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jeudi, avril 18, 2024
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Bande à Tidiane Thiam:Objection,Monsieur Ramaphosa !

par admin

« Il faut passer à une relation intra-africaine assise sur plus de transparence, de diversification et de…contradictions afin que la marche africaine cesse d’être sous l’éclairage ténébreux des chambres de deals ».
C’est une fausse belle idée que celle qui a amené le Président Sud-africain, Cyril Ramaphosa, à désigner un quatuor de représentants, dirigés par le financier Ivoiro- français, Tidiane Thiam, pour qu’ils négocient au nom de l’Afrique avec les partenaires et créanciers du continent. Qu’il l’ait fait en sa qualité de Président en exercice de l’Union Africaine, l’instance continentale, a, par ailleurs, semblé avoir mis le sceau d’un consensus sur une décision dont l’éclat pouvait aisément frapper les imaginations en raison du pedigree respectable, impressionnant, des quatre mousquetaires qu’il a retenus. Qui n’est pas séduit au premier coup d’œil en regardant leur parcours intellectuel et professionnel et la résonance de leurs noms à l’intérieur et au-delà des frontières africaines?
Gratter le vernis
Il importe cependant de rapidement gratter le vernis, de transcender leurs états de services tels que déclinés dans leurs cv respectifs. Ce faisant, l’on se rend compte qu’il y a des raisons fortes de nourrir des réserves voire de critiquer la formation de ce qu’on peut, péjorativement, qualifier de bande des quatre.
Certes, elle n’est pas aussi politique et prosélyte que le fut la bande éponyme, laquelle se rattache au nom de la veuve du président fondateur de la Chine communiste, Mao, et qui dans les années 1970 sema la terreur dans l’Empire du milieu. Son démantèlement à la mort du Grand Timonier, en septembre 1976, fut le préalable au déploiement des réformes économiques et à l’ouverture qui permirent à la Chine d’enclencher son décollage pour devenir la puissance que nous savons maintenant. La légende de la bande des quatre n’en n’est pas moins restée dans l’histoire en ce qu’elle définit depuis lors les manœuvres d’acolytes pour imposer leurs agendas uniques ou différenciés sur quelque communauté.
Tel semble être le cas avec ce que, faute de mieux, il faut donc baptiser comme la Bande des quatre, celle de Thiam. En les nommant, le Président Sud-africain a péché par excès de vitesse et ignorance de la vraie réalité qui se cache sous les ors de sa dream-team. Ce n’est pas surprenant. Ramaphosa n’est pas le premier dirigeant de son pays à révéler sa méconnaissance des hommes et de la géographie, pour ne pas dire du logiciel historio-culturel du reste du continent. Même Mandela, mais aussi

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Mbeki et Zuma, ses prédécesseurs, avaient eu de la peine à trouver leurs marques avec les autres africains. Si bien que leur leadership ne fut jamais massivement accepté, s’il n’était pas contesté.
Dans un contexte où l’économie sud-africaine bat de l’aile, comme l’attestent les notations négatives que lui infligent les agences souveraines, il était encore plus hasardeux pour Ramaphosa, l’ancien syndicaliste enrichi par la politique de promotion des noirs dans son pays, de tenter, en silo, de se poser comme un deus ex-machina, maître à penser, de ce que l’Afrique doit faire, et par qui, pour répondre aux nouveaux défis qui l’affrontent, ceux liés à la pandémie du coronavirus n’en étant que les plus récents. La première erreur de Ramaphosa est d’avoir agi unilatéralement même s’il peut exciper d’avoir eu l’éclairage du chef de la commission de l’union africaine, le Tchadien Faki-Moussa. Ce conseil, mauvais, car venant d’un homme habitué à la décision verticale et autoritaire, n’a, dès lors, pas dû gommer les aspérités négatives portées par les personnes sur qui le choix de parler au nom de l’Afrique se faisait loin du débat démocratique et de la consultation en amont qui les auraient exposées.

Plutôt qu’une discussion sur l’idée, ce fut donc, à l’ancienne, une information qui fut balancée aux actionnaires, les populations africaines, d’une organisation financée sur leurs propres taxes. En d’autres temps, l’accueil aurait été un acte d’approbation, de soumission, sans réserves à la décision. Seulement, les temps ont changé et, capacités par ce que j’appelle la techtonique des plaques numériques, alliage de fluidité et de technocratie au service d’une information diversifiée et universelle, rétive aux ordres, le choix des quatre personnes, ne peut passer comme lettre à la poste. Son péché originel est d’avoir été fait sans respecter une procédure transparente ni sur des termes de références basés sur des livrables. Il était voué à être contesté, en le passant au tamis d’une analyse plus en profondeur.

