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«La non-réouverture des lieux de culte n’est pas un camouflet…»

par pierre Dieme
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 La décision de certaines familles religieuses de ne pas rouvrir les lieux de culte est loin d’être un camouflet pour le président Macky Sall ». C’est la conviction de Seydou Guèye, ministre-conseiller en communication de la présidence de la République. Dans cette grande entrevue, le ministre-conseiller qui porte également la parole de l’Apr passe en revue les principaux sujets polémiques de l’heure : rattachement de l’Armp à la Présidence, inquiétudes liées à la campagne agricole, différend Senelec-AKILEE, annulation ou moratoire pour la dette africaine. Et tout autant la problématique question de l’honorariat des ex-patrons du Cese sur laquelle il invite tout simplement à…la nécessité d’une réglementation relative au traitement qu’il faut accorder aux anciens présidents d’institutions dans la transparence
 
Monsieur le ministre, la dernière sortie du Président du République annonçant l’assouplissement des restrictions devant combattre la propagation de la Covid-19 a été critiquée par des spécialistes en santé. Pis, des religieux notamment l’Église, Tivaouane, la mosquée Omarienne, le Zawiya Seydi Malick Sy etc., ont refusé de suivre. N’est-ce pas un camouflet ?
 
Penser ainsi, c’est ignorer l’esprit de la décision articulée autour de l’impératif d’adaptation. La stratégie du Sénégal face à Covid-19, qui a porté sur la déclaration de l’état d’urgence et du couvre-feu ainsi que la promotion des gestes barrières, est courageuse et intelligente parce que clairvoyante, proportionnelle et graduelle. En cela, elle est dynamique, toujours adaptée à la situation et capable d’anticipation. Si la situation exige des mesures plus fortes, le chef de l’Etat les prendra avec sagesse, courage et lucidité. L’assouplissement apporté aux mesures de l’état d’urgence en constitue une évolution. Il est vrai que la crise est sanitaire mais ses conséquences n’épargnent aucun secteur d’activité, d’où la nécessité d’avoir une riposte multisectorielle et bien coordonnée.
 
Certains religieux n’ont pourtant pas repris la prière dans les lieux de culte préférant la prudence et ont choisi d’émettre sur une autre longueur d’onde que celle du Chef de l’Etat
 
 
La décision relative à l’ouverture des lieux de culte constitue une donnée socio Comme vous l’avez relevé, certaines familles religieuses, en toute responsabilité, ont préféré différer la reprise des prières avec le grand public. Nous saluons cette posture hautement responsable. Nous nous réjouissons également de la position tout aussi responsable de ceux qui ont décidé de reprendre les prières en assemblée. Les deux attitudes sont en parfaite conformité avec l’esprit d’adaptation qui, outre l’engagement communautaire, convoque à chaque niveau de notre société la responsabilité individuelle pour le bien collectif. Par conséquent, loin d’être un camouflet, c’est plutôt une opportunité pour consolider notre résilience communautaire contre le virus car les autorités religieuses constituent, depuis toujours, de véritables prescripteurs en matière de comportements à adopter, de prévention et d’interdiction.
 
Le Chef de l’Etat a également annoncé la reprise des cours pour les élèves en classe d’examen. Les conditions sont-elles réunies ?
 
Après un temps d’observation, la tendance est à l’assouplissement, et à la sortie du confinement partout dans le monde. Le Sénégal qui n’avait pas choisi le confinement ne saurait être en reste et nous avons choisi l’adaptation. Aujourd’hui, nous avons fait le choix de relancer, avec prudence, nos activités essentielles. L’éducation en fait partie. Aucun acteur ne souhaite une année blanche. Dans un premier temps, sont concernés par cette reprise ceux qui sont en classe d’examen, soit 551 000 élèves sur un total de 3 500 000, afin d’adapter les sites aux gestes barrières. Sur instruction du Chef de l’Etat, un plan de reprise des cours qui réduit les risques a été élaboré avec les différents acteurs. Des dispositions sont prises pour assurer le déplacement des enseignants et des apprenants quelles que soient leurs localités, et garantir leur sécurité au niveau des établissements.
 
