Dépourvu d’une majorité des deux tiers à l’Assemblée nationale, le président Umaro Sissoco Embaló ne peut engager son projet de réforme constitutionnelle. Il menace désormais de dissoudre l’Assemblée, ravivant le spectre d’une crise politique à Bissau, un an après son élection controversée.
Le camp présidentiel en Guinée-Bissau s’est assuré une majorité à l’Assemblée nationale, ouvrant la voie à l’examen par les députés du programme du gouvernement, avec le recrutement de quelques députés du PAIGC. Cette majorité favorable au président Umaro Sissoco Embalo avait permis d’inscrire à l’ordre du jour l’examen du programme du Premier ministre Nuno Nabiam qui ne parvenait pas jusqu’alors à le soumettre aux députés, depuis sa nomination contestée.
Le Parlement issue des législatives de mars 2019 est toujours en place et le PAIGC y disposait jusqu’alors d’une majorité relative. Malgré cette « majorité » du pouvoir, les réformes notamment constitutionnelles annoncées depuis près d’un an, tardent à se concrétiser du fait de l’opposition du PAIGC qui malgré la perte du pouvoir, demeure majoritaire. Une situation qui met Umaru Embalo dans tous ses états au point de menacer une nouvelle fois de dissoudre l’Assemblée, créant ainsi les conditions de nouvelles élections, en cas de persistance du blocage.
Plus compliqué pour le trio Embalo -Nabiam -Cipriano, si le leader du parti APU, Nuno Gomes Nabiam, a été nommé chef du gouvernement par le président avec la conviction que l’ancien accord avec le PAIGC est caduc au bénéfice d’une nouvelle alliance autour de Umaro Sissoco Embalo, 4 des 5 députés APU continuent de défendre l’accord avec le PAIGC. Parmi eux, Marciano Indi, agressé par des inconnus vendredi 22 mai dernier.
Depuis que le vice-président du PAIGC et actuel président de l’assemblée nationale, Cipriano Gassamá a tourné casaque, une guerre de pour le contrôle du parlement fait rage au grand dam des parrains de Umaru Embalo qui se rendent à l’évidence que les institutions Bissau guinéennes sont très solides
Avec les crises répétées dans ce pays pauvre, certains observateurs n’avaient jamais imaginé à quel point les institutions y étaient fortes contrairement à d’autres pays africains où ce sont les hommes forts qui sont à la mode. Car, malgré les soutiens du « Général du peuple » dans l’espace CEDEAO, Umaru Embalo peine à dérouler. Ses alliés qui contrôlent l’assemblée et le gouvernement dans ce régime parlementaire, ne comptent pas se dépouiller de leurs pouvoirs. Un sacré rififi dans les jours à venir si le statu quo est maintenu.
Malgré les ralliements de Cipriano Gassamá du PAIGC et Nuno Nabiam de l’APU sans compter quelques cinq députés de l’ancienne majorité, Umaru Embalo ne parvient toujours pas à dérouler. Non seulement, le Madem G-15 qui l’avait investi lors de la présidentielle peine à convaincre mais, ses nouveaux souteneurs ne comptent pas lui faciliter la tâche en se livrant pieds et poings liés. Autant Cipriano Gassamá que Nuno Nabiam, ces deux leaders ont des ambitions présidentielles et jouent sur un blocage pour ruiner le mandat déjà très contesté du « général ».
Aujourd’hui, la principale question est de savoir qui domine l’Assemblée ? Chaque camp a son interprétation. Lors des dernières législatives, en mars 2019, le PAIGC avait obtenu 47 sièges, sur 102. Un accord avec le parti APU/ PDGB de l’actuel Premier ministre Nuno Nabiam lui avait permis le soutien de 5 députés supplémentaires, et donc de garder une majorité relative. C’est cette majorité qui avait mené à la Primature Aristide Gomes, limogé par Umaro Sissoco Embalo fin février. Et ce sont les voix des parlementaires APU qui sont aujourd’hui très convoitées.
Cheikh Saadbou Diarra
Guinée Bissau : Réforme constitutionnelle impossible, Umaru Embalo joue les remakes de la série « House of cards »
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