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vendredi, avril 19, 2024
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Le casse-tête du mouton pour les pères de famille

par pierre Dieme

Les prix des petits ruminants ne sont pas encore à la portée de tous les porte-monnaie, malgré les subventions déclarées de l’État du Sénégal, notamment sur l’aliment de bétail et la suppression des taxes, pour pallier la conjoncture économique difficile

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C’est encore l’expectative chez des parents, malgré la ruée de quelques responsables de familles vers des points de vente de moutons, à quelques jours de la Tabaski. Cependant, les prix des petits ruminants ne sont pas encore à la portée de tous les porte-monnaies, nonobstant les subventions déclarées de l’État du Sénégal, notamment sur l’aliment de bétail et la suppression des taxes, pour pallier cette conjoncture. Une immersion au niveau de points de vente de moutons récemment aménagés, en prélude de cette grande fête musulmane (Aïd-al Kabir ou Tabaski) a permis de faire le constat.

Comme à l’accoutumée, le terrain de football des Parcelles-Assainies Unité 22 de Dakar, situé derrière le Commissariat de Police, commence à être transformé en point de vente de moutons, à quelques jours de la Tabaski. Les bêlements assourdissants de petits ruminants rythment le quotidien des voisins et riverains. Un tour sur place a permis de constater un afflux de responsables de familles, qui sont venus négocier des béliers exposés là, en perspective de cette grande fête musulmane, également appelée Aïd-al Kabir.

Arrivé sur le site de la bergerie vers treize heures (13h), il a été remarqué un sexagénaire en djellaba, qui a identifié le mouton qu’il désire. Après quoi, il se met à négocier le prix avec le vendeur. Mais, les deux ne sont pas parvenus à trouver un terrain d’entente, à la suite d’une assez longue discussion. Interrogé, l’homme d’âge mûr ayant préféré garder l’anonymat, fait savoir qu’il a proposé la «somme maximum», étant à sa portée, soit deux cent mille francs CFA (200.000 francs CFA), mais que le marchand demande deux cent trente mille francs CFA (230.000 francs CFA). Ce qui a conduit à l’impasse. «Je ne peux pas dépasser 200.000 francs CFA parce que d’autres urgences pourraient advenir à tout moment, après la Tabaski. D’ailleurs, je viens de payer quatre cent cinquante mille francs CFA (450.000 francs CFA) pour les frais de santé de ma femme, qui avait subi une opération chirurgicale», regrette le père de famille. Toutefois, il reste optimiste quant aux jours à venir. «Dès la semaine prochaine, Dakar sera bien approvisionné en moutons. De quoi faire sensiblement chuter les prix», indique le vieux, optimiste, sous le soleil ardant.

La hausse du prix des aliments de bétail, principale cause de la cherté des moutons

Répondant au nom d’Elhadj Fofana, l’éleveur en question explique à son tour pourquoi il n’a pas pu s’accorder avec le sexagénaire, à l’issue du marchandage. «Le coût de la vie est très cher. La provende me coûte au minimum 25.000 franc CFA par journée, sans compter les dépenses que j’effectue pour mes propres besoins de consommation. Le sac de tourteau se vend à plus de 14. 000 francs CFA. Le sac de foin qui s’achetait à 4.500, vaut actuellement 6.000 francs CFA. C’est dur, c’est trop dur ! Si je n’ai pas pu lui vendre le mouton, c’est bien parce que celui-ci m’a coûté plus que la somme qu’il m’a proposée. Imagine que je vende à perte, ceci mettrait un coup d’arrêt à mes activités d’éleveur de bétail. Or j’apprécie ce métier. J’aimerais que tout le monde puisse disposer d’un bélier ; sauf que la situation actuelle est critique, malheureusement», se désole le jeune éleveur, la vingtaine, aux lèvres touffues.

