Home A la Une Dialogue politique, 3ème mandat, gestion du Covid… : DECROIX RÉAJ

Dialogue politique, 3ème mandat, gestion du Covid… : DECROIX RÉAJ

par pierre Dieme
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«La commission politique doit reprendre dans les meilleurs délais»
«La Constitution parle de 2 mandats consécutifs»
«Il faut des mesures radicales contre le Covid»

Mamadou Diop Decroix juge insuffisantes les mesures prises par le gouvernement dans la lutte contre le Covid-19. Pour le Secrétaire général de Aj/Pads, le gouvernement a failli dans la communication. Le député, qui ne souhaite plus être interrogé sur la question du 3ème mandat, estime que la Commission du dialogue politique doit reprendre ses travaux «dans les meilleurs délais».

Que pensez-vous des mesures prises par le gouvernement pour freiner la progression du Covid-19 ?
Il y a eu plusieurs périodes. Au début, il y a eu de la rigueur. Les autorités religieuses, coutumières, politiques, citoyennes avaient appuyé en faisant des sorties pour communiquer avec les populations. A l’époque, c’était assez rigoureux, même si ce n’était pas adapté. Vous ne pouvez pas, comme en Europe, fermer les marchés. Dans les grandes villes, il y avait un problème pour le respect du couvre-feu avec les difficultés liées au transport, etc. Nous sommes un pays où l’informel prédomine contrairement à l’Europe où c’est plus organisé. On n’a pas les mêmes modes de vie. On n’a pas pu s’adapter à la pandémie dans les conditions du Sénégal. Cette rigueur a été allégée assez rapidement parce que les populations elles-mêmes étaient obligées de sortir et d’affronter la police. On aurait dû accentuer la politique de communication. Mais une communication adaptée qui permet d’atteindre le plus grand nombre, particulièrement la jeunesse. Comme on le constate, de larges franges de la jeunesse ne croient pas en l’existence du Covid-19. Ce qui favorise cela, c’est que les jeunes en général résistent au virus. Ce sont des porteurs sans signes ou asymptomatiques. Le virus passe par la jeunesse pour atteindre les personnes âgées dans les maisons. Cela pose un problème très sérieux. Le gouvernement tente de reprendre la main mais n’est pas allé au fond. Il nous faut des mesures radicales.

Concrètement, c’est quoi ces mesures radicales ?
Ce ne sont pas des mesures basées sur la force. La force n’est que subsidiaire. Il faut changer la perception des gens. C’est une tâche extrêmement difficile. Il faut y arriver. Si on n’y arrive pas, on ne vaincra pas facilement la pandémie et elle fera beaucoup plus de dégâts. Toutes les autorités sociales, politiques, religieuses, culturelles, etc., qui peuvent s’adresser aux populations, qu’on les amène à le faire, qu’on les convainque de la nécessité de prendre la parole avec des modalités et des formules très variées. Si je prends le cas de Dakar où les jeunes fréquentent par milliers les plages, on doit s’adresser aux chefs de quartier, aux imams, aux présidents d’Asc, aux leaders communautaires… Ils peuvent parler avec la jeunesse. C’est infiniment plus efficace. On leur dit : «Si vous n’y prenez pas garde, vous allez tuer vos parents.» Ça suffit pour qu’ils comprennent ! Tant qu’ils ne comprennent pas, ils feront ce qu’ils veulent. Quand ils comprennent, ils font attention. Une fois que vous aurez réglé ce problème, le problème du masque intervient. Si quelqu’un ne croit pas à la pandémie, même si on lui donne un masque gratuitement, il ne va pas le porter. S’il y croit, même si on ne lui donne pas de masque, il va en chercher. Donc, la mère des batailles, c’est celle de la communication. Et c’est en passant par les organisations autonomes des populations. Les acteurs politiques doivent aussi s’impliquer. En général, ils posent des actions sociales dans les quartiers comme dans le milieu navétane. Donc, ils peuvent avoir une certaine influence. Il nous faut une grande quantité de masques et que le prix soit extrêmement bas à défaut d’avoir des masques gratuits.

Etes-vous convaincu par les mesures prises la semaine dernière par le ministre de l’Intérieur ?
C’est encore largement insuffisant à mes yeux. Une fois que ces mesures dont j’ai parlé sont arrêtées, c’est en ce moment que l’Etat utilise les forces de défense et de sécurité pour surveiller le respect des mesures. Je passe sur la Corniche mais les effectifs de la police sont largement insuffisants. Tout le monde le constate. Les jeunes n’ont pas le masque. Il n’y a pas suffisamment de patrouilles. En ciblant les lieux de concentration humaine, ils arrivent à avoir un impact. Mais ce n’est pas radical, il reste beaucoup de choses à faire.

Le gouvernement a-t-il échoué au regard de la progression du coronavirus au Sénégal ?
Les mesures sont insuffisantes. Je viens de vous le dire. Elles viennent d’être prises. C’était vendredi. Attendons au moins 2 semaines pour dresser un bilan. Comment peut-on parler d’échec pour des mesures prises il y a moins d’une semaine ?

Avez-vous l’impression que le gouvernement est dépassé par la forte progression du Covid-19 ?
Si le gouvernement avait appliqué ce que je viens de dire et que les choses ne changeaient pas, on pourrait dire qu’il est dépassé. Ce n’est pas encore le cas. En réalité, le combat qu’il faut mener n’a pas encore été fait de façon durable. Pourquoi les gens en Europe se sont confinés ? Si tu te confines pendant une certaine période, tu coupes la chaîne de transmission et tu arrives à des résultats probants. Si nous arrivions à gagner la bataille de la communication, en totalité ou en partie, cela aurait des résultats. Si les gens sont d’accord, tu mets à leur disposition les masques et le système de contrôle en œuvre. Ma conception est qu’il faut amener les populations à assumer elles-mêmes ce combat. Si elles l’assument, tu le gagnes. Sinon, tu ne peux pas le gagner. Pour mettre en œuvre cette conception, il faut de l’organisation. Ce sont les populations qui peuvent régler ce problème. Même les Asc pouvaient régler ce problème de communication. Nous, quand on était jeunes, les Asc pouvaient régler certaines choses sans l’avis du gouvernement parce qu’elles étaient actives autour des préoccupations des populations. Elles organisaient pendant l’hivernage des formations sur le paludisme, des cours des vacances. Aujourd’hui, dans les Asc, il n’y a plus de dimension culturelle. Il n’y a même plus la dimension sportive sauf le football. Les Asc sont devenues des associations de football. Et elles se battent, se tirent dessus, se plantent des couteaux. C’est devenu du n’importe quoi ! Quand on parle des mesures post-Covid-19, c’est aujourd’hui qu’il faut commencer à revoir tout ça. Il faut assainir le milieu de la jeunesse qui est laissée à elle-même.

Etes-vous d’accord avec le président de la République qui accuse la presse d’être «trop alarmiste» dans la couverture médiatique relative à la pandémie du Covid-19 ?
Non, je ne suis pas d’accord. Je ne sais pas ce qu’il l’a amené à dire cela. Si l’alarmisme de la presse est avéré, il devrait produire des résultats non ? Si la presse avait réellement réussi à alarmer les populations, ces dernières prendraient les mesures nécessaires pour se prémunir. Mais ce n’est pas le cas. Pour moi, la presse n’a pas encore réussi à alarmer les populations et devrait redoubler d’effort pour y arriver. Il est vrai que ce n’est pas encore la fin du monde. Il ne faut pas terroriser la population mais il faut l’alarmer.

Etes-vous de ceux qui réclament l’annulation du Magal et du Gamou cette année ?
Non. Ne me posez pas cette question parce que je n’y répondrai pas. Ce n’est pas à moi de décider du Magal et du Gamou. Ce n’est pas non plus au gouvernement de décider de l’annulation du Gamou et du Magal. Ce sont les autorités religieuses concernées et le gouvernement qui doivent discuter pour trouver la voie à suivre.

Pensez-vous que le Président Macky Sall doit sacrifier à la déclaration de patrimoine ?
Macky Sall et tous les assujettis. Ce sont des questions auxquelles je réponds depuis 8 ans. Ce dont vous parlez est récurrent depuis 8 ans maintenant ; et ça ne change pas. Il n’y a donc rien de nouveau sous les cieux sur ce chapitre.

Il a été réélu en 2019…
Ça ne change rien. C’est une politique qui est suivie depuis toujours et apparemment ça donne de bons résultats. Pourquoi il la changerait ? Mais la loi sur la déclaration de patrimoine est une bonne loi. Si elle n’est pas respectée aujourd’hui, elle le sera demain. C’est comme les rapports de l’Inspection générale d’Etat. Il y a beaucoup de bruit autour de ces rapports au motif qu’ils ne sont pas suivis d’effets mais l’Ige n’a qu’à continuer à faire des rapports. Si le pouvoir actuel ne donne pas de suite à ces rapports, ceux qui viendront le feront.

Militez-vous pour la mise en place d’un gouvernement d’union nationale ?
Je milite pour que le dialogue politique accouche de règles consensuelles de dévolution démocratique et pacifique du pouvoir. C’est cela la plateforme du Front de résistance nationale.

Pensez-vous que les élections locales peuvent se tenir au plus tard en mars 2021 ?
Ce sera compliqué parce que le travail a été arrêté depuis 6 mois. Cela devient compliqué mais c’est à la Commission politique d’en décider. J’estime que la commission doit reprendre ses travaux dans les meilleurs délais. Il le faut et qu’elle trouve des moyens d’accélérer son travail.

Quelle lecture faites-vous de la décision de Alassane Ouattara et de la désignation de Alpha Condé pour faire un troisième mandat en Côte d’Ivoire et en Guinée ?
La problématique des Constitutions en Afrique est le reflet d’affrontements entre des intérêts énormes. Au Niger, on a tué avant-hier des touristes et citoyens nigériens. Au Burkina, tous les jours, on tue dans les mosquées, marchés, écoles… On blesse, déplace… Au Mali, c’est la même chose. C’est toute la sous-région qui est concernée par ces crises. Cela va au-delà de la problématique des mandats qui constitue une expression institutionnelle de la situation en Afrique. Il faut analyser tout cela pour repérer ici et là, où se situent les intérêts des peuples. Parce que moi, je suis du côté des intérêts des peuples.

Le virus du 3ème mandat peut-il infecter le Sénégal en 2024 ?
Je suis en train d’élaborer une analyse en rapport avec mes amis sur la situation de la sous-région qui va au-delà des mandats. On ne peut pas y répondre en 2 ou 3 minutes. Sur le Sénégal, j’aurais souhaité ne plus être interrogé sur ça. Cela n’a aucun intérêt. La Constitution parle de 2 mandats consécutifs, le Président l’a dit et répété à plusieurs reprises, ses collaborateurs aussi. Pour l’instant, je ne vois pas ce qui a changé pour que les gens en parlent. Il n’y a rien de nouveau. Donc, je vous demande de ne plus me poser cette question aussi longtemps qu’il n’y aura pas de nouveauté.

SOURCE PROPOS RECUEILLIS PAR BABACAR GUÈYE DIOP

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