Sénégal, un pays à vif….

par pierre Dieme

Insoutenables images que celles montrant des familles dont le travail de toute une vie a été emporté par la furie des eaux déboulant en trombes, suite à l’ouverture en flux continu, des heures durant, des vannes du ciel.

Insoutenables images que celles montrant des familles dont le travail de toute une vie a été emporté par la furie des eaux déboulant en trombes, suite à l’ouverture en flux continu, des heures durant, des vannes du ciel.

Et les voilà brutalement jetées hors de chez elles, dans la rue, avec quelques bagages de fortune, obligées de déserter leurs maisons qui baignaient dans une atmosphère cauchemardesque où flottaient des lits et autres mobiliers transformés en radeaux ivres.

Face à ces drames de vie, il devient insoutenable d’entendre certains plaidoyers dénués de toute empathie, seulement intéressés à se défausser et tenter de noyer les inondations dans de désastreuses généralités, convoquant des évidences paresseuses puisqu’après tout rappellent-ils : les « inondations sont une donnée mondiale » et n’épargnent aucun pays, même pas les plus riches. Venant à leur rescousse, il a été montré des images d’inondations qui ont balayé le monde : France, Espagne, Maroc, Arabie Saoudite, Italie, Japon, Etats-Unis, etc.

Moralité : Nul continent n’est épargné. Nul endroit non plus. Même pas la Mecque. La voie ainsi balisée, le chef de l’Etat pouvait, dans une déclaration, désigner le dérèglement climatique comme le coupable de tous nos malheurs. S’il ne vient à personne l’idée d’en douter, il se trouve qu’aucune généralisation ne saurait rendre compte de la spécificité d’une situation particulière, pour peu que, et cela mérite d’être rappelé, toute situation concrète doit être appréciée de manière concrète. De quoi les inondations rendent-elles compte alors ?

Voilà la question qui d’emblée s’impose et dont la réponse attendue permettra d’apprécier le mode de gouvernance qui a prévalu, si tant est que 750 milliards ont été mobilisés dans le cadre du Programme décennal de lutte contre les inondations (Pdli) arrêté lors du conseil présidentiel du 19 septembre 2012. Entre autres interventions, 484 milliards devaient couvrir le volet restructuration urbaine et relogement et 278 milliards les projets de gestion des eaux fluviales. Au demeurant, à deux ans de son terme, la situation difficile qui prévaut présentement ne milite pas à délivrer un satisfécit. Elle fait plutôt penser à une mauvaise utilisation des ressources financières ainsi mobilisées, l’argent n’ayant pas été injecté là où il fallait, ayant plutôt servi comme de coutume à enrichir des gens plutôt qu’à venir à bout des maux qui assaillent les populations.

Expert en protection civile, Abdou Sané, qui ne dit pas autre chose, attire plutôt l’attention du chef de l’Etat sur le fait que sur les dix points qui composent son plan décennal, sept d’entre eux n’ont pas été amorcés. N’empêche que l’argent prévu pour tout cela a été consommé. Il s’y ajoute selon l’expert en protection civile que les différents travaux initiés par l’Etat se sont soustraits à des préalables tels que les études d’impact environnemental. C’est dire que toute l’opération a été le fruit d’un pilotage à vue qui a tout déstructuré sur son passage, surfant sur une urbanisation non maîtrisée, des infrastructures inadaptées, des lotissements dans des zones non aedificandi.

Faisant fi du devoir d’exemplarité, l’Etat piétine ses propres lois et règlements. Aussi, prenant l’exemple de Kaffrine qui se trouve logée dans une cuvette, Abdou Sané souligne que Diamaguène, un des quartiers de la commune, a été implanté dans la zone la plus profonde de cette cuvette. Et comble d’irresponsabilité, une infrastructure scolaire y a été bâtie. Pour dire que cela va dans tous sens, les actions menées étant portées par l’appât du gain, la course au profit. Et c’est un secret de polichinelle que c’est dans le Btp qu’ils sont les plus substantiels. Alors on se lance dans des grands travaux qui parfois interpellent, à l’image d’un building administratif réfectionné à coup de dizaines de milliards, au moment même où s’édifie une ville nouvelle censée recueillir les ministères. Aujourd’hui, il est courant d’entendre les populations se plaindre de conséquences inédites dont elles sont victimes, elles qui disent n’avoir pas connu d’inondations et qui indexent des infrastructures venues perturber l’éco système.

Au finish on convoque le plan Orsec qui, avec ses procédures d’urgence, non content de déployer des moyens d’interventions conjoncturelles, ouvre la boite de Pandore en balayant les digues de contrôle au nom des urgences signalées, avec le résultat que l’on sait du fait de l’absence d’éthique et de probité tendant à saisir les situations de catastrophe comme une aubaine pour s’enrichir rapidement et sans état d’âme. « Je te tiens », « tu me tiens », sur le dos de populations qui trinquent de toute cette désinvolture, avec en arrière-plan « ceux qui pleurent et ceux qui applaudissent ».

Au final, ces inondations récurrentes qu’on peut soupçonner d’être gérées sciemment de manière conjoncturelle, posent un véritable souci de bonne gouvernance. Il urge alors de se doter d’organes de contrôle autonomes qui ont une capacité de saisine directe de la justice, enlevant ainsi toute instrumentalisation possible des dossiers. Avec bien sûr, une justice enfin réconciliée avec son serment, ne penchant ni d’un côté ni de l’autre. Le Sénégal est un pays est à vif, comme le laissent voir les explosions de colère qui s’expriment ici ou là. Ce qui devrait interpeller les autorités et les amener à prendre la mesure du danger qui profile à l’horizon. Le diable dit-on, est dans le détail.

Calame

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