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jeudi, avril 25, 2024
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Le Sénégal, une démocratie sans démocrates ?

par pierre Dieme

Le chaos institutionnel dont les temps présents attestent de manière honteuse et parfois violente trouvent leurs racines dans le « coup d’État spirituel, culturel et moral » sous-jacent aux tristes événements de 1962

C’est à partir de 1960, année unanimement retenue comme étant celle de « l’indépendance » du Sénégal, qu’il faudrait réexaminer les jalons posés depuis pour construire un État-Nation, et le doter des institutions nécessaires à son bon fonctionnement. Pour évaluer le chemin parcouru, et apprécier la valeur ajoutée que les différentes générations de dirigeants sénégalais ont apporté à l’édifice, il faudra constamment garder à l’esprit l’héritage colonial et mesurer les efforts qui ont été fournis pour décoloniser ce qui devait l’être, en vue de construire du neuf sur les cendres du projet colonial.

Il me semble en effet évident que «la mission civilisatrice », justification morale de la colonisation, avait des objectifs fondés sur le préjugé selon lequel nous n’étions point civilisés. Et, donc qu’il fallait nous domestiquer dans un premier temps, puis nous faire accéder à la civilisation par l’école française. Avec le but, inavoué, d’ancrer en nous l’ardent désir de rompre avec nos identités profondes. Ainsi, la politique d’assimilation était la modalité par laquelle, tout un processus d’acculturation a été élaboré pour transformer le colonisé en un clone servile, admiratif d’une civilisation qui lui avait été imposée, pourtant. À coups de canons… Cela, ne l’oublions jamais !

Le Sénégal, indépendant en 1960 a connu deux ans après, le 17 décembre 1962, la première secousse institutionnelle qui aboutira à une rupture profonde entre deux approches du développement et, plus douloureusement, à une rupture sentimentale entre les deux hommes qui incarnaient chacun une vision pour le Sénégal. Entre Léopold Sédar Senghor, président de la République et Mamadou Dia, président du Conseil du gouvernement, il s’agit en effet, en plus d’une rupture politique, d’un drame humain qui envahira plusieurs familles sénégalaises divisées entre « Senghoristes » et « Diaistes ». Plus encore ou pis, une césure profonde dans la perception de l’exercice du pouvoir, ses modalités de conquête, son sens et ses fins va survenir insidieusement… Le chaos institutionnel dont les temps présents attestent de manière honteuse et parfois violente, trouvent leurs racines dans le « coup d’État spirituel, culturel et moral » sous-jacent aux tristes événements de 1962.

Car quand on va au fond des choses, ce sont les partisans d’un compagnonnage avec la France, et à ses conditions, qui auront emporté le bras de fer symbolisé par la confrontation entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia. En atteste la signature d’accords…secrets (!) iniques qui régissent, à ce jour des relations de sujétion entre nous et l’ancienne métropole. En atteste la présence envahissante, anachronique et, de moins en moins supportable, des forces militaires françaises sur notre sol. Prisonnières d’un juridisme tropical de mauvais aloi, nos élites ont une peur panique de dénoncer ces accords qui brident nos énergies et nous font douter de nos capacités propres à défendre notre pays et à le développer ! Jusqu’à quand ? A quel prix ?

C’est de ce juridisme tropical que découlent des situations d’incompréhension pouvant aboutir à des séances de pugilat transformant le parlement en arène nationale !

Pour dire que la démocratie est une manière d’être dont l’essentiel relève de l’éducation reçue et de la Culture acquise.

Être démocrate, c’est avoir une haute idée de ses devoirs et de ses droits en considérant que chaque citoyen jouit des mêmes privilégiés. Sans préjudice de sa position sociale, économique politique, encore moins raciale, ethnique ou culturelle…

La démocratie, c’est un processus d’apprentissage continu que la volonté humaine et l’ardent désir de vivre ensemble alimentent incessamment. Les meilleurs esprits d’un pays, à un moment donné, doivent prendre leurs responsabilités pour conjurer le mauvais sort et sauver l’essentiel.

Oui. Il n’est plus possible de regarder, impassibles, notre pays être le jouet de politiciens sans scrupules qui ne nous parlent pas de notre mieux-être mais se battent pour leurs privilèges.

À ce niveau, ce qui s’est passé récemment au sein de notre parlement est regrettable. Pour autant ce n’est pas la fin du monde ! Des vidéos devenues virales montrent des séances de bagarres épiques au sein de plusieurs parlements à travers le monde. Ramenons donc les choses aux proportions d’un accès de fièvre démocratique, mais ne tombons pas dans le piège de la tentation partisane ! Ce serait la pire des thérapies et elle pourrait achever le corps si malade de notre démocratie.

L’incident étant clos, avançons pour sauver ce qui reste de cette Institution afin d’accompagner ce qu’il reste du mandat présidentiel dans les meilleures conditions !

Bref, nous ne sommes plus loin du moment où il sera fait appel aux réservistes de la République afin que la graine ne meurt… Notre pays a un besoin urgent de refonder son contrat social sur la base d’un pacte national renouvelé. Alors, la relance d’un grand dessein collectif ouvrira les voies d’un grand destin pour notre pays dans une Afrique nouvelle, décomplexée et conquérante !

C’est le seul chantier qui vaille !

Amadou Tidiane Wone 

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