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vendredi, avril 19, 2024
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Penser l’après Covid…

par admin

Paradoxalement, et contre toutes les attentes morbides des médias aux aguets, la pandémie du Covid 19 révèle au grand jour les énormes potentiels dont l’Afrique dispose. Et d’abord la jeunesse insolente de ses populations ! Il s’y ajoute une capacité surprenante d’initiatives et d’innovations à tous les niveaux, juste avec les moyens du bord. On note également une réactivité populaire qui dépasse,  largement, la capacité d’inspiration des dirigeants africains « old fashion » qui ne savent qu’exécuter les programmes de « développement » conçus et définis ailleurs… Et encore ! La jeunesse africaine quant à elle trépigne, invente, inonde les réseaux sociaux de perspectives et dessine les contours de lendemains meilleurs. Au lieu de stimuler ces élans et de les organiser en courants socio-économiques structurants, les gouvernants africains auront souvent tendance à brider ces énergies pour rester dans le convenu, le déjà vu. Conséquence, les plus créatifs du continent finiront par se déporter à l’international pour faire tourner la machine de la mondialisation. Cette machination qui a mis l’Afrique en jachère depuis si longtemps. 

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Si je ne m’en tiens qu’au secteur artisanal du Sénégal,  les centaines de milliers de tailleurs auraient pu profiter d’une commande publique de masques,  de blouses aux normes à condition que la matière première fût disponible sur place. Combien de petits menuisiers métalliques ont fabriqué, dans l’urgence, des installations de lavage de mains qui devraient survivre au Covid 19 et devenir obligatoires dans tous les lieux publics ? La Délégation à l’entreprenariat rapide (DER) aurait dû se précipiter pour consolider ces initiatives en injectant des fonds d’amorce ou de consolidation de petites et moyennes entreprises.  Comment ne pas penser à créer des synergies entre nos artisans, si habiles, et nos écoles et universités technologiques pour répondre à des tas de problématiques de proximité écologiques, médicales, environnementales et à forte intensité de main d’œuvre ?  Nos étudiants ont créé des prototypes de respirateurs, entre autres,  qui gagneraient à faire l’objet d’investissements conséquents.  Sans parler des nouvelles applications pour simplifier la vie en mode confinement, des messages de sensibilisation et autres supports de communication qui inondent le Web tous les jours. Sans compter les stratégies de reconversion d’activités antérieures freinées par le Covid19. Chacun se débat et chacun s’en sort. Plus ou moins.

Avec la force de diffusion des réseaux sociaux, nous avons pu voir que,  du Nord au sud et d’est en Ouest, l’Afrique a cherché et trouvé des solutions à  portée de main. A l’instar du Maroc qui a stimulé la créativité de ses chercheurs et produit des solutions endogènes pour répondre à la pandémie.  Mais, et comme d’habitude, sur fond d’un mépris culturel et d’une condescendance de plus en plus taillés en pièces par la dure réalité,  les pays « puissants » et notamment notre « amie la France » vont chercher des explications alambiquées au fait que nous ne soyons pas encore morts par centaines de milliers… Cela ira du climat non favorable au Covid19 (Dieu merci !) à la phrase malicieuse et malveillante : « patience… ça arrive.. » Sinon un silence gêné, qui en dit long sur la déception de votre interlocuteur, viendra compléter le tableau. Certains iraient même jusqu’à reprocher au Professeur Raoult d’être né à Dakar ! 

Ne nous laissons plus distraire. Cette pandémie doit signer un moment de rupture totale avec un ordre ancien devenu anachronique et, à bien des égards, insultant. Il ne reste guère plus que certains dirigeants africains,  et quelques « intellectuels » ou plutôt des intellocrates qui doivent tout à l’Occident, pour se complaire dans l’ordre actuel des choses. L’Afrique a le droit d’avoir l’ambition de devenir un Continent prospère où vivent, dans la dignité et le bien-être, des populations libres et épanouies.  Il appartient à  ceux qui ont la responsabilité de diriger nos pays de voir grand et de se mettre au travail. Lorsque l’on dispose de 60% des terres arables du Monde, de ressources naturelles et minières de toutes sortes, lorsque l’âge moyen de la majorité de la population tourne autour de 20 ans, lorsque l’on a un climat à bien des égards avantageux dans plusieurs régions, il ne reste que les compétences pour faire la différence ! Ayons le courage de mettre les meilleurs d’entre nous aux commandes de leurs secteurs de prédilection, sans autre cahier de charges que celui de livrer des résultats  palpables au profit des populations. 

En un mot comme en mille, nous savons désormais qu’il ne faut surtout plus singer les « puissances et superpuissances.  » Nous regardons les mêmes journaux télévisés et lisons les mêmes journaux. Nous suivons en temps réels les débats de niveau plus que moyen dans lesquels pataugent leurs dirigeants. Nous avons observé les tâtonnements,  les errances, les mensonges et les approximations de certains de leurs responsables de haut niveau : et les mythes ont fondu. Comme beurre au soleil ! Alors, évidemment que des scénarios sont en cours de préparation pour une rentrée hollywoodienne,  d’après confinement, d’élites passablement surmenées. Mais le charme est définitivement rompu. Il s’agit pour l’Afrique d’en tirer les conclusions et de faire demi-tour ! Aller vers de nouveaux horizons ! Nous ne sommes pas obligés de confondre développement et occidentalisation. Nous pouvons inventer un modèle de bien-être plus conforme à la nature humaine. Plus respectueux de la nature tout court.

