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La crainte du déséquilibre territorial ne me semble pas suffisamment importante

par pierre Dieme
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Ababacar Gueye, expert en décentralisation donne de point de vue sur la départementalisation de Keur Massar

La commune de Keur Massar pressentie pour devenir un département, selon le souhait du chef de l’Etat, dispose d’un potentiel socio-économique suffisant à même de permettre à la nouvelle ville d’avoir les ressources qu’il faut. C’est du moins la conviction de l’expert en décentralisation, Ababacar Guèye, qui semble prendre le contrepied de ceux-là qui soutiennent le contraire, non sans estimer que le déséquilibre tant craint par certains ne pèse pas lourd face aux potentialités de la zone.

Comment appréciez-vous cette décision prise par le Chef de l’Etat Macky Sall de départementaliser Keur Massar ?

C’est une décision politique, mais qui répond aux aspirations des populations concernées car il s’agit d’une concrétisation d’une demande récurrente des populations de Keur Massar. Elle me semble aller dans le sens du renforcement de la décentralisation et en même temps de la déconcentration. En effet, la création d’un nouveau département, et l’érection de Keur Massar entre dans ce cadre, s’accompagne d’une amélioration des rapports entre l’administration et les administrés par un rapprochement évident des deux. Elle permet aussi dans le cadre de la décentralisation d’améliorer la gouvernance locale. Cette départementalisation permettra en effet de créer un niveau de collectivité territoriale qui sera soit une ville, soit un département  et collectivité territoriale (au Sénégal les départements sont à la fois déconcentrés : circonscriptions administratives, et décentralisés : collectivités territoriales). Donc, les affaires locales de Keur Massar seront prises en compte par les organes locaux, élus par les populations de Keur Massar conformément au principe de la libre administration des collectivités territoriales consacré par l’article 102 de la Constitution. Il faudra cependant attendre pour voir les différentes structures décentralisées qui seront mises en place (de simples communes à l’intérieur du département, des communes qui composeraient la ville de Keur Massar ou alors la coïncidence de l’espace départemental avec celui de la collectivité territoriale).

Quels sont les changements qu’une telle décision va induire sur le plan social et économique pour Keur Massar ?

Vous savez, l’option du Sénégal et de l’Acte III de la décentralisation est la territorialisation des politiques publiques, mais aussi l’impulsion du développement économique par un développement à la base qui passe par les collectivités territoriales. L’érection de Keur Massar devra normalement s’accompagner de la construction d’infrastructures de développement et de mise en place de politiques territoriales de développement du département avec tous les effets induits du point de vue social. Il restera toujours la question de savoir si le département est un niveau pertinent de décentralisation. En effet, d’un point de vue territorial, on peut discuter de la capacité du département, tel que conçu actuellement, à impulser le développement à la base. Le département est de façon indéniable un bon niveau d’administration, il n’est pas forcément un bon niveau de gouvernance territoriale au Sénégal. En tant que collectivité territoriale, toutes les opportunités de la coopération décentralisée vont alors s’ouvrir à Keur Massar en tant que collectivité territoriale, même si c’était déjà une commune. Il ne faudra pas non plus occulter les infrastructures administratives de l’Etat qui auront nécessairement un impact sur la vie des populations.

Est-ce qu’un tel changement ne créera pas des déséquilibres territoriaux avec une région qui compte 5 départements ?

Si on limite la réflexion au niveau superficie du territoire, oui on peut le penser. D’autant plus qu’il s’agit de la plus petite région du Sénégal. Il faut aller plus loin en retenant que c’est la région la plus développée et qui a le plus de potentialités d’un point de vue économique. La zone de Keur Massar polarise des activités socio-économiques relativement importantes, pouvant être le support d’un dynamisme économique certain. Donc, la crainte de déséquilibre territorial ne me semble pas suffisamment importante face aux potentialités de la région et de la zone en particulier. Les activités socio-économiques à Keur Massar sont suffisamment importantes pour permettre à une ou des collectivités territoriales d’avoir des ressources et de participer à une gestion autonome et mener une politique de développement économique local. Il faudrait, et ce n’est pas le plus simple, éviter les pesanteurs qui plombent la plupart des collectivités territoriales au Sénégal. Les équilibres structurels territoriaux ne constituent pas un objectif de la décentralisation et de la déconcentration, ce qui n’est pas le cas du développement économique local. L’essentiel, c’est de s’insérer dans le cadre d’un dispositif d’aménagement du territoire cohérent. Et souvent, c’est là où le bât blesse.

Sud Quotidien

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