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(RE) NAISSANCE D’UNE OPPOSITION RADICALE

par admin
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Les forces politiques de l’opposition classique semblent avoir perdu des plumes au fil du temps. Tout au moins, il leur est difficile de maintenir le cap en suivant un rythme continu dans le combat. Au même moment, d’autres jeunes leaders font surface. De par leur constance, ils sont considérés comme la classe politique radicale. qui sont-ils ? Sont-ils vraiment radicaux? Ousmane Sonko, Barthélémy Dias, Thierno Bocoum et Dr Babacar Diop constituent en tout cas la jeunesse politique émergente du pays.

Le Sénégal a connu la gauche classique, rebelle et évoluant dans la clandestinité sous Léopold Sédar Senghor. Ensuite, sous le Président Abdou Diouf, celui qui est considéré comme le père du libéralisme africain a marqué son époque en menant la vie dure au régime socialiste. Abdoulaye Wade a été ainsi plusieurs fois emprisonné pour son opposition à Diouf avant d’être le principal acteur de la première alternance démocratique au Sénégal.

Toutefois, le règne du pape du Sopi aussi n’était pas du tout repos avec des adversaires rompus à la tâche, organisés et déterminés à en découdre avec lui. Il s’agit de grands leaders venus d’horizons divers à l’image des marxistes Amath Dansokho, Landing Savané, Abdoulaye Bathily, des socialistes comme Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse et des libéraux frustrés comme Idrissa Seck et Macky Sall. Cela a ainsi payé en débouchant sur l’élection de Macky Sall à la tête de la magistrature suprême. Cependant, sous l’actuel régime, la donne semble avoir changé avec «une opposition réduite à sa plus simple expression» comme le prédisait le Président Macky Sall, lui-même. Ainsi, le chef de l’Etat n’a pas vraiment eu à faire face à une opposition aux ailes dures comme on le voyait par le passé. Mais depuis un certain temps, une catégorie d’hommes politiques est en train de voir le jour. Celle-ci est marquée par une jeunesse teigneuse qui veut bouleverser la hiérarchie et insuffler une certaine alternance générationnelle à une opposition qui apparemment semble avoir déserté l’espace politique. Elle est plus impliquée dans les combats sociaux et est en parfaite entente avec les plateformes de lutte sociale (Aar Li Nu Bokk, Noo Lank, etc.) où elle est très active. Ces jeunes leaders, tous, la quarantaine, essayent tant bien que mal d’incarner l’opposition radicale. En effet, cela leur est surtout facilité par l’absence de Karim Wade, le silence d’Idrissa Seck et la passivité de Khalifa Sall, des ténors qui devraient aujourd’hui mener «la vie dure» au régime de Macky Sall. Ce sont Thierno Bocoum, Babacar Diop, Barthélémy Dias, et Ousmane Sonko. Aujourd’hui, personne ne peut nier le fait qu’ils sont au cœur du débat et de la reconfiguration du jeu politique.

OUSMANE SONKO, LE JEUNE BOXEUR DANS LA COUR DES GRANDS

Il est jeune et il boxe déjà dans la cour des grands. Le leader de Pastef, Ousmane Sonko a montré ses preuves aux législatives de 2017 et à la présidentielle de 2019. Il a terminé à la troisième place de l’élection présidentielle du 24 février 2019 avec plus de 687 000 voix soit 15,67 %, derrière le Président sortant Macky Sall et l’ancien Premier ministre Idrissa Seck. Il se construit en plus une base politique solide au sud du Sénégal. Sans compter ses acquis dans la diaspora et le militantisme d’une bonne partie des jeunes intellectuels qu’il a su convaincre. Loin du débat politicien, il articule son discours sur des questions de gouvernance, excelle dans les révélations notamment sur la gestion du régime de Macky Sall. Après un livre dénonçant la façon dont le pétrole et le gaz sénégalais sont gérés, il innove le 16 septembre 2018, à la veille de la présidentielle en publiant un livre programmatique, «Solutions», dans lequel il livre un diagnostic des problèmes sociaux et économiques du Sénégal, tout en déclinant ses propositions. Ousmane Sonko est né le 15 juillet 1974 à Thiès. Il est le président du parti PASTEF et est député depuis juillet 2017.