M. Fofana n’y va pas par quatre chemins pour battre en brèche la déclaration du ministre de l’Elevage et des Productions animales, Aly Saleh Diop, qui avait jugé, lors de la rencontre «gouvernement face à la presse», le 23 juin dernier, «assez satisfaisante» la situation d’approvisionnement du marché local en moutons. Selon le jeune homme, jusque-là, «il y a un manque criard de moutons à Dakar». Dans la même veine, il reconnaît, malgré tout, avoir déjà vendu quelques têtes de petits ruminants. «J’attends de nouveaux troupeaux de moutons. La livraison va se faire ce soir. Il y a également du bétail qui viendra de Gossas et aussi près de Kaolack», annonce le vendeur, déplorant du coup l’embargo des pays de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contre le Mali, ayant porté, d’après lui, des «pré- judices au marché de bétail».

Expositions de moutons VIP en attendant l’arrivée des « harr coggal »

En attendant l’arrivée massive du bétail en provenance de la Mauritanie et du Mali qui aurait décidé de lever sa suspension de l’exportation des bovins, ovins, etc. vers le Sénégal, en réponse à l’embargo de la CEDEAO, des points de vente sont aménagé les long de plusieurs grandes artères de Dakar. Seulement, des deux voies de Liberté VI à l’avenue Bourguiba, entre autres, ce sont des moutons issus de l’élevage domestique qui sont exposés, souvent sous des tentes et bâches, pour les prémunir du soleil. Parce ce très engraissés.

Mieux, il s’agit surtout de «moutons vip», hors de portée des bourses de «goorgoorlu» qui se ravitaille souvent auprès des éleveurs traditionnels. Les troupeaux de moutons de l’élevage tradititionnel, communément appelés «harr coggal», de ces derniers, tardant à inonder le marché dakarois et plusieurs localités de l’intérieur du pays, c’est l’expectative dans nombres de familles, à moins de deux semaines de la Tabaski 2022.

Quand Aly Saleh Diop rassurait les Sénégalais

Pourtant, le ministre de l’Elevage et des Productions animales s’était félicité, à l’occasion de la conférence de presse du gouvernement, le 23 juin dernier, de la contribution de l’offre locale de moutons pour la Tabaski. Il avait aussi fait allusion «aux entrées massives de moutons en provenance de la Mauritanie, même si l’offre malienne reste encore timide». À l’en croire, «les besoins en moutons de Tabaski cette année restent maintenus à 810.000 têtes dont 260.000 pour la région de Dakar», avait-il ajouté lors de la rencontre «Le gouvernement face à la presse».

Aly Saleh Diop avait annoncé, par la même occasion, que le gouvernement avait prévu de fournir des produits subventionnés en vue de mieux contribuer à une meilleure accessibilité des moutons de Tabaski aux populations. «Le gouvernement a décidé, conformément aux directives du président de la République, et en rapport avec les provendiers, de mettre à la disposition des éleveurs et opérateurs engagés dans la distribution des moutons de Tabaski, 3.000 tonnes d’aliments de bétail vendues à un prix subventionné de 5.200 francs CFA le sac de 40 kg, contre 12.000 à 14.000 francs CFA le sac sur le marché», avait- il dit. Quoiqu’il en soit, la Tabaski constitue aujourd’hui une véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus des têtes des parents.

Censé être un simple animal sacrificiel initialement, le mouton de l’Aïd-al Kabir est devenu source de concurrence, de jalousie et de clivage au sein de la société. Une bonne partie de la communauté musulmane du Sénégal pense que la valeur sociale d’une famille se mesure par rapport à la grosseur du bélier de Tabaski. Voilà ainsi créée, de toutes pièces, la course effrénée aux gros moutons. Les boucs et chèvres étant recommandés par l’Islam, pour celui qui n’a pas les moyens de se procurer un mouton, sont bannis d’office. Pis ils sont d’ailleurs source de conflits internes familiaux. Un père de famille qui achète un bouc pour la Tabaski devient la risée du quartier, un choc pouvant même conduire à la séparation, même momentanée, entre conjoints.

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