L’inquiétude est palpable dans le département de Podor, où la montée des eaux du fleuve Sénégal a franchi la cote d’alerte dans la nuit de samedi à dimanche. Une situation qui place les populations riveraines en état d’alerte maximale. Une angoisse renforcée par l’annonce de possible lâchers des eaux du barrage de Manantali.
Les villages situés le long du fleuve Sénégal vivent dans la crainte constante d’inondations majeures. Et les dernières informations liées à l’activité du fleuve ne sont guère rassurantes. En effet, la cote d’alerte de 5 mètres a été franchie dans la nuit de samedi à dimanche, comme l’a confirmé le service météorologique de Podor dans son bulletin quotidien. Ainsi, dans les prochaines heures, l’eau pourrait rapidement envahir la terre ferme. De Mboyo à Guédé Village, en passant par Diama Alwaly, les nuits sont traumatisantes. « Nous ne dormons plus. Chaque nuit, nous veillons sur le niveau de l’eau », confie Mamadou Gangué, un habitant de Guédé Village. L’année dernière, cette localité du département de Podor avait été durement frappée par la montée des eaux : rizières, jardins, bétail, habitations, tout avait été ravagé sur son passage.
La montée des eaux est attribuée à l’augmentation des précipitations en amont du fleuve, notamment en Guinée et au Mali. À cela s’ajoute la gestion des barrages de Diama et de Manantali. Cette situation met en péril les habitations, les cultures et les infrastructures locales déjà fragiles. À Mboyo, les populations avaient anticipé en érigeant une digue de fortune pour freiner l’avancée des eaux. Mais sur place, les craintes de débordement restent vives. «Pour le moment, nous n’avons pas constaté de dégâts. Mais l’eau avance à un rythme incroyable et nous craignons qu’elle ne détruise la digue », renseigne un habitant de Mboyo. Angoisse et inquiétude chez les populations La situation est identique à Diama Alwaly, à quelques encablures de Mboyo.
Ces localités, situées dans l’île à Morphil, avaient connu des inondations sans précédent l’année dernière. Plusieurs familles avaient rejoint le Diéry, la partie sud du fleuve Sénégal, moins exposée aux crues. Partout dans le département, les populations sont en alerte. Les autorités locales, en coordination avec la Direction de la protection civile et l’Omvs (Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal), ont été mobilisées pour surveiller l’évolution du niveau du fleuve et prendre les mesures nécessaires. Des évacuations préventives pourraient même être envisagées si la tendance se poursuit. Les lâchers d’eau, un mal nécessaire Dans les villages riverains, les habitants sollicitent l’État du Sénégal et appellent les structures chargées de la gestion des eaux à plus de réactivité. « Nous avons besoin de solutions urgentes, mais aussi durables.
Chaque année, c’est la même peur qui revient. Il est temps de trouver une alternative à cette situation », déplore le chef de village de Guédé Village. Les prochaines heures s’annoncent critiques, car elles coïncident avec les lâchers d’eau du réservoir du barrage de Manantali. Situé au Mali, ce barrage régule le cours du fleuve Sénégal à travers le Bafing, l’un de ses principaux affluents. Lorsque le réservoir atteint sa cote normale de gestion, fixée à 208,05 m, des lâchers d’eau sont autorisés. Selon les spécialistes, cette manœuvre est nécessaire pour éviter des débordements ou d’autres dégâts structurels. Ces énormes quantités d’eau vont s’ajouter aux pluies, augmentant ainsi le volume d’eau à gérer en aval. Et les conséquences sont lourdes pour le département, situé dans les zones riveraines. L’agriculture de décrue, les rizières et les périmètres irrigués sont directement affectés. Autre conséquence dans cette partie nord du pays : la mobilité devient réduite, voire impossible, dans de nombreux villages. Routes et pistes sont coupées, devenant impraticables. La pirogue devient ainsi le moyen de transport par excellence dans plusieurs hameaux.
Par Mamadou THIAM (Correspondant)