Questions lourdes

Avec pour commencer une série de questions lourdes. Pourquoi d’abord ces personnes ? Qui n’est pas en droit, en les listant, de relever leurs graves limites? Qui, notamment, ne garde encore en mémoire la récente démission, presque forcée, de Thiam de la direction de la banque Crédit Suisse où ses espionnages avaient fini par en faire un pestiféré ? Dans son rôle antérieur à la compagnie d’assurances Prudential à Londres, ne fut-il pas aussi l’objet de critiques acerbes sur ses méthodes de gestion ? On ne peut non plus ignorer son arrogance, teintée de timidité, qui le fait agir instinctivement en s’appuyant sur ses facultés intrinsèques quitte à ne pas apparaître en team-player? Est-il vraiment un bon porte-parole pour un continent qui doit autant convaincre que rassurer ses partenaires? Le fait de lui donner un mandat aussi visible en ignorant ses casseroles qui tintent sur ses pas était en lui-même donc une erreur de goût et de calcul.
Qu’on ne vienne pas me dire qu’il s’agissait, ce faisant, dans un geste infantile, de le venger face à ses tombeurs Helvétiques. Il se peut cependant que sa désignation pour conduire la délégation des négociateurs sur un mandat quasiment non-défini, ni sur le fond ni sur la durée, était destinée à bloquer celle d’une autre figure, plus clivante, de la bande des quatre: Madame Ngozi Okonjo-Iweala, l’ancienne ministre des finances du Nigeria et numéro deux de la Banque mondiale. Le hic, c’est que cette dame, la seule du lot, traîne les suspicions de corruption, à tort ou à raison, associées à son nom et à son service au sein de l’administration honnie de l’ex- President nigérian, Goodluck Jonathan. En sa qualité de présidente du collectif des

conseillers économiques du président Sud-africain, on peut croire qu’elle a pu peser dans la composition du groupe réuni derrière Thiam. A-t-elle pesé sur les choix pour qu’ils ne rassemblent que ses amis ? C’est regrettable. Le grand problème est que Thiam et elle sont dans divers conseils d’administration et qu’ils donnent l’air à la fois d’être trop gourmands en plus de vouloir constituer un club de copains qui captent les rôles et forment un cercle restreint d’amis qui veulent se poser en incontournables et irremplaçables voix du continent.

Cette position monopolistique s’inscrit en faux contre la culture du mérite et de la compétition ouverte voulue partout à travers le continent pour lui substituer celle d’un copinage indécent… On ne peut accepter cela. Surtout que leur loyauté envers l’Afrique n’est pas exempte de toute suspicion. Prenez le cas de Madame Okonjo- Iweala. Ne court elle pas le risque de jeter le continent dans les bras de la banque d’affaires Lazard qu’elle conseille et dont le rêve pourrait être de s’interposer comme son conseil dans la négociation pour l’annulation ou le rééchelonnement de la dette africaine ? Le conflit d’intérêt s’étend à perte de vue dans cette bande de quatre et n’épargne pas non plus ses deux autres membres. Nul ne doute ainsi que l’ancien ministre des Finances de l’Afrique du Sud, Trevor Manuel, le troisième mousquetaire, souffre de cette tare. Même si personne ne remet en cause ses impeccables états de services pour son pays, il ne peut toutefois pas échapper au procès d’une loyauté divisée. Et pour cause: sa firme privée, en Afrique du Sud, n’hésitera pas à tirer profit de la nouvelle casquette continentale de son patron. Qui va l’empêcher de renouveler dans le processus son carnet d’adresses en jouant la carte d’une action bienveillante pour l’Afrique qui lui rapporterait gros?

Enfin, en désignant comme dernier membre de ce groupe des quatre l’ancien président de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuka, le président Sud-africain a péché par paresse intellectuelle. Il n’a pas cherché loin. Peut-être que là aussi le nom a dû lui être soufflé par la dame, un tantinet intrigante, pouvoiriste, qui lorgnait encore récemment le fauteuil de président de la Banque mondiale. En cooptant Kaberuka, c’est comme si le pool des talents africains se limitait aux coupables habituels. Comme si la démocratisation exigée par les peuples africains se cognait toujours sur un mur invisible de copains et coquins se faisant la courte échelle et brisant les voies de l’ascension sociale, fermant les autres voix possibles, écartant comme d’un droit divin les autres, fort nombreux, talents, plus diversifiés, que ne le donne à penser le recours ad nauseam aux mêmes têtes, peu importe qu’elles n’aient pas réussi grand’chose pour l’Afrique.
Certes, ses soutiens pourront dire de Kaberuka qu’il a participé à la relance de la Bad, mais so what ? Il était payé pour ! N’était il pas, au surplus, à la tête d’une banque qui est assise sur des capacités humaines et financières de premier ordre? Et puis, lui aussi n’est pas exempt de critiques pour être l’allié en affaires du plus que froid ancien premier ministre du Bénin, le banquier d’affaires Lionel Zinsou, qui s’est distingué pour avoir, dans son autre nationalité française, aidé la France à se doter d’une stratégie de pérennisation de son pouvoir en Afrique. Il serait bon de savoir que Thiam y était l’un de ses comparses…
Entreprise de recyclage
La réalité, c’est que nulle part ailleurs au monde a-t-on vu des personnes sélectionnées en privé se retrouver à assumer la parole de tout un continent. C’est un cachet africain, discriminant en diable, que ce phénomène amplifie. On avait déjà observé une démarche aussi cavalière dans la désignation des envoyés spéciaux de

