Brusquement, tout va en vrille. Des hoquets morbides s’élèvent autour d’une géographie qui n’y était guère préparée.
C’est une vieille nation, hier, soudée dans sa diversité, qui se retrouve réduite en mille morceaux.
Les éclats jonchent partout un sol qui n’avait jusqu’alors connu qu’une infinie insouciance mais n’est plus rien sous l’effet déstabilisateur d’un régime antinational. C’est une nation prise à la gorge par un chef d’orchestre déterminé à la garder en otage, en faire une affaire privée, dans le but de satisfaire ses ambitions personnelles.
Tout s’éclaire d’un jour nouveau, crû, et le voici, à la baguette, soutenu dans sa folle partition par une cohorte de forces nocives, soudain, couteaux entre les dents, au service de son funeste projet.
Plus que d’une douce musique classique, ce qui monte au ciel ce sont les hoquets d’une fin. L’agonie. D’une nation…
Les signes sur les murs, visibles partout, en gros caractères frappent l’attention du plus étourdi. Hier nuit, dans la gestion des hydrocarbures du pays, ce fut une razzia. L’ethnicise, si difficile à évoquer tant les liens sociaux ont longtemps été indissociables, s’est exprimé de la plus cruelle façon pour indiquer que l’Etat lui donnait son feu vert pour capturer les leviers de la gouvernance des ressources naturelles du pays. Un directeur général, en la personne d’un Adama Diallo, de la société nationale de pétrole, un autre des hydrocarbures (Pape Samba Bâ, qui aimait tant raconter pendant ses années parisiennes que Macky Sall, à sa différence, n’était pas diplômé de l’Institut Français de Pétrole), un directeur de l’exploration, en Thierno Nourou Ly, ou encore un Secrétaire-général du Ministère du Pétrole, à travers le plutôt calme, Cheikh Niane…
Ces promotions ethniques suivent la courbe de celles faites déjà aux Finances, notamment hier encore, à la justice, dans les services de police, de la magistrature et de la diplomatie. Le vase dégouline. Puant. Au point qu’un individu a osé insulter, en des termes jamais entendus sous nos cieux, toutes les autres ethnies, autres que la pulhare, avant de se faire exfiltrer vers la France d’où il nargue ses cibles.
La boucle est bouclée. La rupture faite. L’équilibre rompu. L’idée de nation, unie dans sa diversité, n’est plus qu’un lointain souvenir, qu’il faudra aller chercher dans les écrits anciens de feu Léopold Sédar Senghor dont la grande œuvre, pensait-il, était de raconter qu’au Sénégal « la nation a précédé l’Etat ».
Il est très délicat, difficile, de parler d’ethnicise dans un pays où les familles sont si mêlées les unes les autres et qui n’a jamais été traversé par les remous diaboliques ayant détruit tant d’Etats post-coloniaux africains.
Même la majorité des membres des communautés pulhares que le régime dévergondé de Macky Sall, l’homme qui sème la division, tente d’entraîner dans cette logique ethnicise ne s’y retrouve pas. Qui ne voit pas combien elle porte les germes d’une implosion nationale?
Le Sénégal n’est pas seulement sur une poudrière explosive en raison des dérives d’une irresponsabilité inouïe que lui colle celui en qui il a commis l’irréparable en lui confiant les rênes de ses destinées depuis dix ans.
Les autres signes de ce délitement se multiplient, toujours plus inquiétants. Les exemples qui l’attestent sont légion. C’est ainsi qu’il y a quelques-jours, dans une complicité repoussante, l’image d’un Modou Kara, presqu’aux bras d’un Macky Sall, sourire narquois au coin des lèvres, semblait s’extasier d’une nomination à un poste de haut représentant personnel de Sa Majesté, dont le choix, nul n’en doute, n’est dicté que par une volonté de lui faire jouer un rôle dégueulasse dans la quête qui est sienne de s’aménager un troisième mandat à la magistrature suprême du pays que tout, d’abord la morale, récuse.
Peu après, c’est, sous l’oeil goguenard et l’acquiescence bruyante de l’animateur Pape Cheikh Diallo, agissant en pulhar, que l’hurluberlu prêcheur musulman, Modou Fall, se lançait dans des tirades élogieuses, en flagorneur déchaîné, pour inviter quiconque est contre Macky Sall à « s’asseoir sur un fourneau à gaz et à s’y immoler » ou à s’exiler, à défaut, en Ethiopie. « En Côte d’Ivoire », corrige, complaisant et criminel, Diallo.
On en était à épiloguer sur les litanies sataniques qui déferlent sur le pays que, plus fort encore, hier, reprenant son statut de mercenaire-en-chef du pouvoir, un Madiambal Diagne, tout feu, tout flammes, a ajouté du carburant sur la fournaise sociale. « Je suis contre la limitation des mandats présidentiels », avance-t-il, sans protection, sauf à faire semblant qu’il s’agit de la seule volonté des Sénégalais tout en sachant qu’elle est bridée par diverses sources de limitations de sa souveraineté, y compris par cette violence illégitime d’un Etat-bandit prêt à tuer et torturer, torpiller les réputations de quiconque ose se dresser sur sa route.
