Home A la Une Dr Aliou Badara Ly, directeur du cous: “Nous sommes dans une phase critique”

Dr Aliou Badara Ly, directeur du cous: “Nous sommes dans une phase critique”

par pierre Dieme
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Le Directeur du Centre des Opérations d’Urgence Sanitaire (COUS) était l’invité du Grand Oral. Sur les ondes de la 97.5 Rewmi Fm, Dr Aliou Badara Ly est revenu longuement sur la situation de la Covid au Sénégal et le comportement à adapter. Morceaux choisis.

Quelle est la situation de la Covid au Sénégal de nos jours?

Aujourd’hui nous sommes à une phase assez critique. Puisque nous sommes à 9 semaines d’augmentation continue du nombre de cas. Et, ceci est lié probablement à la circulation de nouveaux variants et en particulier le variant Delta dont on a beaucoup parlé. Aujourd’hui le nombre de cas cumulés au niveau du pays s’élève à 55.861 à la date du 22 juillet 2021. Parmi ce nombre, 44.611 cas ont été déclarés guéris ce qui représente un taux de guérison de 81%. Mais nous devons déplorer le nombre de décès de 1265 au total. Ce qui représente un taux de létalité de 2,3%. Le nombre de cas graves depuis plusieurs semaines aussi une hausse régulière et le nombre de décès va suivre. Ce qui fait quand même quelques six semaines que nous sommes sur une hausse croissante. Voici un peu la situation épidémiologique. Nous sommes à une 3e vague qui par son importance n’a rien à voir avec la première et n’a rien à voir aussi avec la deuxième qui était assez intense et qui nous avait posé énormément de difficultés. Et, on se rend compte que cette troisième vague entraine beaucoup plus de cas graves et de décès.

Quel rôle joue le Cous dans la prise en charge des malades?

Il faut tout de suite préciser que le Crous est une structure de coordination. Ce n’est pas une structure qui prend en charge des patients. C’est une structure dédiée à la coordination des urgences de santé. Il a été créé le 1er décembre 2014 dans la foulée de l’épidémie Ebola dans la sous-région. Et effectivement Mme le ministre de la santé d’alors avait pensé qu’il était important d’avoir une structure dédiée à la coordination des urgences de santé publique majeure comme Ebola etc. Dans le cadre de la Covid, le centre participe énormément à la préparation et à la réponse face aux urgences de santé publique et aux catastrophes de manière générale. Et dans le cadre de la Covid, les procédures du centre veulent que le centre soit activé par le ministre de la santé pour intervenir. Effectivement le 3 mars, M le ministre de la santé a pris une note activant le centre pour assurer un peu la coordination de la réponse contre la Covid à travers justement ce système de coordination de gestion des incidents qui a été dirigé par le Dr Abdoulaye Bousso. Il faut dire que le Crous est doté de budget qui lui permet de fonctionner. Le budget de l’Etat s’élève à quelques 50 millions annuel et c’est un budget plutôt lié au fonctionnement. Il y’a également l’appui des partenaires.

On parle de l’apparition de nouveaux variants dont Delta. Est-ce qu’on peut savoir les types de variants qui existent au Sénégal ?

Le virus a la propriété de muter tout le temps. En réalité, le virus change régulièrement et les choses qu’on a actuellement on peut dire que c’est des variants ou des mutants. Mais il y’a des mutants ou des variants qui ont la propriété d’acquérir des propriétés nouvelles en terme des capacités de donner des cas beaucoup plus graves, en terme de capacité à être beaucoup plus transmissible ou en terme de capacité à résister au vaccin. C’est pourquoi ces variants là, l’OMS les classe en deux types véritablement. L’OMS les classe en variants préoccupants. Ce sont ces variants là qui acquièrent des propriétés nouvelles dans le sens d’une plus grande transmissibilité ou dans le sens d’avoir des capacités accrues d’entraîner des cas graves mais aussi en terme potentiellement de pouvoir résister aux vaccins qui ont été développés. Parmi ces variants préoccupants l’OMS en a identifié 4. Ce sont les variants dits Alfa, Bêta, Delta et le variant brésilien. Alors il se trouve au Sénégal nous avons trois variants. Nous avons le variant Alfa, Bêta et Delta. En terme de fréquence, il faut dire que c’est le variant Alfa ex britannique qui a été le premier à être découvert au Sénégal. Les choses ont évolué et on a trouvé le Bêta. Pour ce variant, l’institut Pasteur n’en a trouvé que 3. Mais le variant Delta c’est le dernier qu’on a trouvé et sa découverte a coïncidé avec le début de la 3e vague. Les résultats que nous recevons ces derniers temps montrent que la majeure partie des cas confirmés c’est du Delta. C’est ce Delta qui est en train de circuler et qui est responsable de cet important taux de transmission au sein des communautés.

Quelle est la particularité de Delta qui attaque beaucoup les jeunes même sans comorbidité et qui les envoie en réanimation ?

Les chiffres montrent que les jeunes sont de plus en plus touchés par la maladie. Et c’est la particularité de cette 3e vague. Ces chiffres indiquent que 60% des cas que nous avons pendant la 3e vague sont âgés entre 15 et 45 ans. Aujourd’hui, on constate que malgré le fait qu’il y’a un nombre important de cas on n’est pas dans les mêmes proportions comparées à la vague 2. On a moins de décès. Qui est-ce qui l’explique ? C’est qu’on a probablement plus de jeunes qui sont touchés et les jeunes ont un système immunitaire beaucoup plus solide et généralement les jeunes guérissent de la maladie. La deuxième explication c’est malgré qu’on n’ait pas beaucoup vacciné dans le pays mais on a quand même fait l’effort pour que les sujets âgés et les sujets avec des comorbidités soient des cibles prioritaires visées par la vaccination.
La prise en charge des malades pose problème.