Le Président de la République a instruit le Gouvernement pour la reprise durable et la relance dynamique des activités économiques post-crise Covid-19. La résilience économique n’est-elle pas privilégiée au détriment de la santé ?
 
Absolument pas ! Il faut, comme pour tous les pays, concilier les défis sanitaires avec les autres enjeux de leurs sociétés. Il convient également de saluer la résilience du peuple sénégalais ainsi que le professionnalisme, l’engagement et la disponibilité des personnels soignants. La crise est multidimensionnelle, la résilience devra en conséquence être multidimensionnelle. Dès l’entame de la crise, le Sénégal a adopté un plan de riposte qui a pris en compte tous les impératifs sanitaires requis pour l’identification et la prise en charge des personnes infectées, la protection du personnel soignant. Outre le système sanitaire doté à hauteur de 64 milliards, le curseur est mis sur les ménages, les entreprises et leurs salariés et même la diaspora. Des secteurs névralgiques comme l’agriculture et l’élevage bénéficieront de dispositions particulières. Ce plan a été complété par un Programme de résilience économique et social afin de soutenir les ménages, les entreprises et de préparer la relance post Covid-19. L’économie mondiale sera sans aucun doute impactée par la crise et le Sénégal ne sera pas épargné dans sa marche vers l’émergence. Alors que nous attendions un taux de croissance de 6,8% à la fin de cette année 2020, nous pourrons nous retrouver avec un taux de moins de 3%. Le Président Macky Sall a pris la bonne mesure de la situation.
 
Justement, la campagne agricole pointe à l’horizon, mais les acteurs ne savent toujours pas à quel saint se vouer. Quelles sont les garanties de l’Etat pour une bonne campagne ?
 
Lors du Conseil des ministres du 6 mai dernier, le Président de la République a validé le programme agricole 2020- 2021, à hauteur de 60 milliards de FCFA et a demandé au ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural de veiller à une bonne répartition des financements pour assurer notamment des prix de cession sensiblement subventionnés pour les semences, engrais et équipements agricoles. Je voudrais rassurer les acteurs de l’agriculture. Toutes les dispositions sont prises pour encadrer la campagne agricole. D’ailleurs, cette crise nous interpelle sur la nécessité d’affûter nos mécanismes de production. C’est pourquoi le Président de la République a donné des instructions pour une transformation locale de nos productions agricoles et leur consommation nationale, dans le cadre de la relance globale de l’économie de notre pays.
 
M. le ministre, l’actualité c’est aussi le rattachement de l’ARMP à la Présidence de la République. Qu’est-ce qui motive une telle décision ? N’eston pas en train de fragiliser ce corps de contrôle qui jouait un peu le rôle de «gendarme» dans la passation des marchés publics ?
 
Les hautes autorités ont souvent été rattachées à la Primature, avec la suppression de celle-ci, quoi de plus logique que de les ancrer à la Présidence de la République. L’Autorité de Régulation des Marchés Publics, structure indépendante a été rattachée à la Présidence, parce que c’est ce qui en cohérence avec la dignité institutionnelle des Hautes autorités qui sont différentes des agences d’exécution ou des autres structures assimilées à ces dernières. Dès lors, mise à part la suspicion habituelle dont l’Armp fait l’objet, je ne vois pas où se situe cette fragilisation à laquelle vous faites allusion. Tout au contraire ! Il ne faut pas manquer de respect aux membres de cette structure qui est, rappelons-le, une autorité administrative totalement indépendante, qui est aujourd’hui une référence au niveau mondial et qui exerce en toute conscience, la plénitude de ses prérogatives en matière de régulation de la commande publique.
 
