L’interview du fugitif dans une affaire pénale pendante devant un juge d’instruction se situe dans un champ juridique protégé et constitue une violation manifeste de plusieurs prescriptions légales convergentes.
Le Code de la presse prévoit, dès son article 5, que la liberté d’investigation et de diffusion s’exerce sous réserve du respect du secret de l’enquête et de l’instruction, ce qui interdit à un journaliste de rendre publiques, directement ou indirectement, des informations relatives à une procédure en cours. La même logique est renforcée par l’article 57 alinéa 2 qui exige des entreprises de presse qu’elles « respectent l’ordre public ».
La violation de ces obligations n’est pas qu’administrative ou déontologique, elle rencontre le terrain de la répression pénale.
Le Code pénal sanctionne expressément l’assistance apportée à une personne recherchée : « Ceux qui (…) auront soustrait ou tenté de soustraire le criminel à l’arrestation ou aux recherches, ou l’auront aidé à se cacher ou prendre la fuite, seront punis d’un emprisonnement de deux mois à trois ans et d’une amende de 25.000 francs à 1 million de francs. » (Code pénal sénégalais, article 47 al.2)
Constitue un acte d’assistance la mise à disposition d’un canal médiatique permettant au fugitif de se maintenir dans la clandestinité tout en organisant publiquement sa défense en dehors du juge d’instruction. La démarche perturbe la finalité même de l’instruction et entre, par ricochet, dans le champ des infractions d’entrave au fonctionnement régulier de la justice.
À cette illégalité matérielle s’ajoute la prohibition pénale de divulgation de nature à discréditer le fonctionnement d’une institution publique, ici la justice d’instruction en cours.
L’article 255 du Code pénal réprime en effet : « La publication, la diffusion, la divulgation, (…) sera punie (…) lorsque la publication (…) aura jeté le discrédit sur les institutions publiques ou leur fonctionnement. Les mêmes peines seront également encourues lorsque cette publication (…) aura été susceptible d’entraîner les mêmes conséquences. » (Code pénal, article 255)
L’interview d’un fugitif en pleine procédure met nécessairement en scène une contradiction médiatique au détriment de l’instruction judiciaire, et jette le discrédit sur celle-ci en substituant au débat juridictionnel légal une narration publique non contradictoire. Il en résulte un trouble à l’ordre public judiciaire, au sens cumulé du Code de la presse (art. 5 et 57 al.2) et du Code pénal (art. 47 al.2 et 255).
Le fait que cette interview ait dû être interrompue par l’intervention des forces de l’ordre constitue un indice objectif que l’État a estimé que l’acte en cours portait atteinte à l’ordre public judiciaire et devait cesser immédiatement. Il s’en déduit que l’interview d’un fugitif dans une procédure en instruction est juridiquement illicite dans son principe et pénalement qualifiable, même avant toute diffusion.

