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mardi, avril 23, 2024
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Conclusions de la mission d’information de l’Assemblée: Entre incohérences et dysfonctionnements

par pierre Dieme

Les conclusions de la mission d’information de l’Assemblée Nationale sur le plan décennal de lutte contre les inondations (Pdli) mettent à nu de nombreux manquements qui ne riment pas avec une gestion efficiente d’un phénomène aussi préoccupant que les inondations. De l’absence d’infrastructures dans les régions en passant par une pluralité d’acteurs qui ne parlent pas un même langage, les inondations sont gérées avec un désordre qui n’a pas manqué d’intriguer les parlementaires.

INFRASTRUCTURES ABSENTES DANS CERTAINES ZONES, VÉTUSTÉ DE SYSTÈMES D’ASSAINISSEMENT, DÉFAUT D’ENTRETIEN : Le plan décennal étale ses failles

«Dans le cadre du Plan décennal de lutte contre les inondations (Pdli) dans sa phase moyen et long terme, (2012-2022) les perspectives dans le département de Thiès sont la construction de 6 km de canaux, la station de pompage, l’extension du réseau avec le prolongement du canal Keur Mame El Hadj, drainage des eaux pluviales du point bas au quartier Aiglon, reprofilage du dalot du point bas de Jules Sagna et le redimensionnement de la capacité du dalot de Sampaté. Le coût prévisionnel de ces projets est arrêté à 3 milliards F CFA. Aussi, il est prévu un projet de 200 logements sociaux dans la commune de Nguinth. Aucun de ces travaux énumérés n’a encore démarré», souligne le document de l’Assemblée Nationale. Le rapport indique que c’est au niveau communal où des travaux ont été véritablement effectués, notamment la construction d’une station de pompage à Keur Ablaye Yakhé par le programme Promovilles. Le coût prévisionnel de ces projets est arrêté à 3 milliards FCFA.

Toujours dans la région de Thiès, la plus grande partie de la ville de Tivaouane ne dispose pas d’un réseau d’assainissement des eaux pluviales et la morphologie de certains quartiers ne favorise pas l’évacuation naturelle des eaux vers les exutoires. À cela s’ajoute l’occupation irrégulière et non planifiée dans plus de 40 quartiers de Tivaouane et environ. Une situation favorisée par l’absence de plan directeur d’urbanisme et d’assainissement à jour.

Pour la commune de Joal, dans le cadre de la phase moyen et long terme du Programme décennal, il est prévu la réalisation de 5600 mètres linéaires de canal de drainage des eaux pluviales pour un montant de 1. 909.000.000 FCFA dont les travaux n’ont pas encore démarré. Il était aussi prévu dans le cadre du plan Jaxaay, un projet de construction de 100 logements il y a de cela 15 ans et jusqu’ici les travaux n’ont pas encore démarré.

Dans la commune de Fatick, les services techniques de l’Onas ont déploré l’état de vétusté des caniveaux de drainage réalisés depuis 2005 et l’incivisme des populations qui font des branchements clandestins pour évacuer leurs eaux usées et les ordures ménagères dans le réseau destiné aux eaux pluviales obstruant ainsi le système d’évacuation. L’entretien des ouvrages destinés à l’assainissement est confié aux mairies, mais celles-ci ne disposent pas de moyens suffisants pour assurer l’entretien et l’exploitation de ces ouvrages. Par ailleurs, les bassins réalisés à Peulga et au quartier Émetteur ne recueillent que les eaux ruisselantes, les eaux stagnantes doivent être pompées ou évacuées par hydrocureurs.

Le département de Foundiougne n’est pas pris en compte dans le cadre du plan décennal de lutte contre les inondations. A Tambacounda, le rapport établit que la région ne bénéficie pas des projets du Plan décennal. Les seuls ouvrages d’assainissement qui existent sont obtenus grâce aux réalisations de Promovilles et de l’Ageroute. De même, la région ne dispose pas de réseau d’assainissement, pour l’évacuation des eaux usées et pluviales sauf un embryon de réseau localisé à la sortie de la ville. Les zones inondées dans la commune de Ziguinchor sont essentiellement dues à la vétusté des ouvrages existants (l’exemple du canal de korentas construit en 1965).

A Sédhiou, le Pdli dans ses phases d’urgence ainsi que celles à court et moyen terme n’est pas intervenu dans la région. En revanche, dans la phase moyen-long terme (2017-2022), il a été effectué des réalisations de caniveaux d’évacuation des eaux pluviales de 2100 mètres linéaires pour un coût estimé à environ 1.800.000.000 FCFA. Les travaux ont démarré en 2018 et sont toujours en cours et le niveau de réalisation est de 64% représentant 207.971.310 FCFA. Le montant des travaux à comptabiliser au titre du Programme décennal de lutte contre les inondations (Pdli) pour l’évacuation des eaux pluviales dans la ville de Sédhiou est évalué à 1 207 971 310 FCFA, soit un très faible taux de 0,16%.

PLURALITÉ DE DIRECTIONS, DIFFÉRENCE DANS LES MONTANTS INJECTÉS, APPELATION NON IDENTIQUE DU PLAN DECENNAL : Pagaille dans la gestion

L es différentes directions auditionnées par les parlementaires révèlent avec aisance la pluralité des entités impliquées dans la gestion des inondations. L’absence de coordination notoire car les structures sont rattachées à des ministères différents. Aussi, les chiffres donnés çà et là différent. Par exemple, le bureau d’information gouvernemental (Big) a estimé le financement de la Matrice d’actions prioritaires (Map) à titre de l’année 2010 à 1,800 million alors que le ministre de l’eau de l’assainissement parle de 1 980 000 000 FCFA.

Dans le rapport de l’Assemblée Nationale, le département de Serigne Mbaye Thiam, indique que la Map a été consolidée par la réunion interministérielle et validée en Conseil des Ministres, pour ce montant global. La pluralité dans la démarche se lit aussi dans la déclaration du ministre de l’urbanisme et du logement selon le ministre de finances qui a signalé que pour le volet assainissement son département, à travers le Projet d’achèvement des programmes de construction et de réhabilitation d’édifices de l’Etat, a démarré en 2012 ; le Projet Spécial Banlieue et en 2013 ; le Programme d’Assainissement des Eaux Pluviales de Rufisque, le tout pour un coût global de 5.418.743.210 F CFA alors qu’à côté, il y’a l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) qui a dépensé plus de 77 milliards.

Recevant les députés, le directeur de l’Office national du Sénégal, Lansana Gagny Sakho est lui aussi revenu sur la pluralité d’acteurs qui interviennent dans le secteur de l’assainissement. Il soutient ainsi qu’aussi bien l’Onas, Promovilles, l’Apix et que l’Ageroute font de l’assainissement. Et pourtant à la réalisation d’un ouvrage, toutes ces structures demandent à l’Onas d’assurer la gestion. Or, cette gestion demande des ressources d’exploitation qui ne sont toujours au rendez-vous. Selon lui, il faudrait désigner un seul acteur qui serait responsable de la réalisation et de la gestion des ouvrages d’assainissement. Ainsi, s’il y a des difficultés, seule cette structure devra répondre.

En effet, la multiplicité des acteurs pose beaucoup de problèmes. A propos des recommandations et des observations à faire sur la problématique des inondations au Sénégal, le ministre des finances a remarqué des manquements dans la coordination de l’ensemble des activités dans ce domaine. Sur ce, il a rappelé que le Pdli concerné pour l’essentiel le ministère de la restructuration des zones d’Inondations (Mrzi) de l’époque, ensuite le ministère de l’urbanisme, des finances et de l’Intérieur qui devraient jouer leur partition dans la réalisation du programme. Malgré cela, toutes ces structures n’avaient pas la coordination qu’il fallait à ce niveau. D’ailleurs, c’est ce qui justifie cette année, que dans le cadre de la gestion de lutte contre les inondations, l’essentiel des activités a été attribué à l’Onas et les collectivités territoriales, entre autres. Au regard de ces éléments, il a estimé qu’à l’avenir, il serait nécessaire de mettre en place une bonne coordination avec l’expérience de l’Onas, en invitant dans la gestion les autres ministères sectoriels ainsi que la mise à niveau des infrastructures de lutte contre les inondations. Au cours de la mission, l’occasion a été donnée aux députés de noter qu’il y a trois appellations données à ce plan selon les acteurs. Il s’agit du Plan décennal de lutte contre les inondations, Programme Décennal de lutte contre les inondations et Programme décennal de gestion des inondations. Pour les députés cela constitue une source de confusion.

OCCUPATION DES ZONES HUMIDES, INSTABILITÉ INSTITUTIONNELLE DES STRUCTURES, DÉFAILLANCE DANS LE LOTISSEMENT : Ces manquements à l’origine des inondations

Selon la Direction générale de l’urbanisme et de l’architecture, la principale cause des inondations est la forte pression démographique sur un espace géographique souvent limité fait que les populations se sont installées sur des zones humides, impropres à l’habitat comme les zones d’évacuation des eaux de pluie, lit majeur des fleuves. Il y’a aussi l’instabilité institutionnelle qui règne sur la gestion des inondations, éclatée entre plusieurs structures, est un facteur aggravant des inondations. C’est la raison pour laquelle, il importe de remettre en place l’Office national de lutte contre les inondations qui avait été créé par décret, a recommandé le directeur de l’urbanisme et de l’architecture. Il a aussi estimé que la gestion des inondations doit être centralisée autour d’une structure pérenne et inclusive qui s’occupe des inondations au quotidien et non attendre l’approche de l’hivernage pour agir. S’agissant des inondations à Dakar notamment à Keur Massar, qui ne bénéficie pas actuellement d’un système d’assainissement car, il n’a pas encore été pris en compte dans le cadre du Programme décennal de Lutte contre les Inondations (Pdli). La raison tient au fait que Keur Massar ne faisait pas partie de la catégorie des zones inondables.

A ce niveau, il faut noter que les problèmes ont commencé avec la densification des habitations qui a pour corollaire la surpopulation de Keur Massar et l’obstruction des voies naturelles d’écoulement des eaux. Ce phénomène a accentué la pression exercée sur la nappe phréatique et la reconstitution des anciens lacs (Lac de Mbeubeuss par exemple). De l’avis de la direction générale de l’urbanisme pour régler le problème et cela est valable également pour Jaxaay 2 et Tawfekh, il faut libérer les exutoires des eaux, faire un plan d’aménagement et réaliser les ouvrages hydrauliques comme à Dalifort, Maristes, Guédiawaye, Pikine irrégulier Sud. En ce qui concerne Jaxaay 1, il faut noter que l’aménagement n’a pas été terminé et il n’y a pas de système d’assainissement. A cela s’ajoute, les désagréments causés par les nouvelles routes construites et qui sont au-dessus du niveau de terrassement, alors que cela aurait dû être le contraire.

80% DES LOTISSEMENTS SONT FAITS SUR LA BASE D’UNE PROCÉDURE DE RATTRAPAGE

Le problème des lotissements résulte de plusieurs facteurs. Cependant, dans l’exécution du lotissement, certains promoteurs ne respectent pas souvent les prescriptions techniques fixées. Les maires et l’Administration n’ont pas souvent le même agenda. Ces derniers ont un mandat limité ; ce qui fait qu’ils n’ont pas le temps d’attendre la signature des arrêtés d’autorisations de lotir dont l’instruction peut dépasser parfois le temps d’un mandat. C’est l’une des raisons qui font que beaucoup de lotissements sont réalisés sans autorisation. Aujourd’hui, 80% des lotissements sont faits sur la base d’une procédure de rattrapage c’est-à-dire des lotissements non autorisés qu’il faut régulariser parce que les populations ont investi d’importantes sommes d’argent et qu’il faut leur permettre de jouir de leur investissement. Il importe également de noter le manque de formation de certains maires, leur solitude dans l’exercice de leur mission et l’absence de services techniques compétents, pour les accompagner. Tout ceci fait que par moments, ils agissent par méconnaissance ou incompréhension des dispositions légales et réglementaires qui encadrent leur activité. Il faut, dès lors, un renforcement des capacités techniques et professionnelles du personnel des collectivités territoriales.

FINANCEMENT DU PLAN DÉCENNAL DE LUTTE CONTRE LES INONDATIONS ESTIME À 767 MILLIARDS : Seuls 291 milliards ont été mobilisés

Le ministère des finances a indiqué aux députés que globalement le plan décennal de lutte contre les inondations (Pdli) comportait un montant prévisionnel arrêté à 766 988 450 362 FCFA. Cependant, seul un montant total d’environ 291 milliards de FCFA a été investi sur la période 2012-2020. Il a aussi précisé que ce montant n’inclut pas les investissements réalisés par des structures autonomes à travers des projets comportant des volets de gestion des eaux pluviales. Il s’agit, selon lui, de l’Apix dans le cadre de la réalisation du Ter, de l’Ageroute (Route Dinguiraye-Nioro, Keur Ayib, Programme Spécial Touba), de l’Agetip et de Promovilles.

Dans le rapport, il est aussi indiqué aux députés que l’Etat n’a pas réalisé seulement 291milliards dans la lutte contre les inondations. Ce montant est décaissé exclusivement à partir du ministère des Finances, nonobstant la réalisation d’autres projets qui étaient en cours, notamment quelques externalités positives permettant d’avoir des aménagements et des réalisations au niveau de certains sites. Dans le même ordre d’idées, il a aussi indiqué que la source de financement de ce montant est répartie entre 143 750 000 000 FCFA de financements extérieurs et 147 250 000 000 FCFA de ressources internes.

Par rapport au taux de paiement, il a précisé à l’intention des députés que le montant des 291 milliards a été entièrement et effectivement payé dans le compte des ayants droits, et qu’il n’existe pas des impayés dans ce montant mobilisé. Sur ce, il a rappelé qu’il y a deux procédures de paiement au niveau du trésor, à savoir les avances de démarrage et les décomptes. S’agissant de la question relative à une partie du financement n’ayant pas été mobilisée, il est d’avis qu’absolument à ce jour, seulement 291 milliards sur les 766 988 450 362 FCFA du montant global du programme a été mobilisé et intégralement payé. Le Ministre a rappelé que, par moment, l’Etat est amené souvent à faire des changements de priorités.
A cet égard, il a donné pour cette année l’exemple de la pandémie de la Covid19 qui a obligé l’Etat à un inversement de la hiérarchie de ses priorités, notamment avec les dépenses de santé qui sont aujourd’hui prioritaires. Le document remis à la mission par le ministère des finances et du budget, comptabilise une dépense totale de 291 338 984 746 F CFA soit un taux de réalisation de 38 % à deux ans de la fin du programme.

PAR FATOU NDIAYE

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