La composition des membres du Comité de suivi de « Force Covid – 19 » n’a pas non plus reçu que des échos favorables. La présence du frère du Chef de l’Etat a été déplorée ainsi que celle de personnalités que l’on retrouve un peu partout ailleurs. Ne fallait-il faire autrement, en laissant par exemple au Général François Ndiaye la possibilité de former son équipe ? 
 
La distribution des vivres est une chose sérieuse. Ce n’est pas une opération de marketing social. Le suivi et l’évaluation des actions mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 le sont tout autant. Le plus important, à mes yeux, c’est de garantir toute la transparence requise pour une pareille opération d’urgence. C’est donc important pour l’Etat, dans la conduite de sa mission, surtout en période de crise, de travailler de manière inclusive avec des acteurs représentatifs des forces vives de notre nation, pour consolider la dynamique d’unité nationale. Le Président de la République a également voulu que différentes composantes de notre Nation soient impliquées en amont et en aval du processus. C’est ainsi que des représentants des institutions, de l’opposition et des non-alignés, des acteurs de la société civile et des associations consuméristes ont également intégré le comité. Si Monsieur Aliou Sall, au titre des associations d’élus locaux et, en sa qualité de président de l’Association des Maires du Sénégal fait partie du comité, je ne vois pas en quoi ça pourrait particulièrement constituer une difficulté pour le comité de suivi. Sauf à chercher à lui faire un mauvais procès. Par ailleurs, la composition du comité n’a pas visé des personnes mais plutôt des institutions, des cadres citoyens et politiques. Je reste convaincu que les membres du comité de suivi sont dignes de crédit et de confiance. Il faut rappeler que le dispositif de gestion de Programme de résilience économique et sociale, c’est d’abord, un comité stratégique présidé par le Chef de l’Etat, un comité technique coordonné par le ministre des Finances et du Budget et un comité de suivi sous la responsabilité du Général Ndiaye.
 
L’Afrique ne parle pas le même langage sur sa dette. L’appel de Dakar lancé par le Président de la République qui défend l’annulation n’a pas été suivi, notamment par le Bénin dont le ministre de l’Economie est d’avis que «l’allègement de la dette africaine n’est pas une solution ». Il y a aussi la Secrétaire générale de la Francophonie qui soutient que « l’Afrique n’a pas besoin de traitement spécial  ». Tous les deux optent pour un moratoire. Quel commentaire en faites-vous ?
 
Ce qui importe, c’est consigner que l’appel du Président Sall a été entendu et largement soutenu. D’abord par l’Union africaine, à travers une déclaration commune, la Cedeao et l’Uemoa, à travers des communiqués de presse rendus publics, Sa Sainteté le Pape François, le Président Macron, pour ne citer que ceux-là. Qu’il y ait des avis différents sur une question de cette nature, tout aussi technique que morale, cela relève de mon point de vue, d’une différence d’approche et de la dynamique des réflexions prospectives nécessaires à la prise en charge sérieuse des enjeux déterminants pour l’Afrique post Covid19. Il nous faudra travailler à l’avènement d’un nouvel ordre mondial qui replace l’humain et l’humanité au cœur de nos priorités. Et dans la séquence actuelle, il est clair que l’Afrique pourra difficilement concilier les dépenses nécessaires à la riposte contre Covid-19, s’acquitter de ses obligations de remboursement de la dette et préparer la relance en sortie de crise. Rien qu’une économie sur le service de la dette pourrait apporter au Sénégal plus de la moitié du budget du Programme de résilience économique et sociale. La nature de la pandémie en elle-même est spéciale et l’Afrique ne saurait se dérober devant ses responsabilités. Et le monde ne pourra pas non plus s’exonérer de l’impérieuse obligation de solidarité et d’humanité, comme nouvelle responsabilité après le constat de nos fragilités et vulnérabilités communes. C’est tout le sens de l’appel de Dakar qui a eu des échos favorables dans les quatre coins du monde. Je reste, pour ma part, convaincu que cet appel transcende la problématique de la dette. Il porte aussi sur la riposte concertée au niveau africain, les leçons fondamentales à tirer de la crise pour plus d’humanité et une meilleure prise en compte de l’Afrique, dans la construction d’un meilleur avenir pour le monde.
 
