vendredi, mars 29, 2024
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Le oui…mais du Pr Ngouda Mboup

par pierre Dieme
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Le Pr Ngouda MBOUP, enseignant en droit public, apporte ses éclairages sur le transfert des pouvoirs législatifs en matitère d’Etat d’urgent et de siège au président de la république.

«Je pense que la loi était très attendue, il faut le dire quand même. Parce que la loi de 1969 qui, en réalité, applique l’article 69 de la Constitution qui fixe le régime de l’état urgence et l’état de siège, était obsolète. Donc, du coup, il fallait passer à un toilettage. Le régime de l’état d’urgence que nous avons est un état policier alors qu’aujourd’hui, l’Etat du Sénégal fait face à une pandémie sans précèdent et que cette pandémie sans précèdent, même si elle est prise en compte dans le cadre de cet état d’urgence, cet état d’urgence qui est une urgence sanitaire, nécessite un état social et non pas un état policier.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement sénégalais a pensé initier cette loi pour modifier la loi de 69 pour qu’il puisse intervenir de façon beaucoup plus rapide et beaucoup plus efficace pour régler les problèmes de la pandémie. Ou encore une question qui n’a pas encore eu lieu, mais qui est prévue dans la loi, c’est à dire les catastrophes naturelles. Et à ce niveau, la loi était innovante parce qu’elle ajoute un nouveau titre 5 qui permet de gérer les catastrophes naturelles. Mais par contre, au regard de la loi et de la brièveté des articles qui sont intégrés dans ce nouveau titre, il y a quelques difficultés et quelques anomalies. Et je ne pense pas que ce soit conforme à l’esprit et à la lettre de la Constitution dans la mesure où si nous sommes toujours dans le régime de l’article 69 de la Constitution strictement qui prévoit l’état d’urgence, on ne peut pas décréter l’état d’urgence quelle que soit la situation, que ce soit un état d’urgence appelé sanitaire ou un état d’urgence considéré policier. Il faudrait que le président le décrète et que quand même, l’état d’urgence ne puisse pas dépasser douze jours.

Au-delà, il faudrait impérativement l’intervention de l’Assemblée nationale. Cela étant, la nouvelle loi qui est initiée et qui doit être votée ne prévoit pas cela. C’est à dire que c’est une dérogation qui est appelée à être appliquée, qui permet au Président de la République de pouvoir décréter un état d’urgence en cas de pandémie ou de catastrophe naturelle, au bout d’un mois sans passer à l’Assemblée nationale et avoir la possibilité de le renouveler encore un mois. Et cela, pour moi, porte atteinte à l’esprit à la lettre de l’article 69 de la Constitution qui fixe ce délai à douze jours.

«LES CRAINTES SONT-ELLES FONDEES?»

Effectivement, les craintes sont fondées dans la mesure où le Président se renforce dans ses prérogatives et que le régime de l’état d’urgence est un régime très lourd. Je dis tout le temps que l’état d’urgence est un régime d’exception. Ce n’est pas un régime d’exceptionnel. Quand j’utilise le subjectif à la place de l’adjectif, cela signifie qu’en réalité l’état d’urgence est dans le cadre de la légalité et que l’état d’urgence ne signifie pas que la légalité est en congé. Cela signifie tout simplement que la légalité est assouplie. Mais que les autorités administratives, à commencer par le Président de la République, sont soumis à la légalité certes. Mais par contre, dans le cadre du régime d’exception, les pouvoirs publics et, notamment le Président de la République et l’ensemble des membres du pouvoir exécutif voient leurs prérogatives étendues, les libertés sont restreintes. Et qu’aujourd’hui, maintenant, si le Président renforce ses prérogatives là, et si le Président de la République cherche à se renforcer, d’autant plus que si nous parlons de l’état d’urgence sanitaire, la première chose à voir est qu’en réalité, ça doit être bien détaillé, bien défini avec les concepts et autres. Mais ce que nous avons vu, c’est un texte très bref avec la brièveté des articles et au-delà de ça quand même, ce qui fait peur, c’est que le parlement est contourné.

Et dans une démocratie, si le parlement ne parvient pas à contrôler l’Exécutif, cela peut être dangereux dans la mesure où des concepts de catastrophes naturelles et autres, ce sont des concepts valises que le gouvernement pourrait utiliser à sa guise. Donc, n’importe quelle situation pourrait être mise dans ce sac. Et voilà donc des craintes qui pourront être dissipées lorsque les députés auront regardé la loi pour faire les amendements. Mais je pense que c’est hypothétique dans la mesure où il y a toujours la question de la majorité mécanique qui se pose ».

Serigne Saliou YADE (STAGIAIRE) & SUD FM

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