Parce que j’ai été victime des mensonges éhontés, mais démontés, depuis, de ce triste sire, comment puis-je donner davantage de poids à ses autres affirmations qui lui font reprendre tout l’argumentaire du pouvoir contre Ousmane Sonko, l’un de ses opposants, tour à tour présenté en rebelle-séparatiste, violeur (sans oublier ses propres antécédents), ou encore en ennemi de la nation à abattre par tous les moyens.
A y réfléchir de plus près, on peut aisément constater qu’un faisceau de facteurs témoignent de la destruction de l’Etat-nation. Pour une cause pouvoiriste. Il en est ainsi des promotions corporatistes, sur fond ethniciste, qui défilent telle une ritournelle chaque semaine, lors des réunions de ce qui doit être un lieu de mutualisation des différences sociétales. Idem du recrutement de nouveaux Goebbels, parmi les plus truculents, incapables de résister au tintement des espèces sonnantes et trébuchantes, et donc disposés à faire le sale boulot, à savoir « vendre » la dynamique de prolongation de la capture actuelle de l’Etat.
Qui n’a pas non plus relevé l’unanimisme, jusqu’à la caricature, des messages, que l’on croyait nés d’une inspiration divine, mais conçus depuis les officines d’un pouvoir mafieux, sans foi, alignant nombre de chefs religieux, étrangement coachés, pour répéter les mêmes prêches de soumission pacifiste, afin d’accepter la volonté divine, entendez le maintien au pouvoir de qui on sait.
Après la thérapie collective du football, qui se prolongera par la tournée dans les régions du pays du trophée de la coupe d’Afrique des nations de football, remporté par le Onze national Sénégalais dans un grand engagement patriotique et sur le socle de talents incontestables, que le pouvoir compte utiliser ad nauseam pour endormir, comme au temps de la Grèce antique, les foules affamées et désargentées, désœuvrées du pays, il ne restait qu’une pièce au puzzle: aligner derrière les plans antidémocratiques en gestation la communauté internationale.
C’est de cette stratégie ultime que participe la prise de contrôle de la présidence en exercice de l’Union africaine (UA), que Macky Sall a embrigadée en cherchant à faire briller son image ternie, au moyen d’une diplomatie opportuniste, le temps de traverser les difficultés en tous genres qui assaillent la nation. Dans un an, il lui sera alors loisible de rembobiner avec son autre antienne de Président-la-chance, quand il montera en épingle les retombées des premiers puits pétro gaziers avec, justement, à la manœuvre, ses moines-soldats à la tête des institutions qui contrôlent ces hydrocarbures.
En attendant, la recherche de son onction diplomatique ne pouvait être différée. C’est pourquoi, sans états d’âme, alors qu’il se trouvait dans une mission périlleuse dans le Caucase où se joue l’avenir du monde, sous la menace de l’arme nucléaire, il a dévié l’imprudent Antonio Guterres, Secrétaire-Général de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), du chemin important qu’il avait enfin emprunté pour le faire venir à l’inauguration des nouveaux locaux de son instance à Dakar, réalisés par un gang issu des rangs de la Toucouleurie (Madani Tall, Aminata Niane, avec, en arrière-plan, Macky), sans que nul ne lui dise combien la manifestation était corrompue, au service d’un crime contre la souveraineté démocratique du Sénégal.
Le Sénégal vit les heures les plus graves de son existence. En élisant à sa tête un être qui n’en a pas l’épaisseur, ses électeurs ont commis la plus grande bourde de l’histoire d’une grande nation. La peur que ce dernier vit à mesure qu’il sent son impopularité monter, jusque dans les rangs de la communauté pulhare dont la majorité ne se retrouve pas dans ses micmacs et dans ceux de ses anciens alliés politiques, désarmés par son inélégance républicaine, le pousse à briser toutes les limites de la décence. Jusqu’à créer une coalition politique ethnicise, où la venue d’un Abdoul Wahab Bengelloum, capable de vendre père et mère pour satisfaire son égo, en plus d’une cohorte, trame fondatrice de la coalition en question, déterminée à jouer la carte ethnique.
Qu’on se le dise: il n’y a pas d’autre choix que de sonner l’alarme générale, plus qu’une alerte, le feu est en passe de monter pour consumer toute la nation. Pour les beaux yeux d’un irresponsable qui ne craint même pas de menacer de ses…foudres l’existence du dernier réduit des libertés, les réseaux sociaux. Macky Sall doit être contraint de s’arrêter, sa présence à la tête de l’Etat du Sénégal est le plus grave danger existentiel qui le guette. Sa nation s’y est déjà perdue sous le feu ethnicise. Pendant ce temps, la faillite multiforme, de l’économie à la société, de la politique à la culture, ne cesse d’étendre ses tentacules sur un peuple sans espoir…
Adama Gaye* est un Sénégalais qui vit en exil.
Ps: Pour que nul n’en ignore, j’ai chassé hier de mon espace Malick Diallo, Lick, mari à la petite sœur de l’épouse de Malick Sall, que j’ai senti en mission commandée, en parfait hypocrite, jouant les sapeurs pompiers. Quiconque l’a envoyé, ou qu’il prétend représenter, se trompe lourdement. Nous ne sommes plus à un niveau de salamalecs avec des crapules. Vous avez osé comploter contre ma personne, assumez cela, avec un peu de dignité s’il vous en reste…Cette démarche ethnicise n’a fait que me conforter dans mes convictions qu’il faut sauver ce pays.
Sénégal: Les hoquets d’un effondrement national, par ADAMA GAYE
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