualité des scrutins connaît des ratés inquiétants : les présidents sortants Wade en 2007 et Sall en 2019 ont réussi la «prouesse» d’organiser des scrutins moins consensuels que ceux qui les avaient amenés au pouvoir en 2000 et 2012. Dans ces contextes, l’ouverture d’un «dialogue national» avec l’opposition, suite à la réélection du président sortant, fait office de diversion par rapport aux vrais enjeux de fond sur l’organisation des élections, notamment concernant le rôle du ministre de l’Intérieur’’.

Ziguinchor cristallise toutes les tensions

Cet épisode de Ziguinchor est d’autant plus inquiétant qu’il survient à trois mois de la tenue du scrutin, dans une région avec un lourd passé encore présent et dans laquelle le président de la République a annoncé une tournée économique pour bientôt. Et vu le cortège de gros bras qui accompagne les tournées économiques du président et leur passif avec les membres du mouvement Fouta Tampi, lors du passage dans le Fouta, il y aura de l’électricité dans l’air, à Ziguinchor. Il ne reste plus qu’aux forces de l’ordre à prendre la mesure de la situation.

Dans un communiqué condamnant une attaque contre un de ses membres, la coalition Yewwi Askan Wi dont Ousmane Sonko est l’un des initiateurs, a fait part de son intention de ne point suivre ‘’le régime de Macky Sall dans sa stratégie de haine et de destruction’’, tout en prévenant ‘’avec force qu’elle ne se laissera pas agresser sans réagir et qu’elle se donnera les moyens de protéger ses leaders, militants et sympathisants contre toute attaque’’.

L’Association des imams et oulémas du Sénégal en a fait de même, en regrettant ‘’des incidents qui n’honorent pas notre démocratie’’. Elle a lancé un ‘’appel solennel au calme, à la retenue et au sens de responsabilités, afin que la paix, la stabilité et la cohésion nationale puissent être davantage consolidées, surtout à l’approche des élections locales de janvier 2022’’.

Lamine Diouf

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