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vendredi, avril 19, 2024
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Emplois : les erreurs de l’Etat

par pierre Dieme

Quand j’étais plus jeune, mon village lébou de Thiaroye-sur-Mer était une sorte de Monsieur Jourdain du Plein Emploi. On y avait même le choix de l’emploi entre les industries textiles de la Sotiba Simpafric, Icotaf, Sosefil, aller en mer (métier le plus noble pour nous les Lébous) ou cultiver la terre, en particulier les choux. Thiaroye-sur-Mer produisait tellement de choux qu’on était les premiers dans le pays et qu’on appelait le choux, «la viande de Thiaroye». On avait tellement le choix que la Sotiba venait courtiser les villageois pour les convaincre de venir travailler à l’usine.

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Aujourd’hui, le village de Thiaroye-sur-Mer, jadis Monsieur Jourdain du Plein Emploi, est devenu un village martyr de l’émigration clandestine. Quand on est Lébou de Thiaroye, on comprend facilement que ceux qui prennent les pirogues sont plus des victimes que des coupables. Victimes des passeurs certes, mais aussi du manque de vision de leur Etat. L’Etat a laissé la fraude sur le textile tuer la Sotiba, Sosefil et Icotaf à petit feu. L’industrie du textile a été condamnée à une mort lente, sans que l’Etat ne lève le plus petit doigt. C’est peut-être ce que la Compagnie sucrière sénégalaise a compris en faisant du charivari tellement fort à Richard Toll, pour que Sa Majesté ait l’impression que c’est sous ses fenêtres. Concomitamment à la mort lente du textile, l’Etat a organisé la mort en fast track de la pêche, avec les accords de pêche.

Comme si cette double peine ne suffisait pas, nos champs qui produisaient des choux et d’autres légumes ne laissent plus pousser que des maisons, à cause de la spéculation foncière. Sur le plan du maraîchage, le présent de Thiaroye est l’avenir de tous les Niayes, où le béton va remplacer l’horticulture. Quand un village comme Thiaroye-sur-Mer est victime de cette triple peine, les jeunes n’ont plus rien à perdre et il est impossible de raisonner quelqu’un qui pense qu’il n’a plus rien à perdre. Un candidat à l’émigration clandestine est aussi déterminé qu’un jihadiste. Une seule différence.

Le jihadiste cherche la mort alors que les migrants la trouvent en fuyant la mort sociale. L’espoir fait vivre. Dans les années 80, émigrer était plus facile, mais rares sont les jeunes Lébous tentés par cette aventure, car la mer nourrissait son homme. D’ailleurs, beaucoup de nos jeunes camarades de classe renonçaient à l’école pour aller en mer et pouvaient ainsi se payer des fringues d’ado comme les jeans Levis Strauss et autres chaussures Stan Smith.

Le cancer de la fraude (fraude sur le textile, sur les licences de pêche, et sur le foncier) a rongé l’économie, l’avenir et même l’espoir du village. Pour faire renaître l’espoir de l’emploi chez les jeunes, l’Etat du Sénégal aura tout essayé, sauf l’essentiel : l’industrie et le secteur privé. Au contraire, le gouvernement persévère dans l’erreur depuis des décennies, avec le Fnpj (Fonds national de promotion de la jeunesse) l’Ofejban (Office national pour l’emploi des jeunes de la banlieue), Anej (Agence nationale pour l’emploi des jeunes), et récemment l’Anpej et le Prodac. L’Etat persévère dans l’erreur, car les milliards investis dans ces agences vont plus au fonctionnement qu’à la mission. Même si ces milliards allaient à la mission, ce serait contre-productif, car ce ne serait que des emplois assistés.

La vocation de l’Etat n’est pas de créer des emplois, mais les conditions propices pour la création de richesses et donc d’emplois par le privé. Ces milliards engloutis dans ces agences confirment Adam Smith qui disait : «Tout le bien que l’Etat peut faire, il le fait mal. Tout le mal que l’Etat peut faire, il le fait bien.» Peut-être que Adam Smith est excessif, mais sur l’Emploi au Sénégal, il a parfaitement raison. Les milliards engloutis dans les agences pour l’Emploi des jeunes auraient pu créer un autre cadre favorable pour l’émergence d’une autre Css dans la vallée. Mais dans le secteur du riz ou de l’huile dans le Baol, on a l’impression que le gouvernement a pris l’option de transformer le pays en souk ou en bazar, c’est-à-dire enrichir les industries d’autres pays en passant par quelques commerçants de Dakar. La croissance à deux chiffres passe par une bonne politique industrielle, qui n’existe plus depuis Famara Ibrahima Sagna.

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