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Stratégie communicationnelle ou lâcheté politique?

par admin
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Depuis la fin de l’élection présidentielle de février 2019, Idrissa Seck, candidat malheureux classé deuxième après Macky Sall, semble avoir perdu la voix. Depuis que la commission nationale de recensement des votes a proclamé les résultats, confirmée en cela par le Conseil constitutionnel, le leader de Rewmi a disparu du champ politique et médiatique. Un silence propice à toutes les spéculations…

Un silence-mystère

Son silence est devenu mystère. Dans la situation actuelle où le pouvoir a des difficultés pour faire face à une contestation sociale et politique larvée, « Idy » est curieusement aux abonnés absents. Quand le président de la République a supprimé le poste de Premier ministre, lequel est un maillon important dans la chaine d’un régime d’inspiration présidentielle, Idrissa Seck n’a pipé mot.

Le président Macky sall augmente le prix de l’électricité, le leader de Rewmi ne semble nullement être concerné par cette mesure qui pourtant touche tous les sénégalais. Des leaders sont montés au créneau pour flétrir cette mesure antipopulaire, des plateformes de refus comme Aar Li nu Bokk et Nio lank Nio bagn ont été portées sur les fonts baptismaux pour réclamer la transparence dans la gestion de nos ressources naturelles ou s’opposer à cette hausse, « Idy » continue de faire le mort. En juin 2019, quand le reportage de la BBC révélant que BP a accepté de payer près de dix milliards de dollars à Frank Timis en termes de royalties, avait fait les choux gras de la presse pendant plusieurs semaines, le leader de Rewmi n’avait pas daigné un seul instant donner son opinion sur cette affaire scandaleuse.

Sur l’opportunité du dialogue national qui vient de s’ouvrir, il ne s’est pas non plus prononcé même s’il a envoyé ses plénipotentiaires siéger à la commission du dialogue politique. Ce mutisme effarant et assourdissant du leader de Rewmi sur des sujets primordiaux d’intérêt national a fini par indisposer beaucoup de sénégalais qui voient en l’attitude d’Idrissa Seck une indifférence méprisante vis-à-vis de ses compatriotes et, plus particulièrement, de ses partisans. Certains vont jusqu’à déclarer que le leader de la coalition « Idy 2019 » est tellement remonté contre les sénégalais qui ont opté pour le programme Ligeyal Eleuk de Macky Sall le 24 février dernier qu’il a décidé de les laisser vivre les conséquences de leur choix électoral.

Toutefois, du côté de Rewmi, l’on bat en brèche une telle thèse. Ainsi, lors du séminaire de la jeunesse de la coalition «Idy 2019» tenu le 26 octobre dernier, le député Déthié Fall avait expliqué qu’« il y a des moments propices de communication et Idrissa Seck est un homme qui a occupé plusieurs stations politiques, ayant fait plus de 30 ans d’opposition, et connaissant les temps, événements et moments de communication. Par conséquent, il est quelqu’un d’achevé ». Le n°2 du Rewmi avait ajouté qu’« il n’est pas nécessaire de s’afficher tout le temps dans l’espace politique, car il faut juste savoir les moments importants ».

Selon Déthié Fall, Idrissa Seck est donc « présent et manifeste son expression par des méthodes qui lui sont propres ». Et lors du symposium des cadres de Rewmi du 17 janvier dernier, c’est-à-dire durant le mois en cours, le vice-président dudit parti a réitéré que « le président Idrissa Seck présentement au Sénégal reste très préoccupé par les difficultés de nos compatriotes parce qu’il disait, le 3 février 2019, que les prix allaient augmenter et cela est une réalité aujourd’hui ».

Seulement voilà, malgré les tentatives de ses lieutenants de le défendre, il est évident qu’une telle explication itérative — celle de Déthié Fall — ne résiste à la réalité des faits têtus. Rien ne justifie qu’Idrissa Seck déserte le champ politique pour se vautrer dans un mutisme qui laisse la porte ouverte à toutes sortes de supputations. Récemment, le journaliste Cheikh Yérim Seck a parlé de contacts entre Macky Sall et Idrissa Seck. Ce qui induit des soupçons de « deal » et de manœuvres souterraines entre ces deux leaders. Et ce qui a favorisé une telle « information » vraie ou fausse — elle a été démentie par les rewmistes mais de façon timorée —, c’est la désertion inexplicable par « Idy » de l’espace public.

La dimension politique d’Idrissa Seck ne lui permet pas de rester silencieux pendant que Rome brûle. Une telle attitude est synonyme d’une indifférence voire d’un mépris vindicatif vis-à-vis d’un peuple qui ne lui a pas accordé majoritairement ses suffrages. Il est vrai qu’Idrissa Seck est un habitué des longs silences. En 2015, il avait adopté la même attitude au point que l’infatigable Déthié Fall était déjà obligé de faire des sorties pour tenter de justifier le silence dans lequel s’était engoncé son mentor. Il est vrai que, comme il l’a soutenu récemment encore, il est des moments où se taire est plus stratégique qu’ouvrir la bouche. Mais devant les difficultés auxquelles sont confrontés nos compatriotes actuellement, tout silence peut être analysé comme de la lâcheté voire une abdication. Et cette option de non-communication devient, in fine, contreproductive pour Idrissa Seck car ses partisans et sympathisants eux-mêmes n’arrivent pas à comprendre qu’il observe l’omerta dans la situation actuelle.

« En taisant le crime, on en devient complice »

Quand la crise frappe de plein fouet les populations par la faute d’une mauvaise gouvernance, quand les libertés publiques sont systématiquement brimées au nom de fallacieux prétextes de troubles à l’ordre public, le silence devient de la lâcheté. Et comme dit Voltaire, « en taisant le crime, on en devient complice ». Quand des sénégalais s’organisent pour élaborer collectivement des plateformes répondant de lutte, nul, à plus forte raison un leader politique de la trempe d’un Idrissa Seck, ne doit se soustraire à ce devoir citoyen. Un leader politique ne doit pas s’éloigner de son peuple sous le prétexte d’une quelconque stratégie de communication. Il ne doit pas non plus manquer de se prononcer sur les maux et difficultés qui assaillent son peuple. Ce dont le peuple a besoin aujourd’hui, c’est d’un leader qui soit capable de prendre en compte ses préoccupations majeures. Certes, on ne demande pas au leader de Rewmi de blablater sur tous les sujets au risque de répéter l’erreur fatale de « Bakka et Makka », mais il ne doit pas non plus observer un mutisme sur les questions qui interpellent et mobilisent tout le peuple. La hausse du prix de l’électricité, le discours du président du 31 décembre dernier étaient d’excellentes occurrences de prise de parole pour s’adresser à un peuple abandonné par une classe politique qui ne songe qu’à tremper dans des « deals » formalisés dans une rencontre appelée trompeusement dialogue national.

Aujourd’hui, seul Ousmane Sonko s’active sur le terrain de la communication avec le peuple. Depuis la dernière présidentielle, il n’a cessé de se prononcer sur ces questions qui intéressent les sénégalais. Mieux, il a commencé, selon un calendrier bien défini, ses tournées nationales dans le but de maintenir ce lien affectif avec les populations. Et avec cette présence assidue du leader de Pastef sur le terrain de la communication, le patron de Rewmi risque de perdre du terrain difficilement rattrapable sur la route qui mène vers la présidentielle de 2024.

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