Conflits fonciers au Sénégal : plus de 307 cas litigieux

par pierre Dieme

Les litiges fonciers sont une bombe à retardement. D’après un Répertoire des litiges fonciers et conflits communautaires mis en place par le ministère de l’Intérieur, Il y en a au moins 307 sur toute l’étendue du territoire dont la résolution nécessite des mesures urgentes.

La destruction des maisons à Mbour 4 est la dernière actualité d’une chronique toujours agitée. Le ministère de l’Intérieur, à travers la Direct­ion générale de l’Admi­nistration territoriale, a mis en place un Répertoire des litiges fonciers et conflits communautaires. Cette cartographie vise à mettre sans doute en place un système de prévention ou de suivi des problèmes liés à l’occupation des terres. Mais, le mal est tellement profond qu’il touche les 14 régions du pays avec des contentieux liés à des «problèmes de lotissement (18,89%), de délimitation (villages ou communes) (19,86 %), des litiges fonciers entre particuliers (34,20 %) ou entre populations et promoteurs (13,02 %) et des conflits communautaires (14 %)». Selon les données du ministère de l’Intérieur, il y a 307 conflits en cours dans le pays, qui bruit de ces conflits au quotidien.
Il faut noter que les litiges sont nés, pour l’essentiel, de lotissements mal maîtrisés, des insuffisances notées dans la délimitation de certaines communes et de la gestion des terres du Domaine national à usage agricole. Pour certains, des mesures sont entreprises pour apporter des solutions tandis que d’autres ont des relents culturels qui appellent à la tenue des larges concertations avec les élus, les autorités religieuses et coutumières. En même temps, l’origine de ces confits peut aussi s’expliquer par la méconnaissance réelle des textes et procédures relatifs à la gestion foncière par les acteurs territoriaux, la subsistance de pratiques coutumières et traditionnelles dans l’acquisition et la gestion de l’espace foncier en milieu rural, − le «ponce-pilatisme» des maires et des élus territoriaux dans ce domaine qui se réfugient derrière l’Administration pour le règlement de ces litiges.
Sans oublier l’absence de cadastre rural et de registre foncier bien tenu au niveau de la majorité des communes situées en zone rurale et évidemment les rivalités et inimitiés entre communautés qui impactent négativement le bon voisinage et l’harmonie dans l’exploitation des champs de culture et persistance des considérations subjectivement politiques dans la gestion municipale.

Mise en place d’un cadastre rural
Aujourd’hui, beaucoup de litiges sont latents. A Tambacounda, le contentieux opposant les populations du village de Wassadou et M. Gilbert Khayat qui y détient 7 titres fonciers acquis suite à un héritage est toujours en cours. En outre, les populations déguerpies du Parc Niokolo Koba dans les années 70, ont créé des zones d’habitat en y fondant des villages où vivent des centaines de familles. D’après le ministère de l’Inté­rieur, le «dossier est toujours en instance depuis deux ans au niveau de la Ccod» et il insiste sur la «nécessité de finaliser cette affaire par le Mefp pour définitif de ce conflit considéré comme le plus grave, le plus ancien et le plus sensible de la région de Tamba­coun­da».
Dans la région de Dakar, les conflits les plus persistants sont notés dans la commune de Ouakam et maintenant à Diamniadio, qui aiguise beaucoup d’appétits. Par exemple, le conflit relatif aux emprises du Pôle urbain de Diamniadio n’est pas toujours éteint. Alors que les réclamations des Pap continuent à être reçues à la Préfecture de Rufisque. Face à cette situation, la meilleure solution serait de procéder à la «délimitation matérielle du pôle urbain de Diamniadio».
Dans cette zone, le différend entre Diop Sy et les populations portant sur un site de 22 ha qui lui a été attribué par voie de bail est toujours n’est pas encore vidé. Si le calme est revenu après une tentative avortée de la Dscos de déguerpir les occupants, il est juste précaire. D’après le ministère de l’Intérieur, il faut «distraire du titre de Diop Sy, l’assiette faisant déjà l’objet d’une occupation et lui trouver une parcelle de substitution» pour mettre un terme à cette affaire.
À Ouakam, il y a le conflit foncier entre le maire et Cheikh Amar au niveau de la cité Cheikh Amar à propos «d’un espace prévu pour abriter un équipement qui a été mis à la disposition d’un marabout» par l’homme d’affaires pour la construction d’une école. Les travaux sont toujours à l’arrêt car toute construction sur le site est impossible du fait que «le concerné ne dispose d’aucun titre de propriété». Car, souligne le ministère de l’Intérieur, «le changement de destination des équipements ne peut être autorisé que par le ministre du Renouveau urbain, ce qui n’est pas encore le cas, d’où l’arrêt des travaux».
Une façon de disserter sur une actualité qui rythme la vie des Sénégalais, car les conflits fonciers et protestations populaires qui les escortent font la Une des journaux qui relatent le quotidien difficile des populations rurales souvent expropriées par des industriels. Le Président Sall révélait que «l’essentiel des alertes que je reçois au quotidien sur les risques de conflit viennent à plus de 90% du foncier».
Face à une situation persistante, il a signé le 16 septembre 2020, un décret relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du Domaine national. A travers cette mesure, il retirait au Conseil municipal la prérogative d’affecter ou de désaffecter des terres sans l’approbation de l’autorité administrative locale.

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