Nous sommes certes dans une urgence pour lutter contre la Covid19. Mais, qu’est ce qui est en train d’être fait pour maintenir le processus démocratique enclenché depuis belle lurette, notamment la tenue d’élections régulières ?
 
Les questions relatives au calendrier républicain et au processus électoral font partie intégrante de l’agenda de travail de la Commission du dialogue national. Les travaux avaient été effectivement suspendus à cause de la pandémie. Au regard de l’urgence mondiale engendrée par la crise, il est aisé de comprendre cet état de fait. Sortons d’abord de la crise et nous aurons tous si Dieu nous prête vie, le loisir de délibérer sur nos passions et préoccupations politiques. Sans aucun doute, à la reprise des concertations, la tenue des élections sera traitée, avec tous les acteurs concernés, en vue d’asseoir un consensus fort tel qu’initialement recherché par le Président de la République.
 
L’actualité, c’est aussi le contrat entre la Senelec et AKILEE, qui suscite beaucoup d’interrogations et d’incompréhensions de la part des travailleurs. D’aucuns parlent de scandale, certains de nébuleuse. Que répondez-vous ?
 
Je ne suis pas au fait de ce dossier, donc c’est avec humilité que je reconnais sa complexité au regard de ce que j’en sais par la presse. Des thèses s’affrontent, des points de vue divergent, des soutiens s’expriment de part et d’autre en faveur de l’un ou l’autre des intérêts en cause. C’est le schéma classique de situation qu’il faut tirer au clair. Nous devons être édifiés sur la transparence des procédures, le bon respect des prescriptions contractuelles, la valeur ajoutée des innovations, les risques que cette affaire peut faire courir à la Senelec, qui sont autant de questions agitées par les différents dépositaires d’enjeux. A mon sens, il y a des instances habilitées à trancher les différends en matière de contrat ou de partenariat et des autorités légitimes à agir dans le respect des droits des parties et de la sécurité des engagements. Vous comprenez que c’est un dossier complexe qu’on ne peut pas démêler par presse interposée ou invectives.
 
Le syndicat (SUDETEN) demande, afin d’éviter toute rupture d’approvisionnement de compteurs et pour le respect du contrat de performance, à l’Etat de permettre à Senelec de commander tout en se conformant aux procédures du code des marchés. N’est-ce pas une meilleure décision ?
 
 
Si cette position a pour objet la défense des intérêts de travailleurs et de l’entreprise, le syndicat est dans son rôle et l’Etat du Sénégal reste très engagé pour la transparence, la bonne gouvernance à tous les échelons de la gestion publique. Par ailleurs, au regard des enjeux liés à la souveraineté énergétique du Sénégal, au service public de l’électricité, il ne fait aucun doute que le Gouvernement suit ce dossier avec beaucoup d’attention.
 
Un décret qui institue l’honorariat au Conseil économique et environnemental fait l’objet d’une actualité controversée, qu’en est-il réellement ?
 
Je ne peux pas vous en dire plus que le communiqué de la Cellule communication de la présidence qui, en termes clairs, rappelle que les décrets pris par le Président de la République sont publiés au journal officiel. Maintenant, il importe que tout le monde soit édifié sur la réalité des accusations et à ce titre, il faut des investigations. Cependant, cette question comporte d’autres enjeux liés à la nécessité d’une réglementation relative au traitement qu’il faut accorder aux anciens présidents d’institutions dans la transparence sinon c’est la porte ouverte à l’intox, au populisme. Nous devons aborder ces questions avec courage et sérénité et sans tabou. Le cadre institué pour le dialogue national peut valablement s’en saisir.

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