Accueil ActualitésSociété Mbayang Camara, la femme qui a hué Macky à Londres : «Je ne regrette rien»

Mbayang Camara, la femme qui a hué Macky à Londres : «Je ne regrette rien»

par admin

La scène a fait le tour du globe. Mbayang Camara, debout à l’arrière de la salle où se tient la rencontre entre le Président Sall et les Sénégalais d’Angleterre, ce dimanche 19 janvier 2020, interrompt le chef de l’Etat en réclamant à tue-tête la libération de Guy Marius Sagna. Pris au dépourvu, Macky Sall en perd presque la voix. Au Sénégal, la jeune dame est élevée au rang de héroïne. Mais pour cette Sénégalaise droite dans ses bottes, il n’y a rien d’exceptionnel dans son acte. Mbayang Camara, qui n’a même pas voulu livrer sa photo à L’Observateur, est revenue en long sur cette «opération savamment orchestrée» par le mouvement Aar Li Ñu Bokk/Angleterre.

Comment vous est venue l’idée d’infiltrer la rencontre entre le Président Sall et les Sénégalais d’Angleterre à laquelle vous n’aviez pas été invitée, mais que vous avez marquée par votre intervention-surprise demandant au chef de l’Etat de libérer Guy Marius Sagna ? 

Je fais partie du mouvement «Aar Li Ñu Bokk». Quand on a entendu que le Président devait venir à Londres et recevoir les Sénégalais, l’Ambassade nous avait informé que les mouvements, les associations, les dahiras et autres allaient être invités. A la dernière minute, la personne qui s’en occupait nous a dit qu’elle n’avait plus en charge l’organisation, qu’on lui avait retiré le dossier et qu’elle ne faisait plus partie de la programmation. On nous a appris que Farba Ngom et Mame Mbaye Niang en étaient chargés. C’était le samedi et nous n’avions toujours pas eu d’informations fiables sur notre participation. Nous avons essayé de savoir si nous étions toujours invités, en vain. Nous n’avons eu aucune réponse. Nous avons cherché où devait se tenir la réunion et c’était le big black-out (le noir total).

Personne ne savait ce qui se passait. Nous continuions  à essayer de trouver des informations et nous avons trouvé qu’ils avaient affrété des bus à l’intérieur du pays pour amener des gens à Londres. Nous ne savions toujours pas ce qui allait se passer. Ni l’heure ni l’endroit de la réunion. Heureusement des gens qui étaient avec eux nous ont envoyé l’adresse de la rencontre. Quand nous sommes arrivés, nous avons vu qu’il n’y avait presque qu’une seule communauté dans la salle.

Des gens qu’ils ont fait venir d’un peu partout vers Angleterre, alors que nous qui étions sur place, ne pouvions même pas avoir accès à la salle. On ne nous a pas invités. C’est une injustice parce que le Président n’était pas venu en visite politique, mais business visite. Il est venu au sommet Royaume-Uni/Afrique pour l’investissement 2020, il en a profité pour rencontrer des Sénégalais du Royaume Uni.

Le Président Abdou Diouf est venu à l’époque à Londres, il a rencontré les Sénégalais et on n’a exclu personne. Ni les partis politiques ni les mouvements. Abdoulaye Wade était venu et il n’y a pas eu d’exclusion. Pourquoi Macky Sall doit venir en Angleterre et qu’on fasse exclure des gens de la rencontre ? Nous sommes des Sénégalais comme tous les autres. La seule option qui nous restait, c’était de trouver un moyen d’accéder à la salle. J’ai réussi à le faire.

Comment ? 

Je suis passée par la porte. Ils sont venus me dire qu’ils ont des informations et que j’étais là pour perturber la rencontre. Je leur ai dit : «Je suis sénégalaise et j’ai le droit d’assister à la rencontre.» Qu’est-ce qui donne le droit au frère de la nouvelle ambassadrice de s’occuper de la visite ou de l’organisation de la rencontre du Président avec les Sénégalais du Royaume Uni ? Qu’est-ce qui lui confère ce droit ? Il n’est pas diplomate ni conseiller, encore moins ministre.

Je n’étais pas la seule dans la salle. C’était une stratégie que nous avions mise en place au sein de Aar Li Ñu Bokk. J’étais avec deux autres hommes et deux autres femmes. Il s’est trouvé que j’étais la première à parler. Ce n’est rien d’exceptionnel. C’est quelque chose qui se passe régulièrement dans ce pays. C’est une forme de protestation, l’occasion m’était présentée de poser ou de soulever ce que je sais intéresser des millions de Sénégalais qui en discutent dans les salons, les bureaux, les rues, mais n’ont pas, je ne dirais pas le courage de dire, parce qu’on leur a infligé la peur, eu égard à la violence exercée sur eux. C’est dommage pour un pays démocratique.

Par deux fois, vous avez été, selon des témoins, vidée de la salle. Comment avez-vous fait pour tromper la vigilance des agents de sécurité ?

IIs ne sont juste pas compétents. C’est aussi simple que ça. Ils étaient tellement mal organisés et je n’allais pas laisser un frère de l’ambassadrice qui n’a aucun rôle, aucune responsabilité à ce que je sache, m’interdire d’accéder à une salle où le Président rencontre des Sénégalais. Farba Ngom doit avoir honte de lui. Un député qui ose venir me sortir de la salle parce que je ne suis pas de l’Apr. Mais comme ils sont tellement mal organisés, j’en ai profité pour tromper leur vigilance.

Vous n’avez pas eu peur ? 

Je n’ai ressenti aucune peur parce que je n’étais pas là-bas ni pour insulter ni pour faire mal. J’étais là-bas pour faire passer un message. J’avais une opportunité que j’ai exploitée. Les autres, même s’ils ont cette opportunité, ont peur. Il y a une tyrannie qui est exercée par ce pouvoir-là.

Qu’est-ce qui s’est passé après votre évacuation de la salle ?

Ils m’ont sortie manu militari. Ils m’ont un peu malmenée, m’ont fait descendre les escaliers par trois et jetée à la rue.

Ils étaient combien ?

Déjà je suis petite et ils étaient plusieurs sur moi.

Ils vous ont battue ?

Non ! Ils n’osent pas. Nous sommes en Angleterre, ils n’osent pas tabasser des gens dans ce pays. Il faudrait aussi au Sénégal qu’on arrête à chaque fois qu’une scène de ce genre se passe, de dire qu’on l’a tabassé, on l’a frappé. On est en train de légaliser et d’encourager la violence. Ils vont se dire que quelqu’un qui dit ce que le Président n’aime pas entendre, il faut le tabasser, il faut le corriger. Ce n’est pas normal. Il faut qu’on arrête ce discours, on est en démocratie.

Avez-vous été évacuée à l’hôpital ?

Non. C’est un autre membre de Aar Li Ñu Bokk qui a été évacué à l’hôpital.

Vous avez porté plainte ? 

C’est l’autre membre qui a porté plainte parce qu’il a reçu un coup au visage, à l’œil.

Il s’appelle comment ?

Je ne peux pas donner son nom parce qu’il y a la protection des données personnelles.

Pourquoi vous n’avez pas porté plainte ?

Je n’ai pas eu de blessures, même s’ils ne devaient pas me sortir de la salle de cette manière. Ils n’auraient pas dû mettre la main sur moi. Ils auraient pu me demander gentiment de sortir de la salle.

Vous avez vu la réaction du Président Macky Sall…

C’est après que j’ai regardé la vidéo, parce que tout ce qui m’intéressait, c’était de faire passer mon message. J’étais prête parce que je savais qu’ils allaient me faire sortir de la salle. J’avais déjà mon manteau, mon téléphone bien dans mon sac. Quand je me suis levée, je savais qu’ils allaient me sortir de la salle.

Pensez-vous que votre acte provoquerait un tel tollé ? 

Non du tout. Mais je comprends maintenant pourquoi ça a provoqué ce tollé. Si on arrête des gens pour des distributions de flyers, j’imagine  que pour eux, ce que j’ai fait est un acte de bravoure, un acte courageux. Je vis dans un pays de démocratie où le droit de protester est ancré dans les valeurs de tous les jours.

C’était la première fois que vous aviez le Président Sall en face de vous ?

Oui ! C’est pourquoi, je ne pouvais pas rater cette occasion.

Vous n’avez pas de regrets ? 

Non, pas du tout. Je ne regrette rien. Si c’était à refaire, je l’aurais refait pour la seule et simple raison que des gens pensent comme moi, mais ils n’ont pas l’occasion de dire ce que j’ai dit.

Vous n’avez pas peur d’être traquée une fois au Sénégal ?

Je n’ai rien fait. Je ne peux pas être arrêtée. Ce n’était pas une réunion privée ni une réunion de l’Apr. C’était une réunion entre le Président et les Sénégalais de l’extérieur. Ils ont eu tort de ne pas nous inviter. Il ne devrait pas y avoir de sélection. J’ai un casier judiciaire vierge, alors pourquoi on ne m’a pas invitée ? 

Vous ne craignez pas des représailles ? 

Non, pas à Londres en tout cas. Je n’ai pas attaqué le Président, je faisais passer un message. Il faut qu’on fasse la différence avec une attaque personnelle. Je le fais pour mon pays, pour les générations à venir.

Vous allez continuer le combat ?

Oui.

Quand vous avez vu votre vidéo sur les réseaux sociaux, qu’est-ce que vous avez ressenti ?

Rien de spécial parce que mon objectif était que le message passe. Ce n’est pas une affaire individuelle ou une affaire de personne.

Vous êtes membre du Pasteef, en aviez-vous parlé à votre leader, Ousmane Sonko ? 

Non. Je suis partie en tant que membre de Aar li ñu bokk et non pour le Pasteef.

Est-ce qu’il vous a appelée après l’incident ?

Non, mais des gens de la direction de notre parti m’ont appelée et le Président Sonko a essayé de s’enquérir de mon état de santé.

Vous militez au Pasteef depuis quand ? 

Depuis 2018.

Vous avez toujours appartenu au parti de Sonko ?

Oui, c’est la première fois que j’adhère à un parti politique.

Vous vivez à Londres depuis combien d’années ?

Depuis très longtemps.

CODOU BADIANE

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