On a beaucoup épilogué récemment sur les manques d’oxygène, de lits, etc. Qui est-ce qu’il en est réellement ?

Vous savez en temps normal il y’a un équilibre qui se crée pour la demande de soin et l’offre de soin courant. Quand on est dans une crise sanitaire, il y’a une situation sanitaire exceptionnelle qui se crée. Et cette nouvelle situation entraîne une demande accrue d’offre de soin. Il s’ajoute à la demande de soin courant qui était déjà là et qui va déséquilibrer un peu le système. Donc le système a besoin de s’adapter. Le système a besoin d’être repensé pour pouvoir augmenter son offre de soin. Je peux vous assurer que le ministère de la santé est en plein dans cela. Aujourd’hui nous sommes en train de travailler à augmenter les capacités litières aussi bien en lit simple qu’en lit avec oxygène, qu’en lit de réanimation. Aujourd’hui nous avons plus de lits avec oxygène que de lits simples. Pour vous dire tous les efforts que l’Etat et le ministère de la santé sont en train de faire pour arriver à pouvoir absorber cette forte demande. C’est vrai ça pose une tension mais le système de santé essaye de réagir même si ce n’est pas très facile.

On parle aussi de plus en plus d’absence de signes chez les gens qui sont affectés par le Delta. Est-ce que cela n’entraîne pas des difficultés par rapport à la prise en charge précoce de certains cas?

Je pense que le tableau clinique en général est resté à peu près le même par rapport au premier. C’est un tableau qui évoque la grippe. Dans la première phase, on savait qu’une bonne partie de la population était asymptomatique. Il y’a que cette vague arrive sur un terrain où un certain nombre de la population a été vacciné. Il est possible qu’il y ait une interaction entre le virus et ce terrain un peu particulier où les personnes ont été vaccinés. Globalement les signes restent les mêmes. C’est de la fièvre, toux, une grande fatigue, perte d’odorat et autres. Si une personne ressent ces signes elle doit rapidement aller à l’hôpital pour se faire soigner ou être prise en charge rapidement.

On a vu des pays comme la Tunisie ont été beaucoup éprouvés dernièrement avec l’oxygène. Il n’y en avait plus dans le pays et la France et autres ont dû intervenir. Pour le cas du Sénégal qui est-ce qui a été prévu si une telle situation se présente ?

L’oxygène devient aujourd’hui un intrant majeur dans la prise en charge des patients Covid. C’est devenu le médicament essentiel mais il coûte cher. Aujourd’hui la demande en oxygène est très forte parce que les patients Covid demandent beaucoup d’oxygène dans le cadre de leur prise en charge. Donc, ceci constitue un lourd fardeau économique pour le système de santé. Pour autant, le ministère est en train de prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire face à cette demande accrue en oxygène. C’est la consommation annuelle en oxygène que nous sommes en train de consommer en trois mois au Sénégal. C’est plusieurs milliards que l’Etat est en train de dépenser pour essayer de compenser le gab en oxygène ou rendre autosuffisant l’ensemble de nos structures. Nous attendons une commande de 35 centrales d’oxygène qui arrivera cette semaine ou la semaine prochaine (…). L’acquisition de ces centrales nous permettra d’être beaucoup plus confortable par rapport à la demande d’oxygène croissante. Il est important que les populations fassent des efforts dans le sens du respect des mesures barrières. Il faut éviter les grands rassemblements. Ce qu’on vous dit c’est vraiment la réalité. Il ne faut pas badiner avec cette maladie parce que c’est une maladie très sérieuse. On doit tout faire pour inverser la tendance sinon, les semaines à venir risquent d’être difficiles.

On note beaucoup de cas de grippe dans les maisons. Est-ce que c’est la Covid ou la grippe ?

S’il n’y a pas de test mais c’est très difficile de dire que c’est Corona. Cette période même en dehors de Covid c’est une période de palu avec l’hivernage. L’épidémie de grippe flambe parce que les gens ont tendance à s’enfermer dans des endroits clos et à mettre la climatisation. C’est des zones non aérées. Il y’a peut-être un mixte entre la grippe et la Covid. Mais comme on ne sait pas, les personnes qui ont des signes doivent aller se faire consulter. Il ne faut pas négliger la Covid et la bonne attitude c’est d’aller dans une structure sanitaire. Nous sommes en train de réfléchir pour que les tests soient accessibles. On va vers les tests de diagnostic rapide (Tdr).

Pensez-vous qu’on ira encore vers des mesures beaucoup plus restrictives ?

C’est difficile pour les décideurs de ce pays de prendre une décision. Ils doivent faire un jeu d’équilibre pour savoir où mettre le curseur. La santé publique est nécessaire mais en même temps l’activité économique doit continuer. Si on met le curseur trop sur la santé publique effectivement l’activité économique va souffrir et les populations aussi et au risque de connaître la situation que nous avons connu dans le passé (…). Ce qui arrange l’autorité c’est la continuité de l’activité économique. Mais pour faire ça, il faut que les populations s’approprient les mesures de santé publique. Elles doivent respecter les mesures barrières. Si tel n’est pas le cas l’autorité gouvernementale sera obligée de réagir.

Cheikh Moussa SARR

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