Au demeurant il s’est avéré,  au cours de cette pandémie, que le développement de la recherche et la valorisation de notre pharmacopée est une priorité de santé publique. Le Président malgache a envoyé  un signal fort à cet égard. Il va falloir définir une politique hardie dans ce sens. Que les universitaires et praticiens de l’école occidentale aillent au devant de nos tradripratriciens,  avec l’humilité que requiert la quête du Savoir. Et «  que cent fleurs s’épanouissent, que mille écoles rivalisent  » comme le disait Mao Zedong. D’autant plus que la récession économique mondiale, prévue par les spécialistes, va nous obliger à produire de quoi nous nourrir et nous soigner. Une opportunité à saisir pour créer des chaînes de valeur agro-industrielles et pharmaceutiques tournées vers la satisfaction de nos besoins et ceux de nos voisins immédiats. La récession, si elle survient, touchera davantage les pays les plus riches : ils chutent de plus haut ! Les pertes d’emplois et les impacts sociaux seront sans commune mesure avec ce qui pourrait se passer chez nous. Mais il va falloir se préparer aux dégâts collatéraux sur nos familles dont plusieurs dépendent des subsides de la diaspora. Une grande politique de relance économique devra donc intégrer une politique d’aide au retour, dans la dignité, de plusieurs de nos compatriotes dont l’expérience et le savoir-faire pourraient encore profiter au pays. C’est, en fait, autour d’une Nouvelle Ambition Nationale et Panafricaniste (NAMP) qu’il faut rassembler toutes nos forces. C’est une question de vie ou de mort !

Et toujours cette lancinante question de la gestion des ressources de la nation qui doit être exemplaire. La définition des priorités doit être irréprochable et  chercher l’efficacité et l’efficience au lieu du spectaculaire à visées électoralistes de proximité. A l’ère des transferts rapides d’argent, des gains de temps et des économies substantielles auraient pu être opérés sur la logistique de la distribution des vivres de secours, initialement destinés à couvrir la période du couvre-feu. La République sœur de Cote d’ivoire en fait l’expérience. Sinon et au rythme où ça va, certains risquent de recevoir leurs provisions après le départ de Covid19 ! Tel n’était pas le but !

Alors oui ! Durant cette épreuve difficile, douloureuse pour les familles endeuillées par la perte d’un être cher, il y’a des lueurs d’espoirs… Et d’abord du côté de notre corps médical qui force le respect ! Avec des bouts de ficelles, ils font preuve de savoir-faire et de sang-froid. En dépit des vents contraires, ils tiennent bon. Le temps de les honorer viendra. Non pas en cérémonies protocolaires ou en discours lénifiants, mais surtout en investissements massifs pour le relèvement significatif du plateau technique des hôpitaux et centres de santé de notre pays.  En plus, les conditions de travail de nos personnels de santé et d’éducation devront faire l’objet de réformes profondes dans le sens d’une revalorisation conséquente. Les priorités de la Nation doivent changer ! La clientèle politicienne ne doit plus pomper les ressources nationales au détriment de ceux qui triment pour la collectivité ! Un appel à l’expertise de la diaspora n’aura de sens que dans ce sens : que de médecins, et surtout d’infirmiers, formés au Sénégal servent en France ! Quel gâchis,  quelle perte.

Soulignons au passage qu’une des leçons à tirer pour l’après Covid, c’est l’impérieuse nécessité de diminuer le nombre de missions ministérielles et de hauts fonctionnaires à l’étranger. Elles sont si coûteuses ! Dans bien des cas, les visioconférences pourraient suffire et l’Ambassadeur du Sénégal dans un  pays donné d’assurer la présence physique du Sénégal et de parapher les documents officiels s’il en est. Des milliards pourraient ainsi être réaffectés  à d’autres priorités. 

Il en est de même pour le secteur de l’enseignement supérieur qui gagnerait à développer les cours en ligne tant entre les universités sénégalaises que dans le sens d’une coopération interafricaine ou internationale. Des pistes passionnantes de solution sont à portée de mains. Covid19 les aura mises en évidence.  En vérité, des ruptures significatives sont possibles dans plusieurs domaines. Rien ne doit plus devenir comme avant !

Je suis et reste un afro-optimiste ! Résolument.  Conscient cependant que rien ne nous sera donné.  Tout se conquiert et, bien des fois, s’arrache. Il nous faut sortir du ronron de nos dirigeants qui caressent toujours dans le sens du poil, des leaders mondiaux qui ne les respectent même pas. A contrario, je sais que la jeunesse africaine, et plus particulièrement sénégalaise, a tourné la page. Aux aînés d’avoir le courage de sacrifier un peu de leur confort, fragile et factice actuel,  pour faire bouger les lignes. Il nous faut éviter les pièges de la division de nos forces par… genres. Une des dernières trouvailles des Think tank occidentaux pour nous enliser dans des problématiques étranges et étrangères. Toutes les questions qui relèvent  d’un agenda qui n’est pas à l’ordre du jour chez nous, mais que des ONG lourdement financées, viennent dérouler sur notre sol, méritent un débat contradictoire de fond. Ce sont juste des déviations pour épuiser nos forces vives en querelles byzantines ! Nous valons mieux !

A ce prix, il se peut bien que ce soit du Sénégal, pays de Cheikh Anta Diop,  que jaillira le cri de ralliement pour l’avènement du temps de réinventer « un destin pour l’Afrique ». (En guise de clin d’œil affectueux au Président Wade…)

« Oser lutter, oser vaincre… » disait le père de la Révolution chinoise Mao Zedong. On a vu le résultat. A nous de jouer.

 

Amadou Tidiane WONE

woneamadoutidiane@gmail.com

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