l’Organisation des nations-unies (ONU) et de l’Union Africaine pour les représenter sur divers théâtres d’opération conflictogénes. Cette entreprise de recyclage des copains ne doit cependant pas être autorisée à s’étendre à la sphère financière car nous sommes ici en présence d’une question de gros sous et de risques plus marqués de perte de souveraineté pour les pays africains. Le débat doit donc avoir lieu et les décisions unilatérales cesser. Car, pour ne prendre que ce cas de figure, cette bande de quatre est loin d’être représentative des vues qu’il faut apporter pour une projection juste de ce que l’Afrique veut être ou dire à ses partenaires politiques, financiers ou sécuritaires… Au nom de quoi en sont exclus les spécialistes de la santé, du branding continental, de la politique, de la jeunesse, pour ne citer que ces groupes sans être exclusifs?

Que tous le sachent: le temps des décisions prises in-petto et imposées à la plèbe, réduite en sujets, ravalés en applaudisseurs, est révolu. Et, entre parenthèses, parce que nous ne validons pas la démarche dégradante pour annuler une dette africaine dont le stock a été reconduit par des dirigeants plus soucieux de faire passer des projets corruptogènes, à leurs profits, on notera le peu d’enthousiasme qui a accueilli la formation de cette bande des quatre. Surtout qu’une annulation de la dette sur la base d’arguments larmoyants reviendrait comme un boomerang par l’éviction du continent des marchés de capitaux et sa dégradation en zone inférieure. Qui voudrait encore lui prêter, faire avec ses pays? S’y installeraient ses bienfaiteurs, ravis d’en prendre les leviers de commande sur ses immenses richesses, contre un effacement de la dette africaine évaluée à 365 milliards de dollars, une somme dérisoire comparée à l’endettement d’autres régions du monde ! Nous sommes revenus de notre complexe des name-droppings: le projet continental se fera avec et non pour les africains. Une leçon encore présente dans les têtes aurait même dû pousser les membres de cette bande des quatre à faire montre de plus de retenue et d’humilité. En 2005, alors qu’il était brocardé pour son engagement belliciste et meurtrier dans la deuxième guerre du Golfe, l’alors premier ministre Britannique, Tony Blair, avait mis sur pied une commission pour l’Afrique. Thiam, pas seulement lui, était l’un de ses membres. J’avais critiqué, et aidé à sa mort, ce projet comme étant un suicide assisté pour le continent et son infantilisation pour assouvir les rêves de rédemption, de redressement de son image ternie, qu’y recherchait Blair. J’avais affirmé alors, et je le maintiens aujourd’hui, que ce dont l’Afrique a besoin, en cette ère de pandémie propice à une réflexion critique, c’est un ajustement structurel politique afin de remettre à l’heure les pendules concernant sa gouvernance économique et démocratique au lieu de recommencer, cap en main, à l’enfoncer dans un statut d’éternelle mendiante, de continent malade du monde. L’évidence saute ainsi à l’œil: pour ma part, cette bande des quatre constituée par Ramaphosa et Moussa-Faki, en n’en faisant qu’à leurs têtes, ne parle pas en mon nom. Je suis même sûr de partager cette position avec tant d’autres voix qui se taisent en suivant les micmacs autour de la reconduction des vieilles lunes ayant été si préjudiciables au continent. Il faut passer à une relation intra-africaine assise sur plus de transparence, de diversification et de…contradictions afin que la marche africaine cesse d’être sous l’éclairage ténébreux des chambres de deals.

*Adama Gayeancien Directeur de l’information de la Cedeao, Directeur de la Communication d’Ecobank, est auteur de “Demain, la nouvelle Afrique” et du récent ouvrage, “Otage d’un État” (Harmattan), qui retrace son expérience en prison où il a été détenu pendant 53 jours par l’Etat du Sénégal en raison de ses écrits. Adama

Gaye vit aujourd’hui en exil au Caire.

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