Quand le maitre veut imiter l’élève

par pierre Dieme

La leçon de Macky voulant réduire l’opposition à sa plus simple expression n’a pas servi à Macron. Ce dernier ambitionnait de réduire le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen à sa plus simple expression et ne voilà-t-il pas qu’il a lamentablement échoué ? Dans des proportions inégalées, l’extrême droite française a remporté les élections européennes en France. Le parti de Macron, Renaissance (RE) réalise moitié moins que le RN. Du jamais vu ! Jamais l’extrême droite ne fut aussi près des portes du pouvoir en France !

Tout comme Macky, Macron fut atteint subitement de soubresauts de folie. Il s’engagea dans une fuite en avant éperdue. Quand l’élève Macky reportait l’élection présidentielle sénégalaise, le maître Macron dissolvait l’Assemblée nationale française. On eut du mal à comprendre, dans un cas comme dans l’autre, les logiques à la base de ces comportements compulsifs. Si Macky évoquait, sans trop y croire lui-même, la gravité des faits de corruption supposés touchant son premier ministre et des magistrats de la Cour constitutionnelle, Macron, lui, se bornait à évoquer un acte de confiance en son peuple face à la montée de l’extrême droite.

Et si en définitive, l’acte de Macky Sall avait jeté le Parti démocratique sénégalais dans les bras du Pastef, celui de Macron aura plutôt recimenté en un temps record, et comme par miracle, la gauche française fort moribonde et aura semé la zizanie dans les rangs de la droite, notamment chez Les Républicains (LR). Éric Ciotti, patron de LR, rêvant de victoire quoi qu’il en coûte (une autre version de « na ci bokk rekk »), a décidé de suivre le RN sans l’accord des siens, créant un rififi incroyable chez les Républicains.

Les seules logiques qui semblaient justifier les choix de l’élève Macky auraient été sa recherche désespérée de s’agripper au pouvoir pour quelques mois supplémentaires, sans qu’on sache d’ailleurs pour quoi faire. Quant à celles du maître Macron, elles semblaient résider dans sa volonté farouche de rester à la barre et de ne pas attendre que les vagues d’une éventuelle motion de censure ne le happent.

Macky savait que sans tricheries, le Pastef allait gagner.  En décidant tout d’un coup de normaliser la situation politique, de libérer Diomaye et Sonko et de faire voter, au pas de charge, une loi d’amnistie à l’Assemblée où il détient une majorité relative, il s’était résolu à abdiquer et à offrir le pouvoir au Pastef.

Macron sait la cohabitation avec l’extrême droite inéluctable. Le voilà à rêver de s’acheter un monde sans histoires où, il pourrait régner en paix jusqu’à la fin de son dernier mandat. Mitterrand n’eut-il pas ses meilleurs moments de présidence avec Chirac et Balladur à la barre comme premiers ministres ? C’est bien cela l’avantage de la cohabitation. On voit mal comment le parti du président, Renaissance, pourrait se remettre de cette cuisante défaite électorale. Comme pour l’APR, le parti de Macky Sall, l’ampleur de la défaite de Renaissance fût sans précédent. L’un comme l’autre aura du mal à survivre à cette crise profonde.

Les divorces entre les autorités régnantes et leur peuple sont devenus grandissants. En France, au Sénégal, comme en Afrique du Sud, les défaites des partis au pouvoir étaient prévisibles. Cependant, partout, c’est l’ampleur des défaites qui surprend. Elle démontre combien est grande la défiance des peuples par rapport aux politiques. Les idéologies n’attirent presque plus, les gens veulent vivre, ils veulent du riz dans le bol, ils veulent du bonheur, ils préfèrent la croissance de l’indice du développement humain (IDH) qui profite à tous (donc à eux) à celle du PIB générée par 80% de la population et qui ne profite qu’à 1% !

Que faire ?

En France, il faut déconstruire les thèses racistes du RN de Le Pen et de Reconquête de Zemmour (on se demande bien de quoi) s’acharnant à démontrer au peuple français que l’obstacle majeur à leur bien-être, à leur bonheur, serait l’étranger, l’autre. Les thèmes de l’identité, de la sécurité et de l’immigration brandis par ces partis ne sont là que pour victimiser l’autre. Chassons l’autre et nous serons heureux, battent-ils en brèche. C’est cette thèse simpliste qui a prospéré au fil du temps, depuis qu’un certain François Mitterrand a mis le pied à l’étrier à une extrême droite confidentielle pour contrer sa droite. Quel triste châtiment cela aurait été pour le chef de file socialiste, s’il avait connu l’infamie de vivre ce moment de gloire du parti d’extrême droite française ! Plus de 30% aux élections législatives européennes !

Peut-on espérer que la réflexion rationnelle puisse ramener le peuple français à plus d’humanisme ?

C’est le travail colossal auquel s’attachent, depuis la débâcle du 9 juin, les blocs de centre et de gauche. Le temps leur est compté. Difficile de croire qu’ils y arriveront. Dans un contexte de brutalisation de la vie publique, ce sont les solutions extrêmes qui prévalent hélas ! Et donc l’extrême droite séduit de plus en plus. Le vote se fera assurément en ces temps troubles, sur des aspects irrationnels et émotionnels.

La roulette russe est enclenchée, espérons que le barillet n’est pas plein pour qu’il y ait au moins une chance de survie !

Dr Tidiane Sow est coach en communication politique.

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