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vendredi, avril 19, 2024
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Analyse des mesures contre la vie chère: ces choix structurels qui ont perdu Macky et son gouvernement ces 10 dernières années

par pierre Dieme

Le président de la République a lancé lundi des concertations à la salle des banquets du Palais pour, dit-il, soulager les populations qui subissent depuis plusieurs mois une flambée des prix dans tous les secteurs. Avec le Premier ministre, Amadou Ba, le ministre des Finances et du Budget, Amadou Moustapha Ba, le ministre de la Fonction publique et de la Transformation du secteur public, Gallo Ba, le ministre du Commerce, de la Consommation et des Petites et moyennes entreprises, Abdou Karim Fofana, le ministre de l’Agriculture, de l’Equipement rural et de la Souveraineté, Aly Ngouille Ndiaye, le chef de l’Etat a annoncé 15 mesures dont 4 autres structurelles et 11 urgentes. Ce devant les associations de consommateurs (26 au total), les producteurs de riz, de tomate, d’arachide, les commerçants des deux Unacois (Jappo et Yessal), le Groupement économique du Sénégal (GES), les importateurs, le patronat notamment la Cnes et le CNP, les meuniers industriels, les boulangers, les cimentiers, les acteurs portuaires, douaniers, des assurances etc.

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Les trois premières mesures d’urgence sont les plus significatives. Il s’agit de « payer les compensations financières évaluées à 15 518 704 763 dues aux meuniers; payer la subvention pour le riz Paddy de 30 FCFA le kg au transformateur, en vue de prendre en charge les frais liés à la tierce détention et certification pour un montant de 3,2 milliards FCFA; suspendre les droits d’accises sur les corps gras appliqués aux industries huilières locales ».

Quels seront les impacts immédiats de ces mesures, si toutefois elles sont mises en œuvres, sur le vécu des populations sénégalaises ? Sur quelle durée leurs effectivité pourrait se faire sentir ? PressAfrik a interrogé l’économiste, Enseignant-chercheur à l’Université Iba Der Thiam de Thiès. Son analyse est sans complaisance. Selon lui, Macky et son gouvernement ne sont pas à l’heure des mesures, mais du bilan de leur décennie de gouvernance. Il affirme que si le Sénégal est aussi exposé face à la crise qui secoue le monde, c’est parce que le Plan Sénégal Emergent qui est le moteur de gouvernance de Macky Sall a failli.

« Si le PSE avait produits les effets escomptés, le Sénégal serait plus résilient face à cette crise »

« Ces mesures sont arrivées à une période où on aurait dû parler de bilan. Parce que le régime actuel est là depuis plus de 10 ans. Nous sommes dans la perspective d’élection en 2024. Donc c’est le moment de faire le bilan. Et c’est au moment de faire ce bilan là qu’on a effectivement constaté une crise lancinante qui nous poursuit depuis plusieurs années. Parce que la crise économique est là depuis 2008 et même avant. Mais cette crise est exacerbée depuis 2020 avec la Covid-19 et après la Guerre en Ukraine. C’est une conjoncture très difficile qui montre quand même la faiblesse de nos structures économiques. Dans les mesures prévues, il y a ce qu’on appelle des mesures structurelles. Parce que quand une économie est fragile, elle a des difficultés à faire face à des chocs exogènes qui sont ceux dont l’Etat n’est pas responsable. Comme la Covid-19, la Guerre en Ukraine, les mesures prises par l’Inde sur les importations du riz. C’est indépendant de la volonté du gouvernement sénégalais. Cependant, nous avons eu beaucoup de défaillances dans nos mécanismes de prévision et d’anticipation durant ces 10 dernières années. Il y a eu beaucoup de mesures prises par le Gouvernement. Le Plan Sénégal Emergent (PSE) visait la transformation structurelle de l’économie sénégalaise ? Malheureusement, c’est un plan qui n’a pas eu les effets escomptés. Parce que si c’était le cas, le Sénégal serait plus résilient face à ces chocs exogène auxquels nous faisons face actuellement et dont la conséquence la plus inquiétante est la cherté de la vie qui provient de sources que nous connaissons », a expliqué le Professeur Mounirou Ndiaye.

« Des structures de régulation des prix défaillantes« 

Le Chercheur associé à l’IPAR (Initiative prospective agricole et rurale) a également déploré des défaillances au niveau des structures de régulation des prix pour expliquer l’inflation au Sénégal. Ce qui pourrait être une piste de solution si le Gouvernement décidait de renforcer ces structures pour plus de rigueur dans la surveillance des marchés. « Nous n’avons pas de structures les régulation idoines au Sénégal. Regardez ce qui s’est passé avec l’oignon, il y a un mois au Sénégal. Le kilo d’oignon est allé de 300 à 2000 FCFA. Cela prouve que les structures de régulation de l’Etat sont défaillantes. Elles n’ont pas joué leur rôle. Parce que quand on produit dans un pays 400 mille tonnes et qu’on en importe 150 mille tonnes alors que la consommation est à 350 mille tonnes, il y a un flottement de 200 mille tonne dont arrive pas à localiser. Donc au niveau institutionnel, au niveau de l’Etat, il y a une défaillance de la régulation et de la surveillance des marchés. Il n’y a pas suffisamment d’enquêtes sectorielles pour connaître les coûts afin d’imposer une dynamique tarifaire juste et équilibré », dit-il.

Interrogés sur l’impact que pourraient avoir les mesures 1, 2, 3 et 6 sur le vécu immédiat des populations, l’Enseignant-chercheur d’expliquer que celles-ci sont destinées à alléger la fiscalité au Port de Dakar et sur certains produits. Mais, ajoute-t-il, c’est des dépenses fiscales qui sont infimes par rapport aux importants volumes de produits qui sont concernés « Quand on parle de 30 frs sur le kilo de riz qui va coûter 300 à 400 frs, ça peut ne pas être consistant. C’est des mesures qu’il faut saluer, mais qui ne seront pas suffisantes pour contenir la flambée des prix », dit-il.

« Ces mesures ne peuvent ramener les prix à leur niveau initial d’il y a un an »

Selon son collègue économiste Mouhamadou Ba, les mesures 1, 2, 3 et 6 « sont de nature à avoir des effets directs sur les prix. Néanmoins, l’aléa de moralité chez les opérateurs économiques peut révéler des surprises à moins que l’Etat du Sénégal veille courageusement au respect strict des prix après subvention et maitrise des droits et frais de passage portuaires. Je doute fort de leur impact considérable comme attendus par les sénégalais sur les prix. Mais j’avoue qu’elles peuvent atténuer la vitesse à laquelle les prix augmentent, mais ne peuvent pas les ramener à leur niveau initial notamment leur niveau il y a moins d’un an ».

Dans une analyse plus générale, Monsieur Ba, économiste et coach-consultant, affirme que « les mesures prises par le Chef de l’Etat sont des mesures d’urgence qui vont répondre à la conjoncture du marché et des mesures structurelles plus concentrées sur la production agricole et la distribution des produits. Les mesures 1, 2, 3, 6 sont de nature financière et auront un impact sur le budget de l’Etat. Tandis que les mesures structurelles sont plutôt institutionnelles allant dans le sens d’assainir l’environnement des affaires et de promouvoir le consommer local. Ces mesures rentrent dans le cadre normal d’un Etat-providence. Dans de pareilles situations, l’autorité publique a l’obligation, si elle est soucieuse du bien-être de sa population, de réguler le marché ».

Avant d’ajourer: « les mesures prises révèlent carrément que l’Etat mène une politique de soutien de la demande (mesures sociales) plutôt que de promouvoir les capacités internes de production et de développement des PME et PMI qui pourraient à long terme régler les problèmes que nous vivons actuellement. En réalité l’inflation actuelle n’est pas un phénomène monétaire et n’est pas non plus liée à une demande supérieure à l’offre. C’est une inflation causée par une augmentation des coûts de production. Ce sont les intrants qui gagnent de valeur sur le plan international (causée par la Covid19, la montée du prix du pétrole, le déficit de gaz, la guerre russo-ukrainienne), en plus de l’absence de supervision stricte du marché par l’Etat. Ces des mesures qui ne peuvent pas vraiment contraindre le marché international et je suis convaincu qu’elles seront plus profitables aux producteurs plutôt qu’aux demandeurs qui sont pourtant les visés. Je doute encore de la capacité et du courage politique de l’Etat de mener une supervision stricte du marché ».

« Sur le plan structurel, l’industrialisation et l’Agriculture à la place du TER, BRT, Stade Abdoulaye Wade à la place auraient pu nous éviter cette situation « 

Le Professeur Mounirou Ndiaye pense le président de la République a raté sa politique économique structurelle en ignorant les priorités au profit de choix très discutables. « Ces dix dernières années, le gouvernement a fait beaucoup de choix qui n’étaient pas gouvernés par un véritable arbitrage économique. Ce qui fait que les Sénégalais ont contesté le choix d’un TER de plus de 1000 milliards sur 37 kilomètres, un BRT à Dakar et d’autres projet comme le Stade Abdoulaye Wade, Dakar Arena ou bien toutes les infrastructures qui ont été construites par l’Etat alors que la priorité c’était la production, c’était l’industrialisation, l’agriculture. Donc vous voyez qu’il y a des mesures structurelles que l’Etat devait prendre depuis longtemps et qui aurait permis d’éviter la situation actuelle », affirme M. Ndiaye.

« L’Etat est coincé en termes de finances publiques »

Qui ajoute que « les actions annoncées sont pour gérer la conjonctures. Mais l’Etat est limité pour assoir ses actions basées sur les réduction d’impôts, les subventions, parce que les finances publiques sont en crise. Nous avons un service de la dette qui fait presque 1000 milliards FCFA. Rien que les charges financières de la dette dépasse 350 milliards FCFA. C’est-à-dire il faut payer 1 milliard par jour, rien que pour payer les intérêts de la dette. Il y a la dette publique qui a atteint presque 70% du PIB. Il y a le déficit public qui n’a pas encore été ramené à 3% pour respecter les critères de convergence de l’UEMOA. Donc je ne pense pas que l’Etat ait une marge de manœuvre suffisante en terme de dépenses publiques. Il y a récemment eu une augmentation de 101 milliards sur les salaires des enseignants. Vous voyez donc que l’Etat est un peu coincé sur les finances publiques pour faire des subventions ».

Mouhamed Ba, pense que l’efficacité des mesures annoncées lundi dépend de la rigueur que le gouvernement va mettre dans l’exécution des tâches. « Tout dépend du temps de la mise en vigueur, du suivi et de l’application de ces mesures. On peut s’attendre à ce que les mesures d’urgence puissent donner des effets dans un ou deux trimestres suivant la diligence faite par l’autorité et la durée de déstockage des produits déjà en stock. C’est toute une procédure de réglementation et un cycle de marché », dit-il.

Pressafrik

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