Si les libéraux ont toujours donné les gages d’un ancrage dans l’opposition radicale, les événements récents risquent d’effriter cette posture
La modification de la loi sur l’état d’urgence a fait voler en éclats la plate-forme «Nio Lank». En effet, les mouvements «Y ena marre», «Frapp» et le parti FDS de Dr Babacar Diop ont claqué la porte. Mais au-delà de cette rupture, il y a l’accusation portée contre le Parti Démocratique Sénégalais (Pds) qui, selon les activistes, a saboté la procédure contre la modification de la loi sur l’état d’urgence. La formation de Me Abdoulaye Wade serait-elle donc le cheval de Troie du régime pour en finir avec l’opposition ?
Le Président Macky Sall est-il en train d’achever une opposition déjà aux abois, avec l’aide du Pds? La formation libérale est-elle en alliance secrète avec le Président Macky Sall et son régime? Dans tous les cas, si les libéraux ont toujours donné les gages d’un ancrage dans l’opposition radicale, les événements récents risquent d’effriter cette posture. Mais avec la modification de la loi relative à l’état d’urgence, certains membres de l’opposition et de la société civile accusent les libéraux d’avoir volontairement bloqué la procédure contre cette nouvelle loi qui, selon eux, est arbitraire et liberticide.Dans un communiqué parvenu à la presse, les membres de la plate-forme «Nio Lank» ont fait un sévère réquisitoire contre la formation de Me Abdoulaye Wade.
Déplorant l’échec de l’initiative de saisine du Conseil constitutionnel par l’opposition parlementaire pour contester la modification de la loi sur l’état d’urgence, ils ont condamné le blocage de cette initiative par le Parti démocratique sénégalais (Pds). «Jetant ainsi le trouble sur sa posture sur laquelle les Sénégalais doivent interroger dans le contexte actuel de dragage des libéraux vers Macky Sall», les responsables de «Nio Lank» recommandent de rester «attentifs à ces mouvements d’ombres» et de dénoncer «toutes les postures qui trompent les populations sous le prétexte de la pandémie et de la proximité idéologique».
Le Président Macky Sall aurait-il enrôlé officieusement le Pds ? La question ne peut pas encore être tranchée. Mais force est de dire que beaucoup de signaux laissent perplexes les Sénégalais. Surtout que le directeur de Cabinet du Président de la République, Mahmouth Saleh, avait soutenu que Macky Sall et Me Abdoulaye Wade sont en contact permanent. Sans entrer dans les détails, celui qui murmure à l’oreille du chef de l’Etat avait déclaré que les deux hommes se parlent par des mécanismes qui leur sont propres. Après cette sortie de M .Saleh dans l’émission ‘’JDD‘’ sur ITV, certains responsables libéraux étaient montés au créneau pour démentir le directeur de Cabinet du Président Macky Sall. A ce jour, toutefois, aucun communiqué de la part du Pds n’est sorti pour confirmer ou infirmer ces propos de Mahmaouth Saleh.
LE DOSSIER KARIM WADE : L’ÉPÉE DE DAMOCLES
Un mutisme qui donne de plus en plus du crédit aux propos de ceux qui disent que Me Abdoulaye Wade s’était abstenu de donner une consigne en faveur d’un des candidats de l’opposition lors de la dernière élection pour ne pas gêner Macky Sall dans sa course pour sa propre réélection.
Pour le journaliste Cheikh Yérim Seck, Me Abdoulaye Wade était à deux doigts de soutenir le leader du Pastef Ousmane Sonko. «Aujourd’hui, si Macky Sall a été réélu, c’est grâce au Président Abdoulaye Wade. N’importe qui au Pds que l’ancien Président aurait adoubé serait sorti de la dernière élection avec un score de 10% au minimum. Tout le monde connaît l’assiette sociologique du Pds», affirmait-il avant de révéler : «Abdoulaye Wade a signé un protocole avec le Président Macky Sall à Conakry par l’entremise du Président Alpha Condé. Abdoulaye Wade était à deux doigts de soutenir Sonko. C’est après ce protocole que Me Abdoulaye a décidé de s’abstenir de l’élection présidentielle».
Pour le journaliste, Macky Sall et Me Abdoulaye Wade sont dans une logique de deal pour sauver un homme. Vrai ou faux ? Ce qui est constant en tout cas, c’est que l’ancien Président est face à un dilemme qui profite visiblement à son successeur. En effet, son fils Karim Wade est toujours dans une semi-liberté et à l’exil depuis sa sortie de prison.
Ainsi, le Pds et Me Abdoulaye Wade ne peuvent s’opposer au régime que de manière prudente. Macky Sall qui, sans doute, connaît tous les rouages de la realpolitik joue apparemment sur cette fibre judiciaire pour museler une formation politique qui pouvait jouer un rôle important dans l’opposition, eu égard à la notoriété de son chef qui ne manque pas de fidèles dans le pays. Et tant que l’ancien ministre Karim Wade ne sera pas innocenté totalement, Me Abdoulaye Wade aura manifestement les mains liées. En attendant, le Pds se vide. L’opposition aussi…
