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vendredi, avril 19, 2024
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Affaire des licences de pêche : comment l’Etat cherche à noyer le poisson

par pierre Dieme
Alioune Ndoye

La façon dont le Sénégal exploite son pré carré maritime, avec la délivrance à tout va de licences de pêche aux bateaux chinois, a fini par créer une épidémie de contestations dans le secteur. Les industriels et la pêche artisanale sont vent debout contre ces mesures, pour empêcher l’armée du chalut étrangère de racler nos océans. Dans un nouveau communiqué, l’Association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la Pêche artisanale maritime (Aprapam) montre aux Sénégalais par où Alioune Ndoye pêche.

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C’est ce qu’on appelle dans le jargon du secteur de la pêche «une belle prise». Alors que le Sénégal, fait face à la calamité publique de la Covid-19 qui a fortement impacté le secteur de la pêche artisanale, le ministre de la Pêche et de l’Economie maritime, veut délivrer pas moins de 54 licences de pêche industrielle, pour la capture de petits pélagiques, du merlu surtout, à des navires chinois et turcs. Un affront pour les acteurs du secteur qui a vite viré à l’affrontement. Et dans cette bataille de l’armée du chalut sénégalaise, la pêche artisanale est en première ligne.

A la suite de ses premiers communiqués, l’Association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime (Aprapam) vient de remettre une couche face à la détermination des autorités en charge du secteur d’en faire un panier à crabes. En effet, Alioune Ndoye et son équipe ont semblé provoquer l’ire des pêcheurs artisans en publiant dans la presse des informations sur leur manipulation par les industriels. Car, dans une tribune, le directeur de cabinet du ministre de la Pêche et de l’Economie maritime, Fodé Fall, a mis de l’huile sur le feu en chargeant vivement certains acteurs. «Nous avons enregistré la balade du Dg de Sopasen et Président du Gaipes Monsieur Saer Seck, dans les différents médias, suivi par l’ancien Directeur général adjoint de la même société, aujourd’hui administrateur, Monsieur Adama Lam, puis de la Directrice générale actuelle de cette même société Mme Fatou Niang. Nous avons enregistré leurs tentatives d’embarquer les acteurs de la pêche artisanale, les femmes transformatrices, pourtant premières victimes de leurs pratiques qui n’ont de mobiles que de préserver un monopole aujourd’hui inexplicable sur des pêcheries, dans des zones en concurrence directe avec la pêche artisanale, occasionnant régulièrement des accidents au détriment exclusif des artisans pêcheurs». Des déclarations à effet boomerang qui mouillent publiquement son patron dans cette anarchie en haute mer qu’il présente, mais avoue également l’impuissance de l’Etat à mettre de l’ordre dans ce secteur. Ce, au moment où le chef de l’Etat a, pourtant, donné des instructions, la semaine dernière, en Conseil des ministres pour des concertations avec les professionnels du secteur. «Le chef de l’Etat, évoquant la question de la gestion optimale des ressources halieutiques, a demandé au ministre de la Pêche et de l’Economie maritime de faire respecter les dispositions du Code de la pêche, en consensus avec les différents acteurs». Des ordres qui semblent sonner comme des arêtes dures à avaler pour Alioune Ndoye qui continue de faire des ronds dans l’eau.

La pêche artisanale, un thon au dessus

En voulant ainsi jouer au Zorro, le Directeur de cabinet du Mpem a fait une plongée en eaux troubles et provoqué ces pêcheurs artisans. Une indélicatesse qui lui vaut tout de suite une sanction massue. «Dans plusieurs articles de journaux récemment parus, comme l’AS du 23 Mai 2020, les acteurs de la pêche artisanale, pêcheurs artisans, mareyeurs et femmes transformatrices, sont présentés par les autorités comme ayant été manipulés par d’autres acteurs de la pêche industrielle pour faire entendre leur voix contre l’attribution de licences à des bateaux d’origine chinoise et turque, en voie de ‘sénégalisation’. Comme si les acteurs de la pêche artisanale étaient incapables de discerner ce qui représente une menace supplémentaire sur l’avenir de leurs activités et de leurs communautés», souligne d’entrée l’Aprapam. Non sans rappeler que les hommes et les femmes de la pêche artisanale ne sont pas des enfants à qui on dit ce qu’ils doivent faire ou penser.

«En 2011, c’est la pêche artisanale sénégalaise qui a organisé une première rencontre sur la transparence dans le secteur de la pêche maritime, et qui n’a cessé ensuite de militer pour cette transparence. Qu’ont fait les autorités pendant ce temps ? L’audit de la flotte sénégalaise, – élément essentiel pour la transparence -, si souvent promis, n’a jamais été publié. C’est toujours le règne de l’opacité dans les sociétés mixtes. C’est la pêche artisanale également qui a mené, avec l’appui de la société civile, la mobilisation contre la surexploitation des petits pélagiques, qui sont notre filet de sécurité alimentaire, que ça soit par les bateaux russes en 2012, ou par les usines de farine de poisson ensuite. C’est la pêche artisanale qui a pris des mesures pour diminuer la pression de pêche des artisans sur les petits pélagiques, comme augmenter la taille de capture des sardinelles. Qu’ont fait les autorités pendant ce temps ?», s’interrogent les camarades de Gaoussou Guèye, Président de l’Aprapam. Non sans signaler que la recherche sur l’état des stocks de petits pélagiques est laminée par le manque de moyens, alors qu’elle est la pierre angulaire d’une gestion durable des ressources. «Le Sénégal n’a fait que peu d’efforts pour aller vers une gestion régionale de ces stocks partagés, qui est pourtant la clé pour assurer leur bonne gestion et l’avenir des communautés qui en dépendent. L’octroi par les autorités d’un nombre grandissant d’agréments pour ouvrir des usines de farine qui épuisent ces petits pélagiques, a mis nos pêcheurs, mareyeurs et nos femmes transformatrices en grande difficulté. Alors, qui s’est montré responsable ? Et qui a agit comme un enfant inconscient des conséquences des actes qu’il pose ?», se demandent-ils.

Seyni DIOP

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