Confrontée à une crise profonde, la presse privée sénégalaise vacille entre baisse des revenus, hausse des charges, dépendance publicitaire et aides publiques jugées dérisoires. Pour Ibrahim Bakhoum, journaliste-formateur, l’heure est venue de repenser le modèle médiatique afin de garantir pluralisme et responsabilité démocratique.
La question est simple : la presse privée peut-elle réellement s’en sortir ? Ou alors, comment doit-elle s’y prendre pour survivre ?
Pour lui, il ne faut pas se tromper de débat : « Il s’agit d’entreprises. Elles doivent être structurées autour d’un modèle économique solide, avec une vision claire en rapport avec la démocratie. » Cela suppose, ajoute-t-il sur la Rfm vendredi, une diversité de l’information, le respect de la pluralité et l’impartialité.
Le journaliste pointe du doigt les dérives d’acteurs qui, selon lui, faussent le jeu. « Dans l’espace public, certains prétendent faire de l’information alors qu’ils diffusent des contenus orientés, liés à des mécanismes occultes. Ces pratiques ont fini par créer des monstres, des médias qui ne servent qu’à combattre pour un camp ou pour un autre », déplore-t-il.
Sur la question des ressources, il reste catégorique : « Les revenus de la presse reposent essentiellement sur la publicité. Mais l’État ne peut pas distribuer ses annonces à tout le monde. Il doit le faire à des médias qui ont la capacité, la visibilité et surtout la responsabilité. Parce que tout n’est pas dans la visibilité. Si ce que vous publiez ne va pas dans le sens de la démocratie, la responsabilité est absente, et ça devient dangereux. »
Doyen Bakhoum critique également la prolifération de modèles économiques biaisés, citant l’exemple des journaux vendus à 100 francs. « Ce modèle a prospéré, mais il a fragilisé la presse. Comment financer un produit aussi bas sans sacrifier la qualité ? On finit par proposer des ragots au lieu d’informations utiles à la démocratie », regrette-t-il.
Quant à l’avenir de la radio et de la télévision, il est sans détour : « Elles ne peuvent fonctionner au Sénégal qu’avec la publicité. Mais attention : si la publicité est conditionnée par un alignement politique, c’est de la commande publique déguisée. Cela peut rendre un média fort aujourd’hui, mais faible demain, car celui qui vous soutient ne sera pas éternel. »
En dernière analyse, Ibrahima Bakhoum avertit : « La concurrence telle qu’elle se pratique n’apporte rien à la démocratie. Certains médias captent l’audience, mais pas pour construire la démocratie. D’où l’urgence de repenser le service public de l’information. »