 BARTHELEMY DIAS, LE CHAUD BOUILLANT 

Il fait partie des grands acteurs de la chute d’Abdoulaye Wade. Le lieutenant de Khalifa Sall est un esprit libre. Contrairement à Khalifa Sall très clame et passif, «Dias-fils» se fait remarquer partout où il passe avec un discours radical et va-t-en guerre. Il ne mâche pas ses mots même quand il parle du chef de l’Etat, n’hésitant pas à utiliser des termes déplacés. Son enthousiasme et sa fougue, il les tient certainement de son papa, Jean Paul Dias, leader du BCG et grand opposant de Wade avant sa chute. Barthélémy Toye Dias, né en 1971, est titulaire d’un Master of Business Administration (MBA), option Transport aux Etats Unis. En 2005 il adhère au PS dont il était membre du bureau politique et du comité central et secrétaire général du Mouvement national des jeunesses socialistes du PS. Avec les remous qu’a connus le parti, il prend fait et cause pour Khalifa Sall et s’aligne à côté de l’ancien maire de Dakar. Il a été ainsi exclu du PS en même temps d’ailleurs que Khalifa Sall. Barth a bénéficié par le passé d’un mandat de député. Elu en juillet 2012 sur la liste nationale de la coalition BBY, il a occupé les postes de Secrétaire élu au bureau de l’Assemblée nationale, membre de la Commission des Affaires étrangères, de l’union africaine et des sénégalais de l’extérieur ; membre de la Commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains et la commission chargée de l’économie générale et des finances. Aujourd’hui, il déroule son deuxième mandat en tant que maire de la commune de Mermoz-Sacré-Cœur

THIERNO BOCOUM, UNE MARCHE LENTE MAIS SURE

Il est présent dans toutes les marches ou manifestations qu’elles soient politiques ou sociales. Thierno Bocoum est toujours visible quand il s’agit de marcher pour les enfants ou pour réclamer la transparence dans la gestion du pétrole et aujourd’hui contre la hausse du prix de l’électricité. Monsieur Bocoum s’est distingué particulièrement en tant que chargé de communication de Rewmi. Pur produit d’Idrissa Seck, il l’a soutenu à la dernière présidentielle, malgré le fait qu’il l’ait quitté après les élections législatives pour créer le mouvement Agir. Une structure portée sur les fonts baptismaux en grande pompe, mais qui n’a pas réussi à avoir la même aura que son leader qui utilise les réseaux sociaux pour faire passer son message et exister politiquement. Il se prononce sur tous les faits de société et les affaires touchant l’intérêt national. Né en 1977, Thierno Bocoum est Juriste de formation. Il est titulaire d’un diplôme de troisième cycle d’Etude Supérieure en Communication. Il est également titulaire d’un Master en sciences de gestion et en droit des affaires internationales. Il a été élu député en Juillet 2012 sur la liste nationale de la coalition BBY.

BABACAR DIOP, L’INTELLECTUEL REVOLUTIONNAIRE

Il s’est fait remarquer ces derniers mois en essayant de toucher les grilles du Palais présidentiel lors d’une marche interdite contre la hausse du prix de l’électricité. Emprisonné, il a passé quelques jours derrière les barreaux avant d’être relâché. A chaque fois qu’il prend la parole, il capte son public par son éloquence, sa pertinence et sa capacité à haranguer les foules. Babacar Diop a la réputation d’être un révolutionnaire partout où il est passé. Né le 17 août 1982 à Baïty Bacar (département de Tivaoune), il a fait toutes ses études à Thiès où il a obtenu le bac au Lycée El hadj Malick Sy. Dès son cursus secondaire, il se fait connaitre en dirigeant le mouvement élève. A l’université, il a continué à militer dans les amicales pour porter les revendications estudiantines. Il a occupé de nombreux postes dans le mouvement étudiant : président de la Coordination des étudiants Thiessois (CET), président de l’Amicale des étudiants de la Faculté des lettres et sciences humaines (2 mandats), représentant des étudiants à l’Assemblée de Faculté et représentant des étudiants à l’assemblée de l’université. Babacar Diop a obtenu son doctorat en philosophie en 2011. Il est enseignant-chercheur au département de philosophie de l’Ucad depuis 2013. Maître de conférences titulaire, il a publié le livre intitulé «Le feu sacré de la liberté: mon combat pour la jeunesse africaine», préfacé par le Pr. Djibril Samb. Aujourd’hui, il est le Secrétaire général des Forces démocratiques du Sénégal (FDS), un parti politique créé le 07 avril 2018 à Dakar.

MOUSSA DIAW, ENSEIGNANT-CHERCHEUR EN SCIENCES POLITIQUES A L’UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS :  «Je pense qu’il faut organiser cette équipe»

«Je ne sais pas si on peut parler de renaissance de l’opposition radicale. Comme s’ils étaient en panne d’idée, les anciens ont déserté l’espace alors que l’actualité politique est chargée et qu’il y a de la matière. C’est pourquoi, ces leaders comme Ousmane Sonko, Barthélémy Dias, Thierno Bocoum et Babacar Diop se font leur propre analyse de la situation et proposent une alternative politique. Ils proposent des solutions et ont leur propre vision des choses. C’est une nouvelle génération qui émerge et c’est réconfortant pour l’avenir et pour le renouvellement de l’élite politique justement. Ils constituent une nouvelle élite politique avec une approche différente. Je pense qu’il faut organiser cette équipe afin que leur façon de voir la politique soit davantage déterminante dans l’espace et qu’ils puissent convaincre les citoyens. Ils sont issus d’écoles différentes ; mais ils se ressemblent et sont différents des autres qui sont moulés dans un système archaïque appartenant à un microcosme politique ; de gens qui se connaissaient et qui changent d’un régime à un autre. D’une alternance politique à une autre, on voit toujours les mêmes qui font leur reconversion pour participer à une forme de partage du pouvoir. Ils ne sont pas dans cette logique de partage du gâteau. Ils sont dans une logique d’analyse de la situation et de proposer des solutions par rapport aux priorités des Sénégalais. Et à mon avis, leur approche place les citoyens au cœur du dispositif politique. Et ils ont une ouverture d’esprit leur permettant de dialoguer, de discuter et de débattre sur des questions essentielles. Les anciens, même s’ils ont cette capacité, c’est toujours le même discours qui ne change pas. Le discours des anciens s’inscrit dans une continuité politique qui n’apporte rien et très chargé idéologiquement. En plus d’entretenir une forme de reproduction du système ancien. Ces jeunes ne sont pas dans un clientélisme, ils ne cherchent pas une redistribution de portion de pouvoir pour une clientèle donnée. Et donc, cela donc rompt complètement avec la réalité politique sénégalaise. A mon avis, c’est une innovation importante, pourvu que cela dure»

IBRAHIMA BAKHOUM, JOURNALISTE ET ANALYSTE POLITIQUE : «les réseaux sociaux et les médias donnent l’impression qu’il n’y a qu’eux»

«Ces gens ont appris très vite. Ils n’ont ni les années de Wade ni le parcours de Mamadou Diop Decroix. Juste qu’ils n’ont pas eu besoin de mettre un temps très long pour être connus dans le monde politique. Aujourd’hui, n’importe qui peut se positionner pourvu seulement que la personne sache communiquer sur les réseaux sociaux et se positionner dans les médias. Ces derniers, ne pouvant pas toujours inviter les mêmes personnes, courent souvent vers les nouvelles têtes qui émergent. Et ces nouvelles têtes en profitent pour occuper l’espace. Cependant, si on prend l’exemple de Thierno Bocoum, il a utilisé sa position en tant que chargé de communication de Rewmi pour émerger. En effet, le fait de porter la voix d’un parti visible comme le Rewmi avec des leaders charismatiques visibles, ça propulse la personne. Par contre, Sonko, il a un discours très porteur. Il lève des lièvres en parlant de pétrole, de détournement par-ci, de mauvaise gouvernance par-là, etc. Et les Sénégalais sont très réceptifs de ces messages. Il s’y ajoute son jeune âge et sa radiation considérée par beaucoup comme une injustice. Ce qui le met tout de suite en position de victime et fait sa force. En ce qui concerne Barthélémy Dias, il a toujours un discours radical. Il est amplifié certes ; mais la personne elle-même perturbe. Mais derrière tous ces gens, contrairement à ce que l’on peut penser, il y a toujours d’autres qu’on entend moins, mais qui sont de grands stratèges, qui prennent leur temps et qui savent où et quand il faut communiquer. Donc ils donnent l’impression de laisser l’espace aux autres. Mais lorsqu’ils parlent leur discours est écouté parce qu’il est rare. La denrée rare est toujours une denrée demandée. Les réseaux sociaux et les médias donnent l’impression qu’il n’y a qu’eux, alors qu’il y en a d’autres. Seulement, ils sont beaucoup plus organisés dans la démarche et plus structurés en termes de communication. En plus de cela, on a maintenant une jeunesse très politisée qui est en